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Manchester United : Y a-t-il un pilote dans l’avion ?

Bruno Constant

Mis à jour 24/08/2018 à 15:13 GMT+2

PREMIER LEAGUE - Des joueurs qui montrent peu d’envie, un entraineur qui s’enferme dans sa caricature, un vice-président exécutif qui affirme son autorité, des anciens de la maison qui prédisent le pire et des supporters qui assistent, impuissants, à la déliquescence de leur club. Welcome to Man United !

Jose Mourinho, Ed Woodward

Crédit: Getty Images

Toujours convalescent après avoir défié la maladie comme il savait si bien le faire avec le quatrième arbitre, Alex Ferguson doit quand même se retourner dans son lit la nuit en pensant à l’image que donne son club depuis la reprise. Après une campagne estivale sous tension, marquée par des rencontres de préparation insipides et la mauvaise humeur de Jose Mourinho, il y a eu le clash au grand jour entre son manager et Ed Woodward, son vice-président exécutif, au sujet du recrutement.
Puis, enfin, le cas Pogba, que son agent a essayé de placer au FC Barcelone (à cause d'une réelle envie de partir ou pour obtenir une revalorisation salariale après un Mondial réussi ?) pendant que son joueur étalait son mal-être passé ("si vous n’être pas heureux, vous ne pouvez pas donner le meilleur"). Après le succès face à Leicester (2-1), Manchester United a chuté à Brighton (2-3) dimanche, dès la deuxième journée. Il n’y a pas de quoi tout jeter après seulement deux rencontres mais ce n’est jamais bon signe quand une saison s’élance dans une ambiance aussi négative.

Les joueurs : lassés par Mourinho ?

Certains me reprochaient de ne voir que le négatif à l’issue d’une première sortie victorieuse face aux Foxes à Old Trafford mais qui n’avait convaincu personne. A l’Amex Stadium, le retour à la réalité n’en fut que plus douloureux. Agressif sur le porteur, pressant son adversaire dans sa moitié de terrain avec beaucoup d’intensité, Brighton a imposé son jeu. Tout ce qui devrait s’appliquer à un membre du Top 4 et qui a fait la force et l’identité des Red Devils à travers les âges mais que n’ont pas daigné montrer les Mancuniens. De mémoire de suiveurs avisés du club, c’était la pire prestation d’une équipe de United depuis de nombreuses années.
Ce n’est pourtant pas le talent qui manque à cette équipe et aux joueurs qui la composent. Que doit-on penser lorsqu’un joueur de la qualité technique d’un Pogba ou d’un Mata rate les gestes les plus faciles ? Bien sûr, l’idée d’un physique encore en rodage à l’aube d’une saison post-Coupe du monde fait son chemin. Ce n’est pourtant pas ce qu’on voit quand on regarde jouer Manchester City, Liverpool ou Tottenham, qui comptent beaucoup de Mondialistes. D’autant que c’est un sentiment récurrent à MU au cours des deux saisons passées.
Sur le papier – même si des noms cochés sur une feuille ne gagnent pas des trophées -, Manchester United présente un onze-type de grande qualité avec De Gea dans le but, Valencia, Bailly, Jones et Young en défense, Fred, Matic et Pogba au milieu, Lingard, Lukaku et Alexis Sanchez en pointe, sans compter une grande profondeur de banc avec Romero, Shaw, Rojo, Herrera, Fellaïni, Mata, Martial et Rashford. Et, quand on se demande comment ces joueurs n’arrivent pas à donner la pleine mesure de leur talent, c’est qu’on a déjà une idée de la réponse, ou plutôt de l’origine du problème en allant jusqu’à se demander si un autre technicien, du nom de Zidane par exemple, ne tirerait pas un meilleur profit de cet effectif. C’est exactement la question que s’était posée Florentino Perez au Real Madrid lorsque le Français a remplacé Rafael Benitez avec le succès que l’on connaît.
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Jose Mourinho (C) gestures as he talks with his players Manchester United's Belgian striker Romelu Lukaku (L) and Manchester United's French midfielder Paul Pogba (R) during the English Premier League football match between Brighton and Hove Albion.

Crédit: Getty Images

L’entraîneur : une méthode dépassée ?

Il n’a pas eu le défenseur central espéré pour renforcer sa charnière, sa star, Paul Pogba, rapatriée au club il y a deux ans contre un gros chèque (105 millions d'euros), souhaite déjà partir et rejoindre Barcelone, Manchester City et même Liverpool, ses deux plus grands rivaux pour le titre, semblent déjà très en avance. Appelé au chevet de Manchester United après l’échec David Moyes et le passage difficile de Louis Van Gaal, Jose Mourinho ne parvient pas à répondre totalement à la mission qui lui a été confiée : ramener le club au sommet du football anglais. Il n’est pas l’unique responsable mais, à mesure que les années passent, sa part est de plus en plus grande.
Après une première saison bouclée sur deux trophées (Ligue Europa et Coupe de la Ligue), son équipe a terminé deuxième l'an passé mais elle a été surclassée par celle de Guardiola et son jeu n’a pas toujours convaincu. A l’amorce de la troisième, celle qui a tendance à précipiter son départ, Mourinho peine à dégager un style et imprimer une progression contrairement au voisin et au Liverpool de Klopp. Et l’idée d’un Special One dépassé face à la montée de techniciens pas forcément plus jeunes (Sarri a 59 ans) mais offensifs et modernes dans leur approche fait son chemin.
A Brighton, MU a été mauvais du début à la fin, et dans les deux zones décisives du terrain, autant derrière que dans l’animation offensive, ce qui contredit l’idée que le seul problème de Mourinho est sa charnière centrale qu’il souhaitait renforcer à tout prix cet été. L’animation offensive était proche du néant et, surtout, ses joueurs ne semblent plus animer de la même envie. Il y a des bruits qui laissent entendre que son approche le plus souvent négative a fini par lasser ses joueurs et surtout les brider. La peur de l’erreur a surpassé le goût du risque, à l’image d’un Martial qui perd ses moyens, ou paralyser certains - je pense ici à Bailly, si bon lors de sa première saison.
Celui qui savait piquer l’orgueil de ses joueurs pour les motiver et surtout les rassembler derrière ses idées pour en faire un seul corps à Chelsea (2004-2007) ou à l’Inter Milan (2008-2010) semble avoir perdu la main ou plutôt le "mojo". Le courant ne passe plus entre le technicien portugais et nombre de ses joueurs. Ce sont des signes avant-coureurs que l’on a déjà vus ailleurs, au Real ou à Chelsea, et ce qu’on a appelé le syndrome de la troisième saison de Mourinho. Si Lee Sharp, un ancien de la maison mancunienne, prédit que le Portugais ronchon sera limogé avant Noël, Jamie Carragher est moins catégorique mais, comme beaucoup, il pense que "Mourinho ne sera plus l’entraîneur de MU la saison prochaine, et peut-être même avant".
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Jose Mourinho, Manager of Manchester United looks on during the Premier League match between Brighton & Hove Albion and Manchester United at American Express Community Stadium on August 19, 2018 in Brighton, United Kingdom.

Crédit: Getty Images

Le vice-président : Woodward : l’homme qui défie Mourinho

Cet été, le clash entre Mourinho et son vice-président exécutif, Ed Woodward, au sujet du recrutement a mis en avant le second. Cet ancien banquier anglais originaire de l’Essex avait joué un grand rôle dans le rachat du club par la famille Glazer en 2005, avant d’être en charge des opérations commerciales et médias de MU. Le départ de Ferguson associé à celui de David Gill, le précédent directeur exécutif, en 2013 a ouvert une nouvelle ère et porté aux commandes l’homme de confiance des Américains. Le différend sur le renfort d’un défenseur central qui a opposé ce dernier à Mourinho est moins lié à la science du football, auquel Woodward ne connaît pas grand chose, qu’à une différence de vision.
Si Woodward et la famille Glazer ont des raisons de douter des choix du technicien portugais en se souvenant que c’est lui qui a recruté les deux joueurs – Bailly et Lindelöf pour 68 millions d'euros en 2016 - composant sa charnière centrale si décevante à Brighton, ce n’était certainement pas qu’une question d’argent, même si, en coulisses, Woodward n’a pas manqué de rappeler que Mourinho a eu à sa disposition plus de 400 millions d'euros (405,6) de liquidités et cinq mercato pour bâtir son équipe.
Les poches de Woodward ne sont pas cousues, l’Anglais était même prêt à casser sa tirelire pour obtenir la signature de Raphael Varane, parce qu’il a 24 ans et qu’il représente l’avenir. En revanche, il ne voyait pas d’intérêt à miser 55 millions sur un défenseur qui va sur ses 30 ans (Alderweireld) ou un autre (Boateng) souvent blessé. Or, Mourinho est connu pour bâtir sur le très court terme et un succès immédiat tandis que Woodward pense davantage long terme et retour sur investissement. Néanmoins, Gary Neville a raison quand il dit sur Sky que, après avoir prolongé son contrat jusqu’en 2020 en janvier dernier, Woodward aurait dû apporter son soutien à son entraineur.
Lorsqu’il a fait appel au Special One, le club connaissait le profil et l’approche de Mourinho, finalement assez éloignée de la philosophie de Manchester United. Mais, aujourd’hui, il serait bien que le club mancunien fasse honneur au nom qui a fait sa renommée dans le monde entier : "uni", dans l’adversité. Un leitmotiv que seuls les supporters, impuissants mais solidaires, semblent avoir compris.
Bruno Constant fut le correspondant de L’Equipe en Angleterre de 2007 à 2016. Il collabore aujourd’hui avec RTL et Rfi en tant que spécialiste du football anglais et vous livre chaque sa semaine sa chronique sur la culture foot de Sa Majesté. Pour approfondir le sujet, retrouvez mon Podcast 100% foot anglais sur l’actualité de la Premier League et du football britannique.
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