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Faut-il vraiment se réjouir d'une Serie A prolifique?

Valentin Pauluzzi

Mis à jour 14/12/2016 à 11:48 GMT+1

SERIE A - Chiffres en main, cette édition 2016-17 du championnat italien est pour le moment une des plus riches en but depuis plus d'un demi-siècle. Plus de spectacle donc, au détriment de la légendaire rigueur tactique transalpine ?

Mauro Icardi, l'avant-centre de l'Inter

Crédit: Panoramic

Les statistiques datent du début du mois mais qu’importe, le débat reste d’actualité. Après 14 journées, 392 buts avaient été inscrits, un chiffre qui n’avait plus été atteint depuis la saison 1950-51. D’ailleurs, c’est après-guerre que la Serie A a connu sa période la plus fertile avec l’épopée du Grande Torino et les buteurs scandinaves révélés aux J.O de Londres comme le Suédois Gunnar Nordahl et le Danois John Hansen.
Une moyenne se situant alors autour des 3 buts par match avant l’avènement du fameux catenaccio, philosophie qui réduit le score d’une unité et règne pendant plusieurs décennies. De fait, la réputation - plutôt méritée - de championnat verrouillé colle encore à la peau du Calcio, et dès que les chiffres sont en hausse, la nouvelle est colportée à vitesse grand V, mais ne donne-t-on pas trop d’importance à cet aspect ?

Il faut savoir raison garder

J’ai remarqué que ce genre d’information provoque souvent deux réactions chez les "calciophiles", chacune d’entre-elles étant excessive. D’un côté, il y a ceux qui sautent de joie et s’empressent de divulguer les stats auprès des amateurs de foot anglais, espagnol et allemand pour leur prouver que la Serie A n'est pas si ennuyeuse. Ces personnes assument-elles vraiment leur amour pour le Calcio, son rythme lent, ses coaches calculateurs et son emballage émoussé ? Remettez-vous en question !
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Edin Dzeko avec la Roma

Crédit: AFP

D’un autre, il y a les puristes et leur nostalgie d’un football anachronique fait de buts au compte-gouttes, d’attitude gagne-petit et de stades sentant le souffre. Des conservateurs à la quête d’un fantasme idéologique qu’ils transposent même en une certaine vision de la société. Je leur conseillerais bien de se déraidir, mais la comparaison entre les moyennes de la saison actuelle et dernière ne va pas leur plaire.
  • Espagne 2,95 contre 2,74
  • Angleterre 2,89 contre 2,70
  • Allemagne 2,78 contre 2,83
  • Serie A 2,76 contre 2,58
  • Ligue 1 2,54 contre 2,53
A noter que la tendance est identique en Espagne et en Angleterre. Le chiffre le plus éloquent reste le nombre de 0-0 cette saison, 15 en Ligue 1, 14 en Liga, 10 en Bundesliga et Serie A et 9 en Premier League. Comment réagir devant cette "mutation" ?

Pourquoi ça grimpe ?

Plutôt que de paniquer ou s’exalter, mieux vaut se poser les bonnes questions. La continuité ou le retour de grands buteurs n'y sont pas étrangers. Dzeko et Icardi (12), Belotti (11), Higuain et Immobile (9). Autant d’avant-centres qui scorent, c’est finalement assez rare en Italie. C’est en partie la conséquence de coaches plus entreprenants à la tête d’équipes, disons, de seconde catégorie tels Inzaghi Jr et Mihajlovic. Ce dernier a atteint des chiffres que ses supporters n’avaient plus lus depuis le légendaire Grande Torino. Lors du derby turinois, à 1-1, il a effectué trois changements d’un coup à la 80ème modifiant le 4-3-3 en 4-2-4, quand par le passé, les granata se seraient contentés d’un nul. Résultat, but immédiat d’Higuain et défaite 3-1.
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La joie de Gonzalo Higuain face au Torino

Crédit: AFP

La prise de risque n’a pas payé mais je me réjouis d’une telle initiative. Or, je ne peux pas pour autant fermer les yeux sur les erreurs (ou plutôt horreurs) défensives. Plus que l’organisation collective (comme à Cagliari, 37 buts encaissés, pire défense d’Europe…), ce sont les individualités qui ont souvent pêché. Dernièrement, l’ancien monégasque Wallace lors du derby romain et Bonucci contre le Genoa. On cherche le beau geste plutôt que l’assurance. Un esthétisme prétentieux et égoïste, ça pour le coup, c'est inquiétant.

Une hausse scientifique

Néanmoins, ce qui me rassure, c’est que cette métamorphose se fait à travers une recherche constante de nouvelles solutions. La Serie A conserve sa caractéristique principale, celle d’être le laboratoire tactique du football mondial à la recherche de l’équilibre idéal. Cela reste au centre des priorités à tel point que le "Covercianese" est une langue de plus en plus pratiquée dans les médias et parmi les supporters. Un terme qui dérive de Coverciano, quartier florentin où se situe le secteur technique du football italien et où les entraineurs sont formés. En début de semaine prochaine, les journalistes sportifs pourront même y suivre une formation sur les innovations, car les coaches italiens ne font rien comme personne.
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Massimiliamo Allegri, l'entraîneur de la Juventus Turin.

Crédit: AFP

Dans les quatre autres championnats majeurs, le 4-2-3-1 est le schéma de jeu majoritaire, 6 équipes en France, 7 en Allemagne, 10 en Espagne et même 12 en Angleterre, qu'Antonio Conte écrase avec son 3-4-3. En Italie, ce 4-2-3-1 n’est que quatrième sur un total de huit dispositions dominantes. Les stratèges transalpins sont déjà passés à autre choses et œuvrent au retour du plus noble des postes : le numéro 10. Aujourd’hui, plus personne ne joue avec un "trequartista" derrière deux attaquants (hormis M’Gladbach), la créativité ayant été déroutée sur les ailes. Dans la Botte, on essaie de la ramener à sa place naturelle, c’est ce que font l’Empoli, la Sampdoria, le Chievo, Cagliari et de temps en temps Allegri à la Juve en y plaçant Pjanic.
Autre particularité, la défense à trois et demi made in Spalletti. A quatre en destruction, à trois en construction avec un des deux latéraux qui monte d’un ou deux crans. Montella reproduit la même chose au Milan. Citons aussi les dix duels entre joueurs de champ explicitement recherchés par Gasperini et Juric respectivement à l'Atalanta et au Genoa. Toujours ce melting-pot tactique, plus enrichissant que frustrant. Le Calcio conserve bien sa spécificité, pas d'inquiétude, il n'y a pas de relâchement. Et si on marque plus, c'est avant tout parce que les interminables parties d'échecs ont pris cette direction. Les gardiens du temple l'ont décidé ainsi. Cette hausse est "maîtrisée". Faites-leur confiance.
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