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Tous les mêmes pour la présidence de la FIFA ? Oh que non…

Philippe Auclair

Mis à jour 23/02/2016 à 10:10 GMT+1

FIFA - Si chacun des candidats à la présidence de la FIFA, dont l'élection a lieu vendredi, a ses défauts ou ses casseroles, il y en a bien un qui sort du lot : le Cheikh Salman ben Ibrahim al-Khalifa, favori du scrutin, notamment épinglé depuis des mois par des associations de défense des droits de l'Homme pour son rôle trouble dans la répression du "printemps arabe" au royaume de Bahrein.

Le Cheikh Salman Bin Ebrahim Al Khalifa

Crédit: Panoramic

J-4, si tant est que le FBI et la Schweizerpolizei ne nous réservent pas un tour à leur façon dans les vingt-quatre ou quarante-huit heures qui précéderont le scrutin à l’issue duquel nous connaîtrons le nom du successeur de Joseph Blatter à la tête de la FIFA vendredi. On peut toujours rêver. Les Feds doivent avoir des fourmis dans les menottes. Les enquêteurs de Michael Lauber, le procureur-général de la Confédération helvétique, ont fait de gros progrès dans leur décortiquage de plus de 130 opérations bancaires douteuses liées à l’attribution des Coupes du Monde 2018 et 2022, aidés par un mystérieux ‘lanceur d’alerte’ des mieux informés, m’assure-t-on.
On pourrait donc avoir droit à un remake de cette merveilleuse matinée du 27 mai dernier, lorsque nombre de dignitaires des Confédérations entendirent frapper à la porte de leur suite de l’hôtel Baur au Lac de Zürich, et en ressortirent escortés de gardes du corps d’un genre inédit pour eux. Oui, on peut toujours rêver que cette élection déraille au meilleur moment – le dernier -, tant ce qu’on nous a servi depuis l’ouverture de la campagne est pitoyable, voire nauséabond. On peut toujours rêver.
Mais on peut aussi être déçu. Et se dire que, de toute façon, cette élection, si elle nous donne un nouveau capo di capi du football mondial, ne changera rien aux mafieuseries qui le minent depuis si longtemps. Tous les mêmes ! Tous des pourris !
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FIFA's Blatter is still being paid his salary despite ban

Crédit: Eurosport

Tokyo "j'ai été en prison avec Mandela" Sexwale

Sauf que…non, ils ne sont pas tous les mêmes, justement. Chacun des cinq candidats a ses points faibles, voire ses zones d’ombre, ou pis. Tokyo Sexwale, le milliardaire du diamant sud-africain, a été accusé par nos collègues de l'Obs et de Compléments d’enquête d’avoir touché un pot-de-vin phénoménal (210 millions de dollars !) pour ‘faciliter’ la cession de droits miniers au profit d’une entreprise française. Il a aussi traficoté avec le très peu recommandable chef de l’état guinéen Alpha Condé, miraculeux vainqueur d’une élection présidentielle au premier tour de laquelle il avait recueilli moins de 20% des voix. Tokyo était intervenu entre l’aller et le retour, si je puis dire. Personne ne prend Sexwale au sérieux, de plus, y compris dans son propre pays. Son programme tient en une phrase : "J’ai été en prison avec Nelson Mandela", comme si avoir cotoyé le père de la nouvelle nation sud-africaine en faisait une sorte de demi-dieu du football.
Jérôme Champagne, dont la réputation d’intégrité n’a pas souffert d’un long passage au sein de la FIFA - ce qui n’est pas donné à tout le monde -, a présenté un programme des plus détaillés, dans lequel ses rivaux ne se sont d’ailleurs pas gênés pour piocher quelques-unes de ‘leurs’ idées. Mais sa proximité avec Blatter, dont il fut le confident pendant plus de dix ans, le dessert. Tout comme son manque de notoriété en dehors des instances.
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Jérôme Champagne à Bruxelles, le 21 janvier 2015

Crédit: AFP

Le Prince Ali passe lui aussi pour un homme honnête, et eut le courage de s’opposer à Blatter en mai dernier, il est vrai téléguidé par l’UEFA, Michel Platini ayant compris que gagner face au président sortant était chose impossible. Il est tout au mieux un outsider à propos duquel beaucoup pensent qu'il n'a pas la ‘carrure’ nécessaire. Et l’UEFA ne le soutient plus, s’étant rangée derrière son secrétaire-général italo-suisse Gianni Infantino, lui votant même un budget de campagne conséquent (500 000 euros) – alors que l’UEFA, pas plus que quelque autre confédération, n’est membre de la FIFA. Infantino, avocat polyglotte et charmeur, administrateur des plus capables, a aussi quelques amis encombrants, comme messieurs Theodoris et Marinakis, les patrons de l'Olympiakos, un club impliqué jusqu’aux sourcils dans un scandale de matchs truqués que l’UEFA s’est montrée des plus hésitantes à punir.

Le Cheikh Salman, un favori dans le viseur de... Human Rights Watch et Amnesty

Ce qui nous laisse en compagnie de Cheikh Salman ben Ibrahim al-Khalifa, président de la Confédération asiatique (AFC), membre de la famille royale bahreïni, favori de l’élection du 26 février, candidat soutenu par l’AFC (naturellement), mais aussi par la Confédération africaine, la CAF de cette vieille connaissance, I’ineffable Issa Hayatou. Du lourd, si vous me passez l’expression. Du très lourd, même, à en juger par ce qu’avancent diverses organisations de défense des droits de l’Homme, et pas des moindres : Human Rights Watch, Amnesty et la Confédération Syndicale Internationale (CSI, ou ITUC), lesquels ont reçu des documents semblant prouver la part que joua ce gentleman dans la répression du ‘printemps arabe’ dans le royaume du Golfe (Bahrein) en février 2011.
Des manifestations pacifiques en faveur de la démocratie avaient été réprimées brutalement; et quiconque y avait pris part se vit menacé ou emprisonné, parfois battu ou contraint à l’exil ou déchu de sa nationalité, athlètes et footballeurs compris. Car certains de ces footballeurs, parmi lesquels plusieurs titulaires de l’équipe nationale, avaient eux aussi eu l’audace de faire entendre leurs voix.
Le gouvernement bahreini réagit en créant une commission qui avait pour but d’identifier les coupables, et de les punir. Selon un communiqué de l’agence gouvernementale BNA – placée sous la tutelle directe du ministère de l’information du royaume -, c’est à Cheikh Salman, alors président de la fédération bahreini et secrétaire-général du GOYS, l’instance suprême du sport bahreini, qu’avait été confiée la tâche de présider cette commission d’épuration, laquelle tint sa première réunion en février 2011, en sa présence, si l’on en croit ce même communiqué.
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Sheikh Salman bin Ebrahim Al Khalifa (Reuters)

Crédit: Eurosport

Précisons que Cheikh Salman a toujours nié avoir joué quelque rôle que ce soit au sein de cette cour martiale pour sportifs, et qu’elle ne s’était en fait jamais réunie; mieux vaut ajouter cette précision, car ses avocats ont la gâchette facile et ne sont pas privés de pointer le canon – périphrase, bien sûr – en direction de ces journalistes qui s’étaient fait l’écho de ces allégations. Dont acte: Cheikh Salman dément.

Un certificat de bonne conduite délivré par... la FIFA

Ce qui est certain est qu’il n’a en tout cas pas fait le moindre effort pour venir en aide aux footballeurs dont il avait la charge et dont plusieurs se sont retrouvés au cachot. Le Prince Ali a d’ailleurs eu le courage de le dire publiquement au début de ce mois. Ce qui est également avéré est qu’il supervisa les sanctions prises contre six clubs émanant de la communauté chiite (lui-même est sunnite, comme toute la famille royale bahreini) pour des raisons purement politiques, si l’on en croit la transcription du jugement de la fédération qu’il présidait. Relégation (dans le cas de deux de ces clubs), amendes, interdiction de recruter, etc.
Le crime de ces clubs était d’avoir demandé l’annulation de leurs matches pendant les troubles meurtriers qui avaient secoué le pays en cet hiver 2011. Et c’est tout. Nul besoin de préciser que tout ce qui précède – si les preuves formelles en sont apportées, bien sûr - constituerait une violation des plus sérieuses de nombreux articles du code de la FIFA. Cheikh Salman reçut néanmoins un certificat de bonne conduite de la Commission Electorale de la FIFA lorsqu’il fut procédé au ‘test d’intégrité’ auquel sont asujettis tous les candidats.
D’autres casseroles sont également attachées au cortège du Cheikh, comme des accusations de corruption lors des élections présidentielles de l’AFC de 2009 (qu’il perdit) et de 2013 (où il triompha). Que ces allégations soient fondées ou pas, on a le sentiment que la Commission d’Ethique de la FIFA n’a pas trop creusé la question.
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FIFA approves reforms but delays WCup expansion

Crédit: Eurosport

Je pourrais continuer longtemps ainsi. Parler des coups bas perpétrés par quelques-uns de ses aides, dont le directeur de la communication de la fédération bahreïni, Mohammed Mudaweb, qui fit circuler la rumeur que le Prince Ali, ce dangereux rival, avait pour conseiller un certain Shimon Cohen, qui avait porté le maillot de l’équipe d’Israël dans les années 1960. Vous imaginez la réaction dans le monde arabe, et particulièrement en Palestine, dont la fédération fut avisée du ‘scandale’ en personne par M. Mudaweb.
Renseignements pris, Prince Ali est bien conseillé par Shimon Cohen. Mais pas l’ex-footballeur israélien. Plutôt un spécialiste des relations publiques du Pays de Galles. Oups. Une erreur ? Un excès de zèle qui n’était pas l’exécution d’un ordre, mais le dérapage d’un serviteur bien (et mal) intentionné ? Jugez-en par vous-mêmes. Mais en ce qui me concerne, quand on me dit : “Tous les mêmes !”, je réponds : “vraiment ?”
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