Encore pillé cet été, le PSG n'arrive plus à retenir les talents de son centre de formation

Le 5 juin 2016, le Paris Saint-Germain remportait le championnat de France U19 en battant l’Olympique Lyonnais (2-1). Un an plus tard, la moitié de l’équipe titulaire à Saint-Flour n’est plus au PSG. Ils sont quatre à avoir quitté Paris cet été : Felix Eboa Eboa a signé à Guingamp, Fodé Ballo-Touré a rejoint Lille le 1er juillet, Mamadou Doucouré (capitaine face à l’OL) est parti au Borussia Mönchengladbach et Jonathan Ikoné a été prêté une deuxième fois à Montpellier. Sans compter Odsonne Edouard, de retour de prêt de Toulouse, qui vient d’être condamné à six mois de prison avec sursis et sur lequel le PSG ne devrait pas compter.

Voilà pour le symbole, un an après cette finale vécue comme un triomphe par le club parisien. Pour la quantité, on peut ajouter à cette liste non exhaustive d’autres départs enregistrés cet été.

Le premier était le capitaine des U19 Nationaux et formait une charnière très solide avec le troisième de cette liste, parti quelques jours après lui. Et l’hémorragie n’est peut-être pas finie. Le talentueux Azzedine Toufiqui (18 ans) est l’objet d’une cour ardente du Borussia Dortmund, dont il a récemment visité les installations. Enfin, Boubakary Soumaré et Moussa Diaby, deux espoirs de la future promotion U19, n’ont toujours pas accepté la proposition de contrat pro formulée par le PSG et sont très convoités à l’étranger.

Bref, la saignée est incontestable et elle pose question. “Tous les ans, il y a des départs du centre de formation, rappelle Philippe Goguet, responsable du site spécialisé CulturePSG.com. La différence, c’est que, depuis quelques temps, ceux qui partent sont souvent des mecs que le PSG aurait voulu garder.” Comment expliquer qu’un des meilleurs clubs européens ne parvienne pas à convaincre ses propres jeunes d’intégrer son équipe professionnelle ?

Paris est d’abord victime d’un mouvement croissant au sein du football européen. Les grands clubs n’hésitent plus à chiper les meilleurs espoirs d’autres clubs avant qu’ils signent leur premier contrat professionnel, et donc à moindre coût… si ce n’est celui d’une prime à la signature souvent exorbitante. “Il y a, dès les U13 ou les U14, des recruteurs allemands, anglais ou autrichiens au Camp des Loges, raconte Philippe Goguet. Ils ont des arguments financiers très solides pour convaincre les jeunes.”

Va pour l’explication économique. Mais le PSG dispose en toute vraisemblance de l’assise financière pour contrer un tel type d’offensives. Il y a donc bien une raison sportive à cette fuite des talents. “Comment convaincre un petit de rester au club quand il voit, tous les ans, le club recruter des internationaux à son poste ?”, résume un agent de jeunes joueurs sous couvert d’anonymat. Philippe Goguet enchaîne : “Il y a un fossé incontestable entre le niveau de l’équipe première et celui de la formation. On l’a vu avec Kingsley Coman, qui était une pépite mais qui a eu du mal à ses débuts en Ligue 1.”

Pas sûr, toutefois, qu’un Zagadou ait d’énormes garanties de temps de jeu à Dortmund, dans un effectif pléthorique où les postes sont doublés. Il y a fort à parier que le jeune international U18 a rêvé, pendant les six saisons qu’il a passées au PSG depuis la catégorie U13, de fouler la pelouse du Parc des Princes avec les pros. Né à Créteil, le défenseur a ses attaches dans la région, sa famille et, probablement, l’amour du club parisien.

Il a pourtant choisi de refuser l’offre de contrat professionnel formulée par le PSG pour signer son premier bail pro au Borussia. “Dortmund lui a peut-être donné ce que Paris n’a pas su lui offrir, analyse l’agent de joueurs. Des signes d’attachement, pas forcément de l’argent.” C’est là une des clés du problèmes. En pleine restructuration de son centre de formation, le club parisien a perdu ses formateurs les plus anciens (Bertrand Reuzeau, David Bechkoura) tandis que le recruteur historique du club, Pierre Reynaud n'a plus aujourd'hui la même influence que par le passé.

Résultat : ceux qui étaient aux affaires cette saison, à commencer par Patrick Kluivert et Olivier Létang à la direction sportive, n’avaient pas de lien particulier avec leurs plus grands espoirs. Et n’ont pas forcément cherché à en tisser. “Les dirigeants du PSG ont clairement pêché là-dessus, juge Philippe Goguet. Zagadou, par exemple, était très apprécié du staff d’Unai Emery mais ils n’ont pas réussi à le convaincre de rester ! Cette relation avec les jeunes, ce sera une des tâches prioritaires de Maxwell (nouveau directeur sportif adjoint, Ndlr).”

Pour le PSG, le chantier est immense. Le sextuple champion de France doit encore progresser dans la détection et le recrutement (beaucoup des meilleurs jeunes de la région lui échappent encore, à l’instar de Mbappé en 2013). Il doit continuer à avancer dans la formation, alors que son directeur technique Carles Romagosa tente encore de faire assimiler sa méthode inspirée du Barça. Cette année, par exemple, les U19 ont été éliminés de la course aux playoffs du championnat national, de la Youth League (battus 5-0 par Salzburg en huitième) et de la Gambardella (1-0 par Lens en quart de finale).

Enfin, avance Philippe Goguet de CulturePSG, il faudra améliorer la transition entre le centre de formation et le monde pro : “Le PSG cherche encore son modèle de post-formation. Faut-il prêter les joueurs à d’autres clubs de L1 ou L2 ? Les faire jouer en CFA (4e division, ndlr) ? Le PSG a d’excellents jeunes, il suffit de voir combien ils sont en sélections U17, U18, U19... Mais le plus dur est de savoir les accompagner.”

En attendant de progresser là-dessus, le PSG est contraint de blinder ses pépites. Le Parisien révélait il y a quelques jours que Yacine Adli et Claudio Gomes, deux des meilleurs joueurs U17 du club, allaient signer leur premier contrat professionnel dans les jours à venir. “C’est jeune, mais faire signer un contrat pro est la seule protection dont le club dispose face aux assauts des clubs étrangers”, résume Philippe Goguet. Adli, international français U17, ressemble furieusement à Adrien Rabiot. Au PSG, on espère qu’il réussira, lui aussi, à percer le plafond de verre du centre de formation parisien. Pour convaincre d’autres talents d’en faire de même.