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La Coupe Davis ne ressemble à rien d’autre et c'est comme ça (et pour ça) qu'on l'aime

Laurent Vergne

Mis à jour 06/03/2015 à 00:26 GMT+1

Pour la 104e fois depuis sa création en 1900, la Coupe Davis s'apprête à redémarrer ce week-end. Sans certaines stars du tennis mondial. Tant pis. Mais elle continuera de charrier son lot d'émotions uniques. Parce qu'elle ne ressemble à rien d'autre, elle possède une force inestimable.

Le mythique Saladier d'argent

Crédit: Perform

Si vous demandez à un joueur ce qu'évoque pour lui la Coupe Davis, il vous répondra souvent que c'est "spécial". Sept lettres qui veulent à la fois tout et rien dire, mais qui suffisent à matérialiser l'extraordinaire puissance évocatrice de cette épreuve à nulle autre pareille.
Oui, la Coupe Davis, c'est spécial. C'est d'ailleurs exactement le terme qu'a employé Roger Federer début décembre en Inde, où il venait d'arriver pour prendre part à l'IPTL. Grand écart, de La Coupe Davis à l'IPTL. Une compétition historique et officielle, l'autre toute fraiche et en mode exhibition.
Coïncidence, c'est là, pour la première fois, que Federer est revenu sur cet accomplissement majeur de sa carrière. Avec deux semaines de recul sur la victoire finale face à la France, le premier mot qui lui est venu fut… "spécial". "Oui, c'était vraiment spécial de gagner cette Coupe Davis". Il ne dirait probablement pas ça d'un sacre à l'US Open, à Wimbledon, ou n'importe où ailleurs.
Roger Federer a été touché, ni plus ni moins, par la force quasi religieuse du Saladier d'argent. Comme tant d'autres avant lui. La Coupe Davis est une épreuve de tennis mais elle surplombe, de par son aura et sa spécificité, la seule condition de son sport. Sa force tient en son aspect unique. Dans ce sport éminemment individuel qu'est le tennis, la "Davis" constitue un ilot isolé mais salutaire, où l'on ne se bat plus que pour soi, mais pour d'autres. Pour des potes. Une équipe. Un pays. Ça n'a l'air de rien mais ça change tout. Elle nécessite davantage que des simples qualités techniques ou physiques. Il ne s'agit pas juste d'être bon en Coupe Davis. Il y a, derrière, quelque chose qui relève de l'indicible. Une forme de courage, de volonté supérieure. C'est parce qu'elle fait appel à des aptitudes et des qualités si spécifiques qu'il y a des "joueurs de Coupe Davis", susceptibles de s'y transcender, et d'autres qui peinent à dépasser leurs inhibitions.

Sampras : "Pour moi, c'était un match comme un autre, mais je me trompais"

Un premier match de Coupe Davis, c'est une forme de rite de passage. Certains ne s'en sont jamais remis. D'autres y ont découvert la puissance de l'épreuve. Ne pas prendre en compte sa spécificité, ne pas s'y préparer, c'est s'exposer à une gigantesque déconvenue. En 1991, Pete Sampras, déjà titré en Grand Chelem et fraichement auréolé de son premier Masters, a connu un baptême du feu terrible en Coupe Davis : deux défaites en finale contre la France, devant Leconte puis Forget.
De son propre aveu, il n'avait pas été suffisamment préparé. La Coupe Davis n'était pas très populaire aux Etats-Unis et, pour être clair, Sampras ne savait pas ce que c'était. Agassi lui en avait bien parlé mais rien ne remplace le vécu. Sampras a été bien bizuté. "Je ne pensais pas que ce serait aussi difficile, admettra-t-il dans son autobiographie.Pour moi, c'était un match comme un autre, mais je me trompais." Il aura aussi cette phrase qui dit tout : "A Lyon, j'étais comme glacé. C'était à ce point. Comme un cerf devant les phares d'une voiture, incapable de réagir. J'étais paralysé. Notez bien que je ne dis pas que j'ai tremblé. C'est une grande différence. Etre glacé, c'est pire. Cela vous empêche d'atteindre le point critique où vous pouvez trembler (ou pas)."  
Sampras dira avoir plus appris en un week-end à Lyon que dans tout le reste de sa carrière. Il se relèvera. Il gagnera même la Coupe Davis. Mais son histoire symbolise la difficulté d'appréhender cette épreuve. La Coupe Davis pousse à l'humilité ceux qui osent en manquer ou, dans le cas de Sampras, ceux qui méconnaissent sa force unique.
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Pete Sampras et Tom Gorman lors de la finale de la Coupe Davis 1991

Crédit: AFP

Ce n'est pas mieux ou moins bien de gagner un Grand Chelem, c'est différent

Au fil des époques et des générations, le tennis évolue. Techniquement. Physiquement. Mais si l'on sert plus vite, si l'on tape plus fort, les émotions générées par la Coupe Davis, elles, sont immuables. Son pouvoir ne connait pas de limites dans le temps. Alors, oui, chaque année, des stars lui font faux bond. Peut-être, sans doute même, a-t-elle besoin d'un nouveau format. D'un lifting profond. On notera quand même que les trois gigantesques champions du XXIe siècle, Roger Federer, Rafael Nadal et Novak Djokovic, ont mis un point d'honneur à l'étreindre. Djokovic, notamment, sait ce qu'il lui doit : la victoire en 2010 a définitivement transformé le champion serbe.  
La Coupe Davis a besoin de ces stars. Mais la réciproque est vraie. Dire qu'il y a 115 ans, ce n'était qu'une drôle idée. C'est devenu un mythe. Ce n'était qu'un drôle de saladier. C'est devenu une relique. C'est une des compétitions sportives les plus célèbres, les plus vénérées et les plus respectées de la planète. La pierre philosophale du joueur de tennis. Jouer la Coupe Davis, gagner la Coupe Davis, la perdre après l'avoir effleuré, c'est quelque chose d'unique. Ce n'est pas mieux ou moins bien que de gagner un tournoi du Grand Chelem. C'est différent. Et tant que cela le restera, la Coupe Davis aura un avenir.
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Roger Federer à Lille en finale de la Coupe Davis.

Crédit: Imago

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