"La voiture à battre"

Gilles Panizzi : A mon sens, la période à laquelle il se déroule : début octobre, lorsque de violents orages s'abattent sur une chaussée rendue très glissante par plusieurs mois sans pluie et pour peu que le vent tapisse les routes de feuilles mortes, on peut se trouver sur de véritables patinoires, avec souvent des nappes de brouillard pour corser le tout. Comme il y a beaucoup de sous-bois, il faut aussi se méfier, lorsque le temps est plus clément, de certaines plaques humides ou mouillées dans les endroits à l'ombre. Dans tous les cas, une bonne expérience de l'épreuve permet de bien sentir le terrain et constitue un atout incontestable, notamment pour le choix des pneumatiques. Cela dit, la météo est parfois si capricieuse que nul n'est à l'abri d'une mauvaise surprise...

Juste après l'Italie, vous allez enchaîner deux autres rallyes sur asphalte, en Corse et en Catalogne, en quoi sont-ils différents ?

G.P. : Si le profil et la nature des routes se ressemblent beaucoup pour les deux premiers, le parcours italien est un peu plus sinueux que celui du Tour de Corse. La manche insulaire est plus rapide qu'on a généralement tendance à le penser, à cause de légendaire appellation de rallye aux dix-mille virages. Comme le revêtement offre en général une bonne adhérence, on y atteint souvent des vitesses conséquentes. En Espagne, on retrouve des routes au caractère un peu différent, avec un enrobé un peu plus neuf et plus lisse, à grain plus fin. Si le "grip" est excellent sur le sec, on part vite en aquaplaning sous la pluie. Mais Il n'y a pas un monde d'écart entre les trois épreuves : selon moi, une voiture compétitive en Italie le sera dans les deux manches suivantes.

G.P. : Les Scandinaves roulent six mois sur la glace et le reste du temps sur la terre. Moi, j'ai appris le pilotage sur les routes goudronnées du Sud-Est de la France, puis j'ai découvert la bagarre, au sein des formules de promotion Peugeot, où le rythme général est toujours très élevé. Ensuite j'ai eu la chance d'être pilote officiel sur les fameuses Peugeot 306 Maxi, à l'époque où le Championnat de France, entièrement couru sur l'asphalte, était encore le programme prioritaire des lions. Pour faire face à d'autres constructeurs, eux aussi bien armés, nous disposions alors d'une structure digne d'un championnat du monde, avec des moyens technologiques conséquents. J'ai ainsi pu acquérir un bagage technique fort utile, en plus de la pratique régulière à un très haut niveau. La suite, cette magnifique aventure mondiale avec la 206 WRC, est plus connue...

Justement, quels sont les principales qualités de cette 206 WRC sur l'asphalte ?

G.P. : D'abord sa taille : une fois que les ingénieurs ont réussi le tour de force d'y faire rentrer tous les éléments constituant une WRC, puis trouvé les bonnes solutions pour domestiquer une grande vivacité naturelle, son agilité et son équilibre font merveille. Son gabarit réduit devient alors un avantage indéniable, mais il faut une équipe de grande qualité pour s'acquitter de tout le travail préalable. D'aucuns la voient en bout de course, mais je pense, pour ma part, qu'elle reste la voiture à battre sur le goudron. Nous serons fixés à ce sujet très bientôt.

Physiquement, vous n'avez guère été épargné cette saison, êtes-vous complètement remis ?

G.P. : Tout à fait. Enterré le virus du Monte-Carlo, oublié l'accident d'Allemagne. Je n'ai plus la moindre séquelle, j'ai repris l'entraînement, retrouvé une condition physique irréprochable, et moralement, je suis gonflé à bloc.

G.P. : Non, car je suis confiant dans le potentiel de la voiture : nous avons constaté en Australie que les soucis de fiabilité n'étaient plus qu'un mauvais souvenir. D'autre part, une bonne séance d'essais préparatoire nous a permis de cerner et de corriger le problème technique qui m'avait contrarié en Allemagne. Je suis à nouveau en osmose avec ma 206 WRC et prêt à faire parler la poudre. Je veux tout faire pour rééditer mes victoires de l'an passé et ramener un maximum de points à Peugeot. Nous entamons un nouveau championnat de quatre rallyes et tout le monde est motivé à fond pour le remporter. Certes, les cousins, avec en particulier Sébastien Loeb, sont très forts, mais nous sommes prêts pour le bras de fer.

D'où vous vient cette solide assurance ?

G.P. : Sur l'asphalte, on sait ce que je vaux depuis longtemps. L'expérience m'a appris à effectuer certaines analyses techniques sur les réglages de ma voiture, qui peuvent améliorer encore nos performances. Ce "feeling" au volant de ma voiture et les conclusions que j'en tirerai auprès de mes ingénieurs peuvent peser dans la balance. C'est un bonheur de travailler dans une équipe de très haut niveau comme Peugeot, parce que l'on frôle la perfection. Avant même la course, une séance d'essai peut aussi procurer des sensations superbes, quelque chose de magique, lorsque l'on sent qu'on établit une base solide, qu'on est en train d'aiguiser sa lame pour manger un bon beefsteak. Cela dit, je ne sous estime pas, loin de là, la concurrence, et je m'attends à une fin de saison exceptionnellement disputée. Mais nous avons survécu à d'autres batailles acharnées. Je me dis que Peugeot est au sommet depuis trois ans et a les moyens d'y rester.

Vous quitterez pourtant Peugeot-Sport la saison prochaine, avec un petit pincement au coeur ?

G.P. : On verra à la fin de l'année, quand je refermerai pour la dernière fois la porte de la 206. Pour l'heure, c'est marrant, mais je n'y pense pas une seconde. Je suis encore à 100% dans l'équipe des lions, sportivement et sentimentalement. Je suis pilote Peugeot et la page ne sera pas tournée avant la fin du Championnat.