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26 mars 1979 : Le 1er duel Bird - Magic, ou la rivalité qui a changé le basket pour toujours

Laurent Vergne

Mis à jour 30/03/2019 à 08:43 GMT+1

LES GRANDS RECITS - Larry Bird. Magic Johnson. Leur rivalité, unique en son genre, a donné à la NBA un nouveau souffle et une dimension supplémentaire dans les années 80. Mais elle avait pris corps dès la fin de la décennie précédente, lors de la finale NCAA jouée le 26 mars 1979, qui avait mis aux prises les Sycamores de Bird et les Spartans de Magic. Un duel en forme de nouvelle ère.

Magic Johnson et Larry Bird en 1979.

Crédit: Eurosport

C'est toujours mardi, et c'est toujours Grands Récits. Notre série vous propose de vous plonger dans la folle histoire du sport, entre pages de légende, souvenirs enfouis et histoires méconnues. Cette semaine, un épisode spécial, consacré au 40e anniversaire du tout premier duel entre Magic Johnson et Larry Bird. Un match qui a donné naissance à la rivalité la plus fameuse de l'histoire du basket.
Dès la semaine prochaine, nous reprendrons le fil de notre série consacrée aux sujets que vous, chers lecteurs, avez proposés et que nous avons choisi de retenir.

C'est le genre de coup de fil que personne n'aime passer. Et encore moins recevoir. Magic Johnson, dans le rôle du messager, et Larry Bird, à l'autre bout du pays et du téléphone, n'ont pas oublié cette conversation du 7 novembre 1991. Le premier appelle le second pour lui annoncer qu'il est porteur du virus HIV.
"J'ai reçu un choc, avoue Bird. A l'époque, pour moi, le Sida était synonyme de sentence de mort. Mais Magic m'a dit qu'il allait vivre, qu'il avait le virus mais que ça irait. Je me suis senti mieux, parce que je l'ai cru. Tout ce qu'il m'avait dit était toujours vrai, il ne m'avait jamais menti. Mais je me suis senti très mal. Nous avions un match le soir, et je n'avais aucune envie de jouer."
Un peu plus égoïstement, Larry Bird comprend aussi ce jour-là un des dommages collatéraux de cette annonce : il ne jouerait plus jamais contre Magic Johnson. Au crépuscule de sa carrière, à 35 ans, le Celtic savait qu'il ne restait plus beaucoup de joutes à venir avec son éternel rival des Lakers. Mais le mot "fin" de cette histoire commune est arrivé sans préavis.
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1992 : Magic Johnson à Boston, avec un T-shirt des Celtics, lors de la cérémonie en hommage à Larry Bird.

Crédit: Getty Images

Une vieille histoire, une drôle d'histoire

Choqué, Bird est aussi touché. En dehors de certains de ses coéquipiers, il est, avec Isiah Thomas et Michael Jordan, un des très rares joueurs de la NBA, et le tout premier, que Magic a pris soin de prévenir en personne avant qu'il ne mette au courant la planète entière, face caméra, lors d'une conférence de presse qui fera date. "On était tellement connecté l'un à l'autre depuis si longtemps, que je savais que Larry ne voudrait pas l'apprendre autrement. Larry et moi, c'était une trop vieille histoire pour qu'il découvre ça à la télé comme tout le monde", dira le meneur des Lakers.
Une vieille histoire, oui. Une drôle d'histoire, aussi. Une rivalité pas comme les autres, entre deux champions qui se sont mutuellement fascinés, admirés, jalousés. La plupart d'entre elles émanent de confrontations directes, dans des sports individuels. Ali-Frazier. Borg-McEnroe. Evert-Navratilova. Palmer-Nicklaus. En basket, le plus célèbre duel, avant Magic et Bird, avait mis aux prises Bill Russell et Wilt Chamberlain. Mais ils étaient deux pivots, appelés à se côtoyer, à se confronter en permanence. Nez à nez.
Rien de tout ça avec Magic l'arrière et Larry l'ailier, qui n'ont jamais défendu l'un sur l'autre, sauf au détour d'une action et du hasard. Pourtant, la rivalité Bird-Johnson est sans aucun doute la plus exacerbée de l'histoire du basket, et une des plus fameuses de l'histoire du sport. Ils sont devenus indissociables. Durant leurs carrières, bien sûr, et même après.
Dans le remarquable livre "When the game was ours" (Quand le jeu était à nous), écrit par Jackie McMullan, et auquel ils ont tous deux collaboré, ils livrent de façon amusante et révélatrice la même anecdote dans leur introduction respective. Quand un fan l'apostrophe à Los Angeles, "la première chose qu'il veut savoir, raconte Magic, c'est : "As-tu vu Larry ? Lui as-tu parlé ? Personne ne me parle jamais de Kareem Abdul-Jabbar, ni de James Worthy, ni de Byron Scott. C'est toujours Larry."
Bird ne dit pas autre chose. "Quand j'ai pris ma retraite, les gens me parlaient tout le temps de lui : 'Ça va, Magic ? Vous l'avez vu ?' Ils me parlaient plus de lui que de mes propres coéquipiers." Jamais deux adversaires auront à ce point été unis dans l'inconscient collectif.
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Magic Johnson et Larry Bird, les indissociables.

Crédit: Getty Images

1978, Lexington, Kentucky

Bird et Magic sont bien évidemment associés à jamais aux batailles des années 80 entre Boston et Los Angeles. Mais leur toute première confrontation remonte à l'année 1979. Le 26 mars. Il y a tout juste 40 ans. Ce soir-là, au Special Events Center de Salt Lake City, les deux futures stars de la NBA s'affrontent en finale du championnat NCAA. La genèse de leur rivalité, laquelle changera bientôt la face du basket américain, qu'il s'agisse du niveau universitaire ou professionnel.
Paradoxalement, avant de jouer si souvent l'un contre l'autre, ils ont d'abord été... coéquipiers. Le temps de quelques jours. Un an avant la finale NCAA, Johnson et Bird ont porté le même maillot lors du World Invitational Tournament, disputé dans le Kentucky, en avril 1978. Pendant cinq jours, l'URSS, la Yougoslavie et Cuba affrontent une sélection universitaire américaine.
Celle-ci fait la part belle aux joueurs de Kentucky, fraichement sacrés champions NCAA. Elle est d'ailleurs coachée par Joe B. Hall, l'entraîneur des Wildcats. Comme d'autres, Bird et Johnson cirent le banc et rongent leur frein. Le premier sort de sa saison junior à Indiana State, le second vient de boucler sa toute première année à Michigan State. "Ils étaient les gars de Kentucky, nous étions juste là pour faire le nombre et compléter l'effectif. Hall voulait montrer ses joueurs à tout le pays", bougonne Bird. Puis Hall ne l'a pas vraiment à la bonne. A sa sortie du lycée, il lui a barré la route de Kentucky, le jugeant trop lent.
Si Bird et Magic jouent peu (moins de 15 minutes par match), ils ont le temps de donner un aperçu de la supériorité de leur talent. Une séquence va marquer les esprits : sur une contre-attaque, ils semblent seuls sur le parquet. Deux passes aveugles et une remise volleyée de Larry pour la conclusion d'Earvin sur un lay up. Explosion de la Rupp Arena. "Ç'a été trois secondes de basket incroyable, raconte Magic dans "When the game was ours". C'était boom, boom, boom ! Je me suis dit 'wow, j'adore jouer avec ce gars' !".
J'ai vu le meilleur joueur universitaire du pays. Il s'appelle Magic Johnson
En dépit de ces mémorables bribes de jeu, les deux jeunes gens n'apprennent pas vraiment à se connaitre au cours de ces quelques journées. "Ils ont eu quelques moments merveilleux sur le terrain, mais ils n'ont pas dû se parler plus de trois ou quatre fois, témoigne Jackie McMullan. C'était juste 'hello, comment ça va Larry ? Bien, merci, bonne journée'". Mais quand il rentre dans l’Indiana, Bird lâche à un de ses coéquipiers chez les Sycamores : "j'ai vu le meilleur joueur universitaire du pays. Il s'appelle Magic Johnson." Onze mois et demi plus tard, les voilà donc cette fois dans le rôle qui leur sera assigné pour le reste de leur vie : adversaires. Même passion, même ambition, mais pas le même maillot.
Larry Bird a porté Indiana State au sommet du pays : 33 matches, 33 victoires. Un événement colossal pour la petite fac de l'Etat. La grande université du coin, c'est Indiana, pas Indiana State. Bird aurait pu, aurait dû la rejoindre en 1974. Courtisé par le mythique coach Bobby Knight, il se pointe d'ailleurs là-bas à la rentrée. Mais le choc est brutal pour le gamin de 17 ans venu de French Lick, bled paumé de 2000 habitants. Du jour au lendemain, Larry se retrouve comme un grain de sable dans le désert, perdu au milieu des 34000 étudiants du gigantesque campus de Bloomington. Au bout d'un mois, il abandonne la fac et rentre chez lui, à la consternation de sa mère.
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Le vestige du panneau de basket sur lequel Larry Bird a joué toute son enfance, à French Lick, dans l'Indiana.

Crédit: Getty Images

Pendant un an, il travaille pour la mairie de French Lick, avant de reprendre ses études en 1975, à Indiana State, fac plus modeste de l'Etat. Y compris au niveau sportif. Les Sycamores ne sont pas les Hoosiers, mais cela convient au jeune Bird. En quatre ans, il va s'imposer comme un des joueurs majeurs du pays, jusqu'à cette saison 1979 à la portée historique. Pour la première fois, Indiana State prend part au tournoi final NCAA et c'est donc invaincus que les Sycamores atteignent le Final Four. Un exploit unique à ce jour pour eux.

L'événement du siècle

Malgré son bilan immaculé, la bande à Bird a du mal à se défaire de son image de Petit Poucet. Le dernier obstacle sur la route du titre se nomme Michigan State. L'équipe d'un certain Earvin Johnson. Dans son année de sophomore, celui que l'on surnomme déjà Magic a permis aux Spartans de dominer la prestigieuse Big Ten Conference. Lui aussi aurait pu porter les couleurs d'Indiana. Bobby Knight le voulait mais, un peu comme Bird, Johnson a choisi de rester "à la maison", dans son Michigan natal. "Si j'avais rejoint les Hoosiers, et si Larry était resté, nous aurions pu jouer ensemble à l'université, vous imaginez ce que ça aurait pu donner ?" a dit un jour Magic, dans une nostalgique uchronie.
Bird et Magic. Tout le pays parle d'eux en ce mois de mars 1979. Malgré leurs deux années de différence, ils s'apprêtent à intégrer la NBA en même temps. Le Sycamore a été drafté un an plus tôt par Boston, en 6e position, mais a choisi de rester à la fac un an de plus. Il a promis à sa mère qu'il serait diplômé, il le sera. Johnson, lui, va au contraire écourter sa carrière universitaire. A 20 ans, il se présente à la draft, où les Lakers vont le sélectionner en première position. Le premier "sophomore" numéro un de la draft. Voilà comment les deux jeunes stars vont effectuer leurs débuts simultanément chez les pros et s'accompagner mutuellement pendant plus d'une décennie et demie.
A Terre Haute comme à East Lansing, camps de base respectifs d'Indiana State et Michigan State, c'est l'événement du siècle. Mais l'intérêt porté à la finale NCAA 1979 dépasse de très loin la passion de clocher. Jamais un match universitaire n'aura déclenché un tel tumulte. Ce bouillonnement, le lundi 26 mars 1979 le doit à Magic Johnson et Larry Bird et uniquement à eux.
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Larry Bird sous le maillot d'Indiana State en 1978.

Crédit: Getty Images

Deux fantasmes

Pour le comprendre et le mesurer, il faut d'abord appréhender le contexte. Internet n'existe pas. ESPN non plus. La chaine câblée, qui révolutionnera la couverture du sport aux Etats-Unis, sera lancée le 7 septembre 1979. L'immense majorité des fans de basket n'a donc jamais vu jouer Larry Bird et Magic Johnson, en dehors de quelques secondes de "highlights" sur les chaines nationales. Ils sont deux fantasmes, que la finale NCAA va concrétiser. Car si peu les ont vus, tout le monde les connait déjà.
Larry Bird déboule sur la scène médiatique nationale en novembre 1977. Le public le découvre en Une de Sports Illustrated, flanqué de deux pom-pom girls des Sycamores lors d'un numéro consacré aux stars de la NCAA. "Cette couverture a changé ma vie. Les gens étaient tous après moi. Il y a eu des jours où j'aurais préféré ne l'avoir jamais faite", avoue Bird. Tout le paradoxe birdien est déjà contenu ici : à l'intérieur du magazine, il n'y a pas un seul mot du basketteur-farmer de l'Indiana, qui a accepté de poser mais refusé de parler à Sports illustrated.
La Une de Sports Ilustrated qui a fait découvrir Larry Bird au grand public.
A-t-on déjà vu un magazine faire sa Une sur le seul personnage n'intervenant pas dans son dossier ? Cela en dit long sur le joueur qu'était Bird, déjà incontournable, et l'homme qu'il serait toujours, taiseux et allergique à sa propre notoriété. Surtout à cette époque. Réservé de nature, Bird s'est encore renfermé après le suicide en 1975 de son père, vétéran de la Guerre de Corée hanté par de fréquents cauchemars nocturnes.

Tout ce qui les sépare les complète

Magic est son exact opposé. Promu au rang de star dès son passage au lycée à la Everett High School, il arbore constamment un sourire bouche grande ouverte. "Il est né en souriant et il ne s'est jamais arrêté", plaisantait souvent sa mère. Sa personnalité engageante, son charme et son charisme le rendent instantanément sympathique à quiconque le croise. Magic est l'ami de tout le monde, Bird compte les siens sur les doigts d'une main. Difficile d'imaginer un caractère plus différent de celui de Bird. James Bailey sera drafté cette même année 1979. Le pivot vedette de Rutgers résume d'une phrase ses deux compères : "Magic était un tchatcheur intarissable. Larry ne disait pas un mot. C'était 'bonjour' et il ne fallait pas attendre grand-chose de plus."
Exubérant, l'un parle tout le temps. Taciturne, l'autre est un homme de (très) peu de mots. L'un sourit en permanence, l'autre ne desserre pas les dents. L'un exprime ce qu'il ressent à l'instant T, l'autre masque jalousement ses émotions. L'un est noir, l'autre blanc. L'un joue meneur, l'autre plus près du cercle. L'un rend d'une simplicité enfantine tout ce qu'il fait, quand l'autre parait besogner chacun de ses gestes. Tout ce qui les sépare les complète. Pour les médias comme pour le public, cet apparent antagonisme des personnages est une aubaine. Chacun peut s'identifier à celui dont il se sent le plus proche, selon son origine, son caractère, sa sensibilité.
Mais le jeu, tout en les opposant, va se charger de les réunir. "Magic et moi avions la même conception du basket", évoque Bird. Formidables passeurs, ils aiment impliquer leurs coéquipiers et se contrefoutent de leurs statistiques personnelles. "Vous ne pouviez pas imaginer deux types aussi différents avec une approche aussi similaire de la compétition et de leur sport", juge le journaliste de CBS, Seth Davis. Mais c'est surtout leur obsession de la victoire qui les unit et s'apprête à magnifier leur rivalité. Dès son premier acte, ce lundi 26 mars 1979.
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Magic Johnson à 19 ans, à son arrivée à Michigan State.

Crédit: Getty Images

Record d'audience

Le jour J, Larry Bird lâche quelques mots à la presse : "C'est le match de basket le plus important de toute ma vie. Je ne me représente pas moi-même aujourd'hui, je vais représenter mon équipe, mon université, mon Etat." "Je suis un grand fan de Larry Bird, et j'adore voir ce qu'il peut faire avec le ballon, sourit de son côté Magic. Mais cette fois, je ne pourrai pas me permettre de trop le regarder."
Ce soir-là, au coup d'envoi de la finale, 15410 spectateurs sont dans la salle et plus d'un quart de la population américaine devant sa télé. La finale entre les Sycamores et les Spartans, ou plutôt entre Bird et Magic, va atteindre 24.1 sur l'échelle d'audience de Nielsen. A ce jour, il s'agit toujours du match ayant généré la plus large audience dans l'histoire du basket universitaire.
La rencontre n'atteindra pas les sommets escomptés. Accrochée durant les premières minutes, elle bascule rapidement en faveur de Michigan State sur la base d'un 9-0 qui fait passer le tableau d'affichage de 9-8 à 18-8. Indiana State ne s'en relèvera jamais. Menés de 9 points à la pause (37-28), les Sycamores explosent en début de seconde période. Ils reviennent brièvement à -6 (52-46) mais sans jamais donner le sentiment de pouvoir inverser le cours inexorable de cette finale.
Portés par un Magic meilleur marqueur du match (24 points, avec 7 rebonds et 7 passes) et bien secondé par Greg Kelser (19 points, 9 passes et 8 rebonds), les Spartans s'imposent nettement, 75-64. Pour l'anecdote, dans le cinq majeur, on retrouvait aussi Ron Charles, qui évoluera en France la quarantaine venue et terminera même meilleur marqueur de Pro A avec Montpellier en 1995.

Bird, altruiste jusque dans sa détresse

Larry Bird est abattu. La tête dans une serviette, il reste prostré plusieurs minutes après la fin du match. Malgré ses 19 points et ses 13 rebonds, il est passé à côté. Depuis trois semaines, il souffre d'une fracture du pouce droit. Harassé par les prises à deux des Spartans, il n'a jamais trouvé son rythme, en témoigne son piteux 7 sur 21 aux tirs. Lui qui tournera à 89% aux lancers dans sa carrière NBA n'en rentre que 5 sur 8 à Salt Lake City. "Trente ans après, c'est cette stat-là qui me reste en mémoire, comme un symbole de mon échec", a-t-il confié en 2009.
Jusque dans sa détresse, Bird se montre altruiste. Il le sait, son destin est tout tracé. La NBA et les Celtics l'attendent. L'argent. La gloire. Tout ce que, sans le rechercher, il aura immanquablement. Ses partenaires, ses potes des Sycamores, ne sont pas promis aux mêmes saveurs. "Cette finale était encore plus importante pour mes coéquipiers que pour moi, dit-il après le match. Pour moi, victoire ou défaite, j’allais être payé en NBA. Je voulais gagner pour eux, pour Indiana State. J'ai laissé tomber tout le monde." Il a toujours dit "ne jamais avoir digéré cette défaite".
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Magic Johnson et Larry Bird.

Crédit: Getty Images

Au-delà du dénouement, du vainqueur, du vaincu, cette finale va donc changer à jamais la face de la NCAA. Il y aura un avant et un après 1979 pour le Final Four universitaire, désormais ancré parmi les événements majeurs du sport américain. A l'époque, le tournoi NCAA regroupait 40 équipes. Lors des six années suivantes, il sera élargi à deux reprises pour passer à 65 en 1985.
Les droits télé ont eux aussi explosé dans la foulée du duel Bird-Magic. Ils allaient doubler d'année en année pour passer de 5,1 millions de dollars en 1979 à... 96 millions en 1984, CBS et NBC se menant une guerre féroce pour l'obtention du Final Four. La folie de la "bracketologie" est née au début des années 80. Aujourd'hui, la March Madness est devenu un événement culturel, comme l'a expliqué Seth Davis dans son livre "Quand mars est devenu fou : le match qui a transformé le basketball". Ce match, c'est la finale 1979.

Chacun dans son rôle, dans son image

Bird et Johnson ne s'arrêteront pas là. Si les années 90 seront celles des Bulls de Jordan, les 80's vivront au rythme des batailles entre les Celtics et les Lakers. De 1980 à 1988, les deux franchises remportent huit titres en neuf ans, cinq pour Los Angeles, trois pour Boston, dont trois duels directs dans les Finals en 1984, 85 et 87. Bird et Magic vont également décrocher trois titres de MVP chacun. Ils sont les deux personnages centraux de la NBA. Et avant Jordan, c'est bien leur rivalité qui va redonner de l'intérêt à une Ligue en perdition à la fin des années 70, à tel point que même les matches des Finals étaient diffusés en différé. Impensable aujourd'hui.
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Larry Bird vs Magic Johnson au coeur de la rivalité Celtic-Lakers des années 80.

Crédit: Getty Images

Magic et Bird ont fait entrer la NBA dans les foyers américains de façon quotidienne. L'arrivée à la tête de la Ligue en 1984 de David Stern, l'homme le plus influent de l'histoire de la NBA, puis celle de la tornade Jordan au milieu des années 80, achèveront la mue en monstre planétaire du basket US, mais Johnson et Bird ont constitué l'indéniable détonateur de cette métamorphose. "Magic et Larry ont été les co-rois de la NBA. Ils étaient comme le sel et le poivre et à eux deux, ils ont pimenté la Ligue", dit Mychal Johnson, le numéro un de la draft 1978, celle de Bird.
Si leur rivalité a pris une telle dimension, c'est aussi parce qu'ils étaient tombés tous les deux au parfait endroit : Magic à LA, ville de la flambe. Ce sera le showtime. Bird à Boston, renforçant son image de blue collar guy, le travailleur. Chacun sera conforté dans son rôle, dans son image, forcément réductrice mais évocatrice.
Converse surfera dessus en 1985 lors d'un spot publicitaire devenu célèbre. On y voit Magic débarquer en Limousine à French Lick, alors que Bird s'entraîne seul, à la dure. Ce fut la première véritable rencontre entre les deux hommes en dehors des terrains. Mal à l'aise, ils n'échangèrent pas un mot durant le tournage. Mais une fois la pub en boîte, ils allèrent déjeuner… chez la mère de Bird, à la stupéfaction de leurs coéquipiers respectifs.
Après Dieu et mon père, Larry Bird est la personne que je respecte le plus au monde
Pendant plus d'une décennie, Bird ne quittera plus l'esprit de Johnson, et vice-versa. Le Laker avouera, bien plus tard, avoir été fou de jalousie que Bird soit sacré rookie de l'année en 1980, et avoir mis des mois à se remettre de sa défaite face à Bird et aux Celtics lors des Finals 1984, la première entre les deux hommes.
"Quand le calendrier tombait chaque année, raconte Magic dans 'When the game was ours', je repérais les matches contre Boston et je les entourais. Pour moi, il y avait ces deux-là et les 80 autres. Pendant la saison, la première chose que je faisais chaque soir, c'était de regarder ce qu'avait fait Larry. S'il avait fait un triple-double, je voulais en faire un le lendemain. Quand il prenait 20 rebonds, je voulais faire 20 passes."
Face-à-face ou à distance, les deux champions ont ainsi entretenu un rapport particulier, unique même dans l'histoire moderne de la NBA. Même Jordan n'a pas vécu cela, comme l'a si bien expliqué le roi du showtime dans les années 90, au plus fort de la domination de MJ : "Voilà ce qu'il manque aujourd'hui à Jordan. Il sait qu'il n'a personne à qui se mesurer. J'avais Larry, et Larry m'avait."
Leur relation ne fut pas un lit de roses. "Ça n'a pas été un long fleuve tranquille, concède le Bostonien. Quand vous avez autant l'esprit de compétition que Magic et moi, vous êtes amené à éprouver des sentiments extrêmes. J'en ai ressenti." Malgré tout, une forme d'amitié est née entre eux, même si elle n'a pu donner sa pleine mesure qu'après la fin de leurs carrières. Un lien spécial et indéfectible. D'où cette phrase, forte, de Johnson : "après Dieu et mon père, Larry Bird est la personne que je respecte le plus au monde."
Magic ne l'a d'ailleurs jamais caché : s'il a voulu disputer les Jeux Olympiques de Barcelone en 1992, huit mois après l'arrêt brutal de sa carrière, c'était aussi, c'était surtout, pour pouvoir évoluer à nouveau sous le même maillot que Larry Bird. 14 ans après le WIT dans le Kentucky. Leur boucle était bouclée.
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Bird et Magic en 1992 au moment des Jeux de Barcelone.

Crédit: Getty Images

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