NBA - Pourquoi Shai Gilgeous-Alexander (Oklahoma City Thunder) est le nouveau favori pour le MVP

Et si Evan Turner avait prédit l’avenir ? En 2016, alors que le basket commençait à peine sa révolution à trois-points avec un Stephen Curry fraîchement nommé MVP (et en route pour un deuxième trophée de suite) et Warriors sacrés la saison précédente, le vétéran prenait le parti opposé : "le futur de la NBA, c’est le tir à mi-distance."

Il cherchait à mettre en avant son jeu, justement axé sur l’entre deux zones, mais il y avait aussi un raisonnement derrière. Avec l’utilisation de plus en plus poussée des statistiques analytiques, les coaches cherchent d’abord à empêcher les équipes adverses de tirer près du panier et derrière l’arc. Quitte à laisser parfois plus d’espaces aux attaquants à quatre ou cinq mètres. En 2022 par exemple, ce même Curry, bien que réputé pour son adresse extérieure, s’est montré très efficace à mi-distance lors du nouveau titre de Golden State.

Turner n’est plus en NBA depuis 2020 – ironiquement en partie parce qu’il est trop maladroit de loin – mais son idée demeure. La majorité des superstars exploitent l’art noble du jumper en tête de raquette, l’arme fatale des Michael Jordan, Kobe Bryant et consorts, pour faire des différences. Shai Gilgeous-Alexander est aujourd’hui l’expert en la matière. Il a encore trop peu d’expérience en Playoffs (13 matches) pour savoir jusqu’où il parviendra à mener son équipe mais l’arrière de 25 ans s’affirme de plus en plus comme le futur de la ligue.

Son ascension, personne ne l’avait vue venir au début. Il n’était même pas le joueur le plus côté de son équipe lorsqu’il jouait à l’université de Kentucky. Drafté en onzième position par les Charlotte Hornets, comme son idole Kobe Bryant, pour ensuite être lui envoyé du côté de Los Angeles, mais aux Clippers, il n’est pas arrivé chez les pros avec cette étiquette de star en puissance. Même Sam Presti, le manager général du Thunder, a avoué qu’il ne s’attendait pas à une progression aussi fulgurante et aussi spectaculaire quand il l’a fait venir à Oklahoma City en échange de Paul George en 2019.

Le natif de l’Ontario a passé des caps saison après saison avant de réussir un exercice époustouflant, bouclé à plus de 31 points et 51% de réussite aux tirs l’an passé. De quoi placer OKC sur la carte du basket. Cette fois-ci, tout le monde s’attendait à ce que le Thunder passe un cap. Mais c’est justement à ce moment-là que la donne se complique généralement. Parce que les coachs mettent en place des schémas pour contrer les points forts des meilleurs joueurs de la ligue et il a intégré cette classe à part.

Pourtant, rien n’a changé. En fait, si. Gilgeous-Alexander est encore plus fort et encore plus efficace que la saison dernière. Il marque toujours ses 31 points. Mais à 55% de réussite. Et un fantastique 49% à mi-distance en 138 tentatives. Un niveau d’adresse absolument dingue vu la difficulté des tirs qu’il prend. Il a une capacité incroyable à faire déjouer les défenses grâce à sa technique, son faux rythme, ses feintes, sa taille, son touché, etc. Le package est complet et il est digne des cinq meilleures individualités de la planète.

Ce qui en fait de suite un candidat très solide pour le MVP. Il est d’ailleurs en progression aux rebonds et aux passes et ne perd que très peu de ballons (1,9) pour un joueur autant utilisé. C’est par exemple ce qui le démarque d’un Luka Doncic. Il a très peu de déchet. Il est aussi beaucoup plus productif que le Slovène en défense et est premier aux interceptions avec 2,6 par match. Il est aussi adroit que Nikola Jokic et Giannis Antetokounmpo en évoluant pourtant sur un poste extérieur. Impressionnant. Joel Embiid le devance peut-être encore dans la course au trophée mais le Camerounais a déjà manqué 7 des 33 matches des Sixers. Shai Gilgeous-Alexander, lui, ne rate jamais l’appel.

Au-delà de ses statistiques, le plus marquant reste la manière dont il élève sa franchise. Le Thunder est à son image : il ne panique jamais. Un peu comme Kawhi Leonard, le jeune homme a la même expression du visage qu’il soit heureux, triste, qu’il s’agisse du premier ou du dernier quart-temps, que son équipe mène de 20 points ou court derrière le score. Il reste impassible. Cela dégage un sentiment de confiance quoi qu’il arrive et se transmet à ses partenaires. Ils croient en lui et ils croient en eux.

Ce sang-froid est un atout considérable dans les moments les plus importants. Gilgeous-Alexander a récemment terrassé Denver, champion en titre, à neuf dixièmes du buzzer. Une victoire retentissante… qui n’a été que la première d’une longue série. Dans la foulée, les troupes de Mark Daigneault ont battu les Timberwolves, premiers à l’Ouest, de 23 points, ils ont stoppé la série des Clippers, ils ont à nouveau pris le dessus sur les Nuggets en infligeant cette fois une rouste de 23 points et ils ont battu des Celtics au complet. Le tableau de chasse est royal.

Au final, Oklahoma City est peut-être carrément en avance sur le programme. C’est la deuxième équipe la plus jeune du championnat mais contrairement à San Antonio (la plus jeune), elle est déjà à la lutte pour la première place de sa Conférence. Ça manque encore d’expérience – les dirigeants ont des tonnes d’atouts à échanger pour renforcer l’effectif – et la progression de Chet Holmgren constituera une prochaine étape vers le Graal. Mais avec une superstar comme Shai Gilgeous-Alexander, elle a déjà le joueur qui peut la mener au sommet. Peut-être même plus tôt que prévu.