Trois courses pour du cristal, sept points d’écart : le duel Boe-Laegreid s’annonce épique

Si l'incertitude a pris fin chez les dames samedi dernier avec le premier sacre de Tiril Eckhoff, rien n'est encore décanté chez les hommes dans la course au gros globe. La lutte finale se joue entre deux protagonistes : le double tenant du titre Johannes Boe et la révélation de l’hiver, Sturla Holm Laegreid. Ils s’apprêtent à signer le deuxième doublé norvégien dans l’histoire de la coupe du monde messieurs, dix ans après la paire Tarjei Boe-Emil Svendsen.

A trois courses du dénouement (sprint vendredi à 15h30, poursuite samedi à 15h15 et mass start dimanche à 15h30), impossible de dire dans quel ordre se rangera le duo. Boe possède virtuellement 25 points d'avance sur son jeune rival de 24 ans. Le “virtuellement” a son importance : selon le règlement de la Fédération internationale de biathlon (IBU), il faut retrancher les quatre plus mauvais résultats de chaque biathlète pour établir le classement général définitif. Par le passé, il s’agissait des deux plus mauvaises performances. Mais l’IBU a revu la chose à la hausse par peur d’une cascade de forfaits, qui n’est finalement jamais survenue (et heureusement d’ailleurs), en raison de la pandémie.

Cette actualisation de la règle pénalise Boe - ses quatre moins bons classements sont pour l’heure 11e, 10e, 9e et 8e - puisqu’il a moins “sous-performé” que son adversaire (22e, 18e, 14e, 12e). Par conséquent, le nombre de points qui lui sera retiré sera plus important. En réalité, il n’a donc pas 25 points d’avance - ce que dit le classement actuel - mais 7 avant les trois dernières courses. Autant dire trois fois rien puisqu’une victoire octroie 60 points contre 54 pour une deuxième place.

Comme le sprint (vendredi) définit l'ordre de passage de la poursuite (samedi), cette première épreuve de la semaine risque d'être déterminante. Boe, qui a remporté trois sprints sur neuf (cinq podiums au total) et a quasiment empoché le petit globe de la spécialité, est censé y être supérieur. Mais à Nove Mesto, début mars, il a signé ses deux plus mauvais résultats de l’hiver dans la discipline (11e et 9e) alors que son adversaire frôlait le podium (4e et 5e).

Comment Boe saura-t-il gérer la pression sur le pas de tir ? En délicatesse derrière la carabine depuis le début de l'hiver, ce qui l'avait poussé à changer d'arme avant les Mondiaux de Pokljuka en février, Boe sait ne pas avoir le droit à l’erreur alors que Laegreid s'est imposé dès sa première saison complète en coupe du monde comme l'une des meilleures gâchettes du circuit (93% de réussite contre 85% pour son aîné).

"Je ne suis pas inquiet au niveau du ski, mais Sturla est tellement fort au tir qu'il me pousse dans mes retranchements. Mais je ne vais rien lâcher" promet Boe, qui peut devenir le premier Norvégien à remporter le classement général trois années de suite. Même Ole Einar Bjoerndalen (vainqueur en 1998, 2003, 2005, 2006, 2008 et 2009) n’y est jamais arrivé. Sur la scène mondiale, le triplé a seulement déjà été réalisé par deux Français, Raphael Poirée (2000-2002) et Martin Fourcade (2012-2018), l’Allemand Frank Ullrich (1980-1982) et la Suédoise Magdalena Forsberg (1997-2002).

Sachant que Boe a peu de chances de laisser échapper le globe du sprint (46 points d'avance sur Laegreid), trois petits globes de cristal restent véritablement à jouer (poursuite et mass start hommes, mass start dames) avec trois Français en embuscade. Double champion du monde de la poursuite, Emilien Jacquelin va tenter de se succéder à lui-même au palmarès de la spécialité. Le Grenoblois, adepte des courses en confrontation directe, n'a que 9 points de retard sur Boe, qui l'a devancé samedi lors de la poursuite de Nove Mesto (2e). Troisième en République tchèque, le Français reste un gros client dans un exercice qu'il affectionne particulièrement et qui a le don de le transcender.

Pour Quentin Fillon-Maillet, 3e du classement de la mass start (mais aussi du général), il s'agira de terminer en beauté une saison compliquée en glanant le premier petit globe de sa carrière. Il n’a que dix points de retard sur Tarjei Boe et un seul sur le petit frère Johannes. Promu leader des Bleus après la retraite de Martin Fourcade, le Jurassien avait clamé haut et fort son désir de se battre pour le gain du classement général de la Coupe du monde. Mais il est passé à côté de son sujet en début d’hiver et n'a pas non plus réussi à sauver les meubles aux Mondiaux, bouclés sans titre et avec une seule médaille de bronze. Le Français a toutefois repris du poil de la bête en cette fin d'hiver avec un doublé sprint-poursuite à Nove Mesto. De quoi gonfler son moral avant les dernières échéances.

Avec deux succès coup sur coup en mass start juste avant les Championnats du monde, Julia Simon s'est elle donnée le droit de rêver au petit globe de la spécialité. Seule Française victorieuse sur le circuit, la biathlète des Saisies a son destin en mains, même si ses résultats depuis un mois et demi n'incitent guère à l'optimisme puisqu'elle n'a pas fait mieux qu'une 16e place sur le plan individuel. Elle possède six points d’avance sur Marte Olsbu Roeiseland. Les concurrentes pouvant la priver du cristal sont nombreuses. Le top 6 se tient 16 points seulement.