Kontiolahti - Mass start (H) - Johannes Boe le craint : Emilien Jacquelin, l'hiver de la maturité ?

Vendredi, Émilien Jacquelin a mis brillamment fin à une disette de trois ans en Coupe du monde en s'imposant sur le sprint à Kontiolahti. À 29 ans, le natif de Grenoble semble à nouveau gonflé à bloc et peut-être enfin prêt à exploiter son immense potentiel sur un hiver complet. De là à être un concurrent pour le gros globe de cristal ? Mais le plus dur reste à venir.

Un 10/10 au tir, solide sur les skis : la victoire de Jacquelin en sprint

Video credit: Eurosport

Il est (enfin) revenu sur le devant de la scène. Voici près de cinq ans, le 16 février 2020, Émilien Jacquelin remportait sa première victoire lors de la poursuite des Mondiaux d'Antholz-Anterselva, coiffant au poteau Johannes Boe. L'année de la retraite de Martin Fourcade, il incarnait avec Quentin Fillon Maillet la relève prometteuse du biathlon français. Mais homme de (grands) coups avant tout, il n'avait plus levé les bras sur le circuit de la Coupe du monde depuis la mass start du Grand-Bornand le 19 décembre 2021. Vendredi, cette 4e victoire individuelle n'avait donc rien d'anodin. Elle symbolise même un renouveau.
"Émilien a grandi, on le sent plus mature, il a fait un gros travail sur lui-même. Il y a deux fins de saison de cela, il se demandait s'il allait arrêter le biathlon (il avait mis un terme prématuré à sa saison 2022-2023, NDLR). Il se posait beaucoup, beaucoup de questions. Et puis, il est un peu moins dispersé par rapport à toutes les sollicitations extérieures. Ce n'est pas évident de faire le tri, de ne pas trop en faire", a observé notre consultante Florence Baverel vendredi.

La photographie, exutoire facteur d'équilibre mental

Cheval un peu fou dans sa manière de courir depuis ses débuts, Jacquelin s'est longtemps perdu après des Jeux Olympiques de Pékin qui l'avaient déçu sur un plan personnel. À cœur ouvert en interview, il n'avait jamais hésité à partager ses états d'âme et ses doutes, très (sans doute trop) sensible aux regards extérieurs et au contraste entre ce qui était attendu de lui et son irrégularité chronique. Pour remonter la pente, il lui a fallu trouver l'équilibre qui le fuyait sur le plan mental.
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Jacquelin raconte sa "petite erreur de débutant"

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Et il semble y être parvenu en s'adonnant à une autre passion : la photographie. Il a même exposé son travail dans une galerie du 3e arrondissement de Paris. "À travers la photo, j'avais besoin de m'exprimer, de retrouver un peu d'instinct dans ce que je faisais", a-t-il d'ailleurs confié à nos confrères de Stade 2. À 29 ans, le natif de Grenoble semble avoir donc mieux cerné ce dont il avait besoin pour performer. Car son renouveau ne date pas du sprint de vendredi, mais bien de la fin de saison dernière avec trois podiums individuels sur les deux derniers weekends de Coupe du monde.
Son caractère va peut-être le rattraper quand il y aura de la fatigue et de l'enjeu
"Depuis les championnats du monde à Nove Mesto où il avait fait de belles courses, on sentait que ça revenait et qu'il n'était pas là. Il y avait un autre état d'esprit. La sagesse arrive peut-être avec les années… ou pas. Parce que la fougue, c'est ce qui fait aussi sa force. La preuve encore aujourd'hui (vendredi) : il a tiré vite debout et c'est passé. Il a montré de quoi il était capable et il a évolué. Mais on ne va pas s'enflammer : son caractère va peut-être le rattraper de temps en temps quand il y aura un peu de fatigue et d'enjeu. Mais c'est une victoire, bravo à lui : il a fait du chemin", a encore constaté Florence Baverel.
Et c'est bien le paradoxe avec Jacquelin : en grande forme, il n'est pas loin de ce qui se fait de mieux sur le circuit, mais son niveau moyen n'a jamais été (jusqu'ici) celui d'un prétendant sérieux au gros globe de cristal. Il n'est pas question ici de remettre en cause ses qualités – physiquement, Jacquelin peut être un monstre comme son temps de ski équivalent à Johannes Boe et seulement battu par Sebastian Samuelsson sur le sprint l'a montré –, mais bien sa capacité à tenir le choc mentalement. A marquer de gros points au classement général même quand les sensations sont moyennes.
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Jacquelin, une célébration et un message : "Continuez de parler !"

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S'il y a quelqu'un qui peut faire peur à Johannes, c'est Émilien
Reste que le principal intéressé n'a pas l'air de se contenter de ce retour brillant au premier plan. "Depuis l'année 2020-2021, j'avais perdu un peu de rage, ça revenait, ça repartait. Mais sur cette prépa', depuis le début, j'ai faim. J'ai envie de faire ce dont je suis capable, je n'ai pas envie de me mettre de barrière. (…) Ce sont les standards que je dois avoir et que l'équipe de France doit avoir cet hiver", a-t-il lâché à nos confrères de La Chaîne L'Equipe.
S'il parvient à confirmer dimanche sur la mass start ses belles dispositions du moment avec un nouveau podium voire mieux, une dynamique intéressante pourrait s'enclencher pour celui qui n'affiche que 8 points de retard sur Johannes Boe au classement général de la Coupe du monde. "Ça peut mettre un peu de doute aux Norvégiens : la victoire des Français sur le relais et cette victoire d’Émilien sur le sprint, a souligné Florence Baverel. Johannes disait que s'il y avait quelqu'un qui pouvait lui faire peur, c'était Émilien parce qu'il est capable de faire des courses comme ça. Et s'il trouve de la régularité, s'il arrive à maîtriser ses émotions, il peut être vraiment redoutable sur une saison."
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