Mondiaux Nove Mesto | Mass start dames | Justine Braisaz-Bouchet a fait du biathlon total : "C'était comme dans un rêve"

Elle avait réservé le meilleur pour la fin. Dans ces dispositions, il y a elle et les autres. Justine Braisaz-Bouchet a ébloui de toute sa classe la dernière course féminine des Championnats du monde à Nove Mesto en devenant championne du monde de la mass start, deux ans après avoir conquis le titre olympique sur la même épreuve. Et elle a donc ajouté la manière au résultat – une 6e médaille d'or pour l'équipe de France de biathlon à laquelle il faut ajouter le bronze de Lou Jeanmonnot, la 12e breloque tricolore sur ces Mondiaux –, en se montrant aussi parfaite derrière la carabine (20/20) que rapide sur les skis.

La frustration de l'individuel mardi dernier où elle avait manqué le podium (7e) est donc oubliée. La native d'Albertville a versé des larmes de joie cette fois en chantant la Marseillaise, extatique. "Je n'ai pas les mots, a-t-elle confié en interview d'après-course. Je manquais de sommeil, ça a été très difficile, mais ça a été la course parfaite. J'ai pris énormément de plaisir. Quand la dernière cible est tombée, j'avais juste la tête vide, j'ai senti un sourire arriver. J'ai pensé à ma fille, à mon mari. C'était comme dans un rêve. Il y a eu beaucoup de stress, un peu comme lors des Jeux. C'était fou !"

Sa performance est d'autant plus dingue qu'elle l'avait presque annoncée voici cinq jours, avertissant, les yeux alors embués par la déception, qu'il restait un beau week-end à vivre. Samedi, elle avait déjà totalement relancé vers le titre son équipe dans le relais, et dimanche elle était aussi en mission. Alors qu'elle avait perdu le duel psychologique face à Julia Simon lors de la poursuite face aux cibles la semaine dernière, elle a cette fois assumé son statut de meilleure skieuse du circuit en décidant de mettre la pression dès la première boucle.

"Elle a imposé son plan, a confirmé Loïs Habert, consultant pour Eurosport dans l'émission Chalet Club. Elle a forcé Julia Simon à regarder ailleurs. C'était très bien joué de la malmener dès le premier tour. On ne savait pas laquelle allait réussir à emmener l'autre sur son terrain. On aurait presque mis une petite pièce sur Julia qui a un côté dominateur sur le pas de tir impressionnant. Et en fait, ça s'est joué dès le début de la course. Justine a appuyé sur les bons boutons, elle a mis en avant son côté ski et sur le pas de tir, elle a pu se mettre dans de bonnes dispositions."

Pourtant, ce n'était pas gagné : car dès le premier tir couché, Simon avait encore frappé par sa vitesse d'enchaînement, carabine en main. Mais cette fois, Braisaz-Bouchet ne s'est pas affolée. "L'erreur arrive sur la dernière balle du deuxième tir couché : Julia ouvre une porte et Justine a dû se rappeler de la poursuite où elle n'avait pas su saisir sa chance, elle a pris son temps. Elle avait juste besoin de 30-40 mètres d'avance pour pouvoir poser son ski. Et là elle arrive à partir. Derrière, elle déroule son plan, elle se met à une allure de seuil extrêmement rapide qui ne l'handicape pas pour le tir. Elle a des qualités hors normes physiquement, mais avec une allure très linéaire. Elle a du mal à distancer les autres quand elles sont dans ses skis. Mais une fois qu'elle est toute seule, elle est imprenable", a ajouté notre consultant.

Simon pouvait donc regretter de n'avoir pas été aussi parfaite que d'habitude sur le pas de tir, d'avoir laissé cette opportunité à sa compatriote et néanmoins rivale qui l'a saisie. "Je suis lessivée, je suis rôtie complet. Je n'avais plus de lucidité pour me calmer derrière la carabine, pour ralentir quand il le fallait", a d'ailleurs avoué au micro d'Eurosport celle qui a fini au pied du podium, mais repart tout de même avec cinq médailles dont quatre en or de République tchèque.

Reste que si Simon a craqué – elle a commis deux autres erreurs sur ses tirs debout –, c'est aussi et surtout à cause du travail de sape de Braisaz-Bouchet qui ne lui a laissé aucun répit sur la piste. Cette dernière s'est aussi montrée très impressionnante sur le plan mental pour rester dans sa bulle, en allant à son propre rythme pour lâcher ses balles sans se précipiter. Car auteure d'un 20/20 aussi, Lisa Vittozzi se serait fait une joie de lui chiper l'or si elle en avait eu l'occasion.

Braisaz-Bouchet aurait d'ailleurs pu se permettre une erreur, un tour de pénalité et l'emporter tout de même. Mais dimanche, elle était décidément sur sa planète. "Elle n'a pas enchaîné très vite au tir, mais elle n'en a plus besoin : une fois qu'elle est toute seule, elle met tellement d'écart avec les autres. Elle se nourrit de la gestion, de contrôler son biathlon. Ce n'est pas une fille comme Julia qui se nourrit de la confrontation", a encore observé Loïs Habert.

Avec la forme qu'elle tenait sur les skis, il aurait été dommage que Justine Braisaz-Bouchet ne reparte pas avec une médaille d'or individuelle de ces Mondiaux exceptionnels de Nove Mesto pour les Bleues. Elles y ont glané 3 des 4 titres individuels et 8 des 12 médailles en jeu sur ces courses, sans oublier l'or sur les trois relais auxquels elles ont participé. Que demander de plus ? Peut-être encore une lutte haletante pour le gros globe de cristal sur la fin de saison. Elles ne manqueront pas de confiance en tout cas pour s'y remettre. Et on a déjà hâte.