Coupe du monde | Östersund | "Il ne manque qu'une étincelle" : Fabien Claude, l'heure de la victoire ?

"Une bête physique ? Je dirais Fabien Claude. C’est le plus costaud de l’équipe. En muscu', on est tous très loin derrière lui. Il est très explosif." Cet éloge prononcé par Emilien Jacquelin date de décembre 2021. Mais la donne n'a pas changé. Son coéquipier en équipe de France reste une référence mondiale, en matière de puissance. "Il est très musculeux, très tonique. Parmi les plus costauds du circuit", abonde Loïs Habert, qui a un temps entraîné le biathlète de 28 ans au sein du groupe B de la délégation tricolore.

Fabien Claude se rapproche en ce sens de Vetle Christiansen. "Ce sont des gars qui passent les 80 kilos, ce qui n'est pas la norme chez les sportifs d'endurance. Ils ne sont pas gros, mais musclés, sourit notre consultant en insistant. Cela leur donne énormément de puissance pour sprinter." Avec une "contrepartie" : "Ces gabarits-là arrivent parfois cramés par le reste de la course au moment du sprint, engorgés d'acide lactique. Mais frais, sur un emballage final, [Fabien Claude] est le meilleur sprinteur qu'il puisse y avoir."

Pourtant, au contraire de Christiansen (30 ans, trois victoires), Claude court toujours derrière un premier succès individuel, en Coupe du monde. Un objectif assumé à l'aube de cette saison, comme relaté par Ski Chrono : "Je peux largement annoncer que je veux viser une victoire, sans me mentir ni mentir aux gens. Je sais que j'en ai le potentiel et si je n'y arrive pas, c'est que j'aurai mal fait les choses." Une façon de montrer les muscles, en piste comme devant les micros, pour celui qui compte trois podiums en solo.

"Je ne trouve pas ça choquant d'afficher son ambition, de ne pas se cacher derrière une espèce d'humilité. Il n'y a rien de prétentieux à faire cela, estime Loïs Habert. Il a déjà été capable de réaliser le meilleur temps de ski, c'est un très bon tireur à l'entraînement, encore à peine irrégulier en course mais parfois cela passe (…) Il a déjà gagné en relais. C'est tout à fait légitime de dire que l'étape suivante c'est de remporter une épreuve de Coupe du monde." Surtout lorsque l'on constate une progression.

Fabien Claude a surtout passé un cap sur le pas de tir. Bloqué aux alentours des 78/79% de réussite ces dernières années, le voici à 82%, avant la dernière ligne droite de l'exercice 2022-2023. Il fait partie des dix meilleurs fondeurs du circuit cette saison – personne n’est allé plus vite que lui lors de la mass start du Grand-Bornand, par exemple – et il dispose de cette fameuse carte "finish". Comme lorsqu'il a pris le meilleur sur Johannes Boe à Kontiolahti en décembre 2020, pour s'offrir la 2e place d'une poursuite.

"Sur un effort d'une minute, une minute trente, je peux rivaliser et même battre Boe", avait-il alors argué. Toujours fort de ce cocktail de capacités physiologiques et d'assurance. Mais que lui manque-t-il alors pour matérialiser cette recette en triomphe ? "Encore un tout petit peu de confiance sur certains tirs", considère Habert, qui pointe du doigt l'opportunité d'y remédier, à Östersund cette semaine, ou la suivante à Oslo : "Il y a un alignement de planètes." En raison d'une part de nombreuses absences, dont une incontournable.

Johannes Boe manquera l'individuel ce jeudi, à cause du Covid. Sa présence lors de la course des rois, dimanche, est incertaine. Avec seize victoires (Coupe du monde et Mondiaux cumulés) en vingt courses individuelles cette saison, c'est peu dire que le dossard jaune n'est pas partageur. Son forfait est mécaniquement avantageux pour la concurrence. Son frère Tarjei Boe, Sturla Laegreid et Sebastian Samuelsson sont aussi "out" pour jeudi. Quentin Fillon Maillet (Covid également) vise l'ultime manche en Norvège pour revenir et Emilien Jacquelin a mis un terme à son opus 2022-2023. Voilà qui laisse de la place.

Mais cette opportunité ne se présente pas "par défaut". Elle semble belle parce que Fabien Claude est en forme, 5e du sprint puis de la poursuite à Nove Mesto, pour la reprise post-Mondiaux. Dimanche dernier, il a terminé le boulot avec brio, lors du relais mixte remporté par les Bleus. Avant de glisser : "Ce n'était que la deuxième fois que j'achevais un relais en Coupe du monde. Peut-être que la saison prochaine, parfois…" Fidèle à son credo. "Il a joué un rôle de leader dans cette équipe. Il a vraiment fait un très, très beau relais, à la bagarre au tir, cela peut lui donner ce petit gain de confiance", salue Loïs Habert.

Déflorer son palmarès "perso", s'installer dans le "Top 5" mondial (il est 10e, NDLR)… notre spécialiste est convaincu que Fabien Claude a cela en lui : "Je pense que c'est dans ses cordes." Il prévient tout de même qu'être si proche d'intégrer la caste des "tout meilleurs" ne garantit pas de franchir le pas : "Il y a des gars qui font une carrière entière comme cela…Mais on se dit qu'il ne manque qu'une étincelle, qui peut arriver de partout : de ce super dernier relais, mais aussi du fait d'enlever le bouclier qu'il y avait devant lui, avec les deux stars Quentin Fillon Maillet et Emilien Jacquelin." Un bouclier qui prend les coups et la lumière. A son tour de s'y coller ?