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Arnaud De Lie (Lotto-Dstny), aux racines du phénomène : "Il préfère une biche à une Ferrari"

Christophe Gaudot

Mis à jour 24/02/2023 à 17:04 GMT+1

HET NIEUWSBLAD - Neuf victoires en 2022 pour sa première année chez les professionnels, déjà trois en 2023 : Arnaud De Lie (Lotto-Dstny) est déjà une star chez les grands. Le gamin de la province de Luxembourg fait chez les pros ce qu'il fait depuis qu'il a commencé le vélo à 7 ans, dans la roue de son père et de son frère. Ceux qui le connaissent racontent d'où vient la nouvelle pépite belge.

Arnaud De Lie (Lotto)

Crédit: Imago

Arnaud De Lie n'a pas choisi par hasard de mimer le taureau quand il gagne. Fils d'agriculteur, il a très tôt, dès trois ans selon son paternel, côtoyé les vaches et travaillé au sein de la ferme familiale située à Lescheret, dans la difficile province belge de Luxembourg. En bordure de la forêt d'Anlier, les hivers sont rudes. C'est là que le gamin de 20 ans, déjà 12 victoires chez les pros, a grandi. Là qu'il a d'abord tapé dans un ballon de football avant de devenir une terreur sur deux roues dans sa région et maintenant dans le monde.
En Belgique, le vélo est roi, dit-on. C'est vrai, mais particulièrement pour la région flamande, moins en Wallonie et encore moins près de Bastogne. Si la ville est célèbre grâce à La Doyenne qui la traverse avant de revenir vers Liège, la région n'en est pas pour autant une terre cycliste.
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De Lie, sprinteur et fermier : "Traire les vaches me permet de garder de la stabilité dans la vie"

Alors comment le petit Arnaud s'est-il retrouvé à user les pédales plutôt que des crampons ? Les versions diffèrent. Axel, de trois ans son aîné, assure que sa mère en avait marre de traîner ses deux fils aux entraînements et aux matches. Le père, qui a horreur du ballon rond, assure lui qu'Arnaud s'est lassé. Une chose est sûre, c'est bien papa qui a emmené ses fils dans son sillage et à bicyclette.
Avec papa, on s'est regardés et on s'est dit : 'C'est quoi le problème ?'
Une jambe cassée pour lui, du vélo pour la rééducation et l'envie de suivre pour les gamins, voilà la famille lancée à deux roues. Axel a 10 ans, Arnaud 7 et Philippe De Lie comprend que le petit en a dans les jambes. "Il y a trois ans entre les deux mais la différence de niveau n'était pas énorme", se souvient-il. Et la première course d'Arnaud va confirmer cette impression.
Placé en dernière ligne derrière une "bonne vingtaine de coureurs", le petit des De Lie dépose deux tiers des concurrents sur le premier tour de cette course de VTT, puis revient à la 2e place dans le deuxième. "Dans le 3e et dernier tour, on se dit qu'il va manger le premier mais il coince un peu et termine deuxième", poursuit Philippe. "Avec papa, on s'est regardés et on s'est dit : 'C'est quoi le problème ?'", remet Axel.
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De Lie, la machine de 20 ans enchaîne

Très vite, les victoires s'enchaînent. Deux dès sa première année puis par paquets les suivantes, jusqu'à placer la barre minimale à 15 au sein de son club de toujours, le CC Chevigny, séparé de la ferme familiale par une poignée de kilomètres seulement. Laurent Mars, directeur sportif, se souvient : "Il est arrivé à 11 ans et est resté jusqu'à ses 18 ans. C'est le plus fort, le plus doué que j'ai eu à entraîner". Les récits de ses victoires s'enchaînent, les anecdotes aussi.

De Lie imbattable sur les "sprints-pancartes"

Dans le cyclisme, chez les amateurs comme chez les professionnels, le "sprint-pancarte" est une institution. Il suffit qu'une entrée de village se trouve sur le parcours de l'entraînement pour voir les coursiers tout donner pour être le premier à franchir cette ligne imaginaire. La légende raconte qu'Arnaud les a tous remportés dès son arrivée "au Chevigny" et même contre des adolescents qui affichaient quatre, cinq ou six ans de plus. "Le seul qu'il a perdu, c'est la fois où sa chaîne a sauté et qu'il a fini à terre", rigole son frère, mi-moqueur, mi-impressionné.
C'est le temps de l'insouciance, des doubles rations de pâtes carbonara la veille de courses qu'il allait tout de même remporter. Pas encore celle de l'équipe nationale puisque lui le Wallon paye le financement de la sélection belge cadette par la fédération… flamande. Une anomalie corrigée chez les juniors où il ira chercher en 2020 une médaille de bronze aux Championnats d'Europe de Plouay après avoir, dans un premier temps, été déclaré… vainqueur. Cette époque, Arnaud De Lie la chérit au point d'en garder des habitudes.
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De Lie, déjà sa 7e victoire en carrière : le résumé de la 3e étape

"Au club, nous avons un groupe pour les entraînements du mercredi après-midi, explique Laurent Mars. Il existe depuis dix ans. Dedans, il y a des anciens coureurs, des gamins qui ont 25 ans aujourd'hui, d'autres qui en ont 14. Ça regroupe tous les coureurs du coin. Tous les jours, Arnaud annonce son entraînement, l'heure de départ, la durée, le tempo et propose à qui le veut de se joindre à lui".
C'est comme ça que le 31 décembre, le sprinteur de Lotto-Soudal a mené un peloton d'une vingtaine d'hommes sur les routes autour de chez lui avant de rejoindre, en camionnette, l'Espagne et Calpe pour le stage de reprise de sa formation le lendemain.
"C'est une crème de mec, ajoute son ancien entraîneur et toujours ami. Avec lui, on avait une chance sur deux de gagner, il y a pire dans la vie. Mais il est apprécié de tout le monde. Quand un coureur est fort, il divise. Ici, je ne connais personne qui n'aime pas Arnaud. Il ne change pas".

La friterie et Kuurne-Bruxelles-Kuurne

Précisément ce qui fait la fierté de ses parents, au-delà de résultats exceptionnels tant par leur qualité que leur soudaineté. Sur son temps libre, il travaille à la ferme. Jadis, dès 3 ans, il avait pour mission de ramener les vaches de leur pâture pour la traite du soir. "On peinait à le voir au milieu tellement il était petit", rigole son père qui le revoit marcher "rêveur" pour rejoindre le troupeau. Aujourd'hui, il participe à toutes les tâches.
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Arnaud De Lie (Lotto)

Crédit: Getty Images

C'est que le gamin aime son petit coin de verdure. Les sirènes de l'équipe Balen, "l'équivalent de Quick-Step chez les juniors en Belgique", dixit Axel, n'y ont rien fait. Jamais Arnaud De Lie n'aurait quitté "le Chevigny". Il aurait trouvé ça incongru de ne pas être licencié dans ce club situé à deux pas de chez lui.
Et qu'importe qu'il ait dû parfois se débrouiller seul en course puisque ses équipiers n'étaient pas tout à fait à son niveau. Ce qu'on dit de lui, c'est qu'on n'a jamais vu aussi fort à son âge dans la région. On ajoute immédiatement qu'on n'a jamais vu un leader avec un caractère si facile. On dit aussi qu'il aime sa terre. Laurent Mars résume : "Certains s'émerveillent devant une Ferrari ou une Porsche, lui est content de voir une biche et un cerf."
C'est ainsi qu'Arnaud De Lie laisse sa trace au bord de la forêt d'Anlier. Et comme pour poursuivre l'histoire, son club de jeunes, le CC Chevigny a noué un partenariat avec la formation Lotto-Dstny, qu'il a rejointe début 2022. Laurent Mars suivra donc de près les exploits de son ancien protégé. Dimanche, sur Kuurne-Bruxelles-Kuurne, il retrouvera la friterie placée à quelques mètres de la ligne devant laquelle il regardait Kasper Asgreen s'imposer en 2020. Sans Arnaud De Lie cette fois. Pas de double ration de frite pour le taureau mais peut-être une victoire, encore.
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