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Cyclisme / Racisme et diversité (3/3) - Ces initiatives qui visent à rendre le cyclisme plus accessible

Benoît Vittek

Mis à jour 05/05/2022 à 11:08 GMT+2

Depuis la Suisse et à travers le monde, dirigeants, formateurs et coureurs s'investissent pour ouvrir des horizons cyclistes aux coureurs de toutes origines. Partez à leur rencontre, à Mascate, Roubaix ou Gérone. Voici le troisième et dernier chapitre de notre dossier sur la racisme et la diversité dans le cyclisme.

Les installations de l'UCI à Aigle en Suisse

Crédit: Getty Images

Cet article est le troisième et dernier volet de notre dossier consacré au racisme et à la diversité dans le cyclisme :
En 2022, le centre mondial du cyclisme (CMC) et ses promoteurs ont connu de nombreuses émotions contrastées. Cette "université mondiale" du vélo fête ses 20 ans, et les célébrations organisées en Suisse par l’Union cycliste internationale ont trouvé un écho prodigieux dans l’émergence de Biniam Girmay. Avant de passer professionnel en 2020, l’Erythréen a lui-même porté les couleurs du CMC, dirigé depuis 2019 par Vincent Jacquet, jusqu’à son décès à 52 ans, le 30 mars, trois jours après la victoire de Girmay sur Gand-Wevelgem.
"Nous perdons un collaborateur, mais aussi un ami, plein d’espoir, qui défendait l’avenir du sport, de notre sport", a salué le président de l’UCI, David Lappartient, qui avait fait de Jacquet le directeur technique national français avant de l’emmener avec lui à Aigle, où le Breton (Lappartient) et le Franc-Comtois (Jacquet) ont repris le flambeau de la lente mais progressive ouverture du cyclisme au-delà de son berceau européen.
Si le BMX, le VTT ou même la piste ont trouvé des audiences et des stars aux horizons très variés, le peloton sur route reste, de l’aveu même de l’UCI, en retard sur les questions de diversité. Son présent s’écrit toujours sur le continent européen, après que son histoire a progressivement permis d’intégrer les coureurs américains (au Nord comme au Sud, avec un poids économique discordant) et océaniens (qui bénéficient également de leurs propres structures, notamment l’équipe BikeExchange, et de relations historiques avec des acteurs européens), pendant que les athlètes asiatiques et africains restent marginaux.

Formateurs sans frontières

Dans sa quête d’universalité, l’UCI a fait du CMC son outil de pointe, avec des installations principales à Aigle, au siège même de la Fédération, et des antennes en Afrique du Sud, en Corée du Sud, en Inde, au Japon et au Portugal. "On a quand même formé presque 2 000 athlètes de 235 nationalités", rappelle Amina Lanaya, directrice générale de l’UCI, qui consacre un budget annuel de 6 millions de francs suisses (5,8 millions d’euros) au CMC et à ses projets de solidarité auprès des fédérations nationales.
Mohamed Walid Zemni fait partie des bénéficiaires et des acteurs de cette solidarité. Tunisien, il est installé depuis 2012 à Oman, où la Fédération cycliste locale l’embauche comme consultant sportif, en charge de la sélection nationale. "On m’a donné pour mission de développer le cyclisme dans le pays et d’aller dans les lycées pour détecter les talents", raconte-t-il depuis Mascate.
Lui-même coureur dans les années 2000 et titulaire d’une maîtrise de sport, Zemni partage également son expérience dans les pays voisins. "Lorsqu’une fédération a besoin de former des entraîneurs, elle sollicite l’UCI, qui envoie des formateurs comme moi", explique l’entraîneur tunisien. "Je suis intervenu aux Emirats, à Bahraïn, au Qatar, en Mauritanie et en Tunisie."
Cette année, Zemni et la fédération omanaise ont à leur tour sollicité l’UCI, pour obtenir du matériel avant de participer au Tour d’Oman, où une sélection de coureurs détectés en 2014 ont représenté les couleurs locales pour la première fois dans l’histoire de l’épreuve créée en 2010. "Le niveau était très élevé mais on compte s’appuyer sur cette expérience pour initier un cycle de plusieurs années de travail", explique-t-il.
J'ai pris mon téléphone et j'ai appelé la Fédération érythréenne
Là où les investissements qataris dans le cyclisme se sont taris après l’organisation des Mondiaux à Doha en 2016, les autorités omanaises restent fidèles au vélo depuis la première édition du Tour d’Oman organisée en 2010. Mais au-delà des fédérations nationales, l’UCI en appelle aux acteurs privés, organisateurs de courses et équipes, pour accompagner et développer la diversité dans le cyclisme sur route.
Avec son équipe de développement consacrée à l'inclusion au sein du peloton féminin, Canyon//Sram est un exemple récent. Plus anciennes, deux formations masculines entretiennent des relations privilégiées avec l’antenne africaine du centre mondial de cyclisme (dirigée par l’ancien pistard sud-africain Jean-Pierre van Zyl) : l’emblématique Qhubeka de Douglas Ryder, qui a évolué en World Tour de 2016 à 2021, avant de refonder une structure de niveau Conti cette saison avec Nic Dlamini en chef de file; et l’équipe Bike Aid, association sportive allemande dédiée au développement de cyclistes africains.
"Le cyclisme professionnel était en crise en Allemagne, après les affaires de dopage, mais la pratique restait importante", se souvient Timo Schäfer, cofondateur de la structure. "On a voulu faire quelque chose de différent en donnant une dimension sociale à notre projet. Nous avons vocation à donner leur chance à des coureurs qui n’ont pas accès au cyclisme professionnel, ce qui est certainement le cas des Africains."
"Au tout début, c’était une petite aventure, quelque chose d’assez marrant", raconte-t-il. "J’ai pris mon téléphone et j’ai appelé la Fédération érythréenne pour proposer des activités à leurs coureurs. Mais on était une nouvelle équipe, on n’était pas connu et on n’avait pas d’implantation."
Depuis, Bike Aid s’est structurée et a accueilli des coureurs d’une dizaine de pays africains (Kenya, Namibie, Ouganda, Togo…). Parmi eux, le champion d’Afrique Henok Mulubrhan (Erythréen, comme Girmay), sacré en début d’année à Sharm el-Sheikh, vient de quitter la petite équipe allemande pour rejoindre les Italiens de Bardiani-CSF-Faizanè, au niveau Conti Pro. "Il est un exemple", se réjouit Schäfer.
Audenarde, c'est la capitale mondiale du cyclisme
Pour accompagner au mieux ses talents africains, l’équipe les accueille dans des appartements en Sarre, non loin de la frontière franco-allemande. Schäfer insiste sur le besoin de franchir l’éventuelle barrière de la langue : "Si le coureur n’acquière pas au moins un niveau basique en anglais, c’est foutu. Dawit Yemane, qui nous a rejoints l’an passé en cours de saison, ne parlait presque pas anglais. Il a fait des efforts pour apprendre, et maintenant il est bien mieux intégré à l’équipe. Son résultat sur le Tour de Turquie (7e) montre qu’il est un coureur différent."
L’Argentin Mauricio Fraser veut lui aussi faire baigner ses coureurs dans l’univers cycliste européen. "Nous sommes la première équipe latino-américaine au départ de Paris-Roubaix Juniors", revendiquait en octobre dernier le dirigeant de la structure Start, qui compte une équipe Conti et, depuis l'an dernier, une équipe Junior. Ses jeunes pousses ont à nouveau traversé l’Enfer du Nord ce printemps, avec une 33e place pour l’Uruguayen Pablo Bonilla.
"Aujourd’hui, la différence entre un cycliste européen, qu’il soit belge, français ou norvégien, et un latino-américain est immense, parce qu’on manque de courses et d’expérience", explique-t-il. Sa solution ? Embarquer des talents argentins, cubains, uruguayens ou mexicains, et les installer à Audenarde, la ville-arrivée du Tour des Flandres. "C’est la capitale mondiale du cyclisme", s’enthousiasme Fraser. "On loue une immense maison et on vit en communauté avec les gamins. Souvent, leurs parents donnent tout pour eux, et ils sont très motivés. C’est une école du cyclisme et de la vie."

L'e-sport a un rôle à jouer

Depuis la Catalogne où elle s'est installée, Ashleigh Moolman-Pasio espère même dépasser les frontières. "En tant que Sud-Africaine, je suis vraiment loin de chez moi, et je vois tellement de jeunes filles qui aimeraient être dans ma position, mais il est très difficile d’aller en Europe, pour diverses raisons", témoigne la septuple championne d’Afrique.
La native de Pretoria prendra sa retraite en fin d'année. Et, à l'instar du Britannique Tao Geoghegan Hart, elle a choisi de s'investir personnellement pour la diversité. Après s’être passionnée pour l’e-sport pendant la pandémie, Moolman-Pasio souhaite développer la pratique du cyclisme virtuel pour tous au sein de son collectif Rocacorba. La route met chacun à sa place. Le home-trainer offrira-t-il un espace à toutes et tous ?
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La Sud-africaine Ashleigh Moolman-Pasio lors des Mondiaux 2021

Crédit: Getty Images

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