Un rêve de Goss

Il y a une dizaine de jours, après sa victoire d'étape à Nuits-Saint-Georges, lors de la 3e étape de Paris-Nice, Matthew Goss avait été invité à évoquer Milan-Sanremo. Et de ses possibles ambitions. L'Australien avait conditionné sa propre course à celle de son leader, Mark Cavendish. "Tout dépendra de la course, avait-il prédit. Si Mark est devant dans le final, je serai à son service. Sinon, je jouerai ma carte." Condamné par les circonstances (il a été relégué dans un second peloton en compagnie de Hushovd, Farrar et Freire à la suite de plusieurs chutes), Cavendish n'était pas devant. Goss, si. Il a donc fait sa course. Mieux, il l'a gagnée.

Dans un Milan-Sanremo "normal", en tout cas eu égard au scenario classique des dernières années, Matthew Goss n'aurait probablement pas gagné. Au service de Cavendish, il serait resté en retrait, laissant le Cav' s'expliquer avec Hushovd, Freire, Farrar, Haussler et quelques autres. Mais rien ne s'est passé comme prévu samedi. Son grand mérite à lui, c'est d'être resté le dernier des sprinters encore en lice dans le final, aux côtés de Cancellara, Gilbert, Nibali et quelques autres. Du pain béni pour lui. Cavendish, comme beaucoup d'autres, n'y était pas. "Cavendish? On n'a pas eu beaucoup d'occasions de se parler, explique-t-il. Dans les 100 derniers kilomètres, il n'était plus là. J'ai surtout pensé à m'économiser pour le final, je n'avais plus de coéquipier."

Esseulé, Goss a tout de même vu qu'il n'y avait plus beaucoup de sprinters autour de lui. Il savait qu'il aurait un gros coup à jouer. A condition de tenir bon. "Dans la Cipressa, raconte-t-il, j'ai essayé de rester à l'avant. Après le Poggio, j'ai dépassé plusieurs coureurs pour revenir dans le groupe. J'ai vraiment serré les dents parce que je savais que c'était le moment décisif.J'ai regardé autour de moi et j'ai vu que beaucoup de sprinters avaient disparu. Là, j'ai commencé à y croire." Une fois sous la flamme rouge, il ne pouvait plus lui arriver grand-chose. Restait à ne pas rater la chance de sa vie. "Je ne pouvais pas rêver d'un meilleur scenario", avoue le vainqueur.

Mais la facilité apparente de sa victoire dans le sprint final traduit mal son bouillonnement intérieur. "Peut-être que je donnais l'impression de maitriser les évènements, raconte Goss, mais ça gambergeait beaucoup dans ma tête, j'étais très stressé." Reste maintenant à mesurer la portée de sa performance. Pas le plus simple pour Matthew Goss qui, de son propre aveu, ne s'était pas vraiment imaginé en triomphateur à Sanremo. "C'est vraiment incroyable. Je n'imaginais pas gagner, pas même monter sur le podium à côté de coureurs tels que Gilbert et Cancellara.Je savais que j'avais la condition pour être devant, mais je ne pensais pas que je passerai les difficultés aussi bien."

Matthew Goss avait tort de se sous-estimer. On ne l'y reprendra plus. Pour lui, il y aura bien un avant et un après 19 mars 2011. Il n'a que 24 ans, et cette victoire lui ouvre bien des portes. "C'est une victoire qui me donne confiance, prévient-il. Je commence à croire que je peux faire de grandes choses. Milan-Sanremo me fait rêver depuis longtemps, comme tous les sprinters. Etre le premier Australien à m'imposer ici, c'est vraiment génial. Mais maintenant, je veux en gagner d'autres.Je vais aborder les grandes courses de façon très différente." Et son prochain objectif n'est pas bien éloigné dans le temps. Il rêve maintenant "du Tour des Flandres". Depuis samedi, Goss ne s'interdit plus rien.