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Mort de Gino Mäder | Ciao Gino

Benoît Vittek

Mis à jour 16/06/2023 à 17:47 GMT+2

Mort à l'âge de 26 ans ce vendredi après une chute sur le Tour de Suisse, Gino Mäder transcendait ses performances sportives par son sourire et ses engagements. De sa première victoire professionnelle en passant par ses bonnes oeuvres comme lors du Tour d'Espagne 2021. Portrait d'un coureur et d'un homme à part que le peloton mondial regrette déjà.

Gino Mäder

Crédit: Getty Images

C’est une drôle d’expédition chinoise, que la bande à Mäder avait menée à bien à l’automne 2018 sur l’île de Hainan. Sous le soleil de ce petit paradis pour touristes asiatiques, théâtre depuis 2006 d’un tour cycliste, une sélection de coureurs suisses brillait. On retrouvait le globe-trotteur Simon (Pellaud), qui allait bientôt s’installer en Colombie avec sa compagne. Il y avait aussi Dylan (Page), lancé vers ses derniers barouds de sprinteur. Stefan (Bissegger), dont on découvrait encore la puissance brute. Et Gino (Mäder), grand grimpeur rayonnant de jeunesse et de gentillesse.

On célébrait son talent émergent, souligné par une victoire d’étape, son premier succès au milieu des professionnels. On discutait de son futur avec l’équipe Dimension Data, séduite par ses envolées sur la Ronde de l’Isard, le Tour d’Alsace et le Tour de l’Avenir. On ne pouvait pas imaginer que, seulement quatre ans et demi plus tard, il faudrait raconter la fin brutale de sa vie, emportée à 26 ans alors que Gino filait plus haut que jamais sur les deux roues qui accompagnaient depuis toujours ce fils de cyclistes.



L’heure était à l’innocence et aux sourires. À Hainan, les Suisses avaient trouvé des bouteilles de vin qu’une partie de la bande partageait le soir à l’hôtel. On se relâche, sur une course exotique à la fin du mois d’octobre. Mais Mäder avait coché ce rendez-vous, dont il avait été privé un an plus tôt pour cause de service militaire. Cette fois, Gino et les siens se sont partagés l’essentiel des honneurs avec Fausto Masnada et l’équipe Androni. Mäder et Masnada, Gino et Fausto, comme Bartali et Coppi. Les deux jeunes hommes en souriaient. Ils ne se sentaient pas l’étoffe de Campionissimi mais étaient prêts à se faire leur place.

Rarement vainqueur, toujours pertinent

Gino le Suisse était un homme discret que le talent, la sensibilité et l’engagement ont mis en lumière. Vendredi, au départ de la 6e étape (neutralisée) du Tour de Suisse, à Coire, où le jeune coureur s’est éteint dans un hôpital qui a également pris en charge Magnus Sheffield, les visages de Bissegger et de tous les coureurs et suiveurs trahissaient une même émotion. Derrière chaque larme, chaque regard baissé, chaque œil éteint, on devine le sourire de Mäder, habituellement contagieux, aujourd’hui impuissant à soulager la douleur.
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Les cyclistes suisses Stefan Bisseger, Silvan Dillier et Stefan Küng

Crédit: Getty Images

Gino a rejoint Serse, Joaquim, Jean-Pierre, Estela, Wouter, Bjorg, Julian, Andreï, Fabio, Annefleur et tant d’autres, professionnels ou amateurs victimes d’accidents mortels. Ils accueillent dans un club bien trop peu select un "guerrier", un "chic type", un "garçon spécial", "un excellent coureur et une personne formidable", selon les hommages qui ont rapidement afflué.

Avec l’équipe Dimension Data, devenue NTT pour la saison 2020, Mäder n’a jamais levé les bras mais il s’est engagé auprès de Qhubeka, l’ONG africaine associée à la structure de Doug Ryder.

C’est en rejoignant Bahrain Victorious, en 2021, qu’il a trouvé le chemin vers ses deux plus grands succès. Il s’est d’abord imposé en solitaire sur la 6e étape du Giro, à Ascoli Piceno, après une offensive montagnarde caractéristique de ses talents. Tout juste vainqueur, il adressait ses pensées à Mikel Landa, contraint à l’abandon la veille par une lourde chute. Un mois plus tard, Mäder levait à nouveau les bras, pour la dernière fois de sa carrière, à Andermatt, où s’achevait le Tour de Suisse 2021.

Courir pour une cause

Gino Mäder a signé son dernier succès à 24 ans mais il a continué à imposer son talent et ses initiatives pendant les deux années suivantes. Le jeune Suisse avait des ressources très personnelles pour s’attirer de nombreux soutiens.

Au départ de la Vuelta 2021, il avait annoncé que ses performances seraient converties en donation (un euro pour chaque coureur devancé lors des 21 étapes) à une association choisie par ses suiveurs sur les réseaux sociaux. Meilleur jeune de l’épreuve avec une 5e place au général, il avait ajouté différents bonus, pour un total de 4 529 euros adressés à Just Dig It, qui oeuvre pour "reverdir l’Afrique et refroidir la planète". Le montant avait été doublé par les dons de supporters inspirés par le Suisse.

En 2022, Gino le généreux reprenait son concept de #raceforacause ("courir pour une cause") en donnant un franc suisse pour chaque coureur qu’il devançait tout au long de la saison. "Enfant, j’ai eu l’opportunité et la chance de voir des glaciers", expliquait-il alors. "J’espère que les prochaines générations pourront aussi vivre cette expérience."

Son empathie avait également souri à son chien, Pello, qui a hérité du prénom de son équipier Pello Bilbao. Abandonné dans les rues de Bilbao (où Mäder devait prendre le départ du prochain Tour de France), l’animal allait être euthanasié avant que Gino et sa petite amie interviennent avec une association de protection des animaux pour l’adopter avec eux, en Suisse. Partout où il courait, souriait et s’engageait, Gino Mäder laissait une empreinte à part.
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Les cyclistes suisses Stefan Bisseger, Silvan Dillier et Stefan Küng

Crédit: Getty Images

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