Paris-Nice | Matteo Jorgenson, nouvelle terreur venue de Visma

Remco Evenepoel avait une ombre sur Paris-Nice. Pas celle de Primoz Roglic ou Joao Almeida, décevants sur une Course au soleil qui porte décidément mal son nom depuis quelques années, mais celle d'un Américain. Après son coup de La-Colle-sur-Loup vendredi, Matteo Jorgenson avait une double mission : lâcher Brandon McNulty et s'accrocher à la roue du Belge. Un plan parfait qui s'est déroulé sans accroc pour les Visma | Lease a Bike. Roglic parti, les Néerlandais ont-il déjà un nouveau prétendant aux plus beaux classements généraux ?

"Pour être honnête, je ne m’attendais pas à gagner Paris-Nice en débutant cette semaine, je voulais juste faire une belle course et j’aurais été content avec une place sur le podium", a avoué Jorgenson ce dimanche. Et pour cause, sur l'affiche on opposait plus facilement Remco Evenepoel à Primoz Roglic. Un peu par facilité, beaucoup parce que ces coureurs font partie d'une caste qui ne partage que très rarement. Oui, le Belge a peut-être commis des erreurs tactiques cette semaine, bien sûr le Slovène n'était pas en très grande forme mais il ne faut rien enlever à l'Américain.

Ce succès vient-il de nulle part ? "On savait que Jorgenson allait être dur à battre", a confessé le battu Evenepoel après son succès d'étape à Nice. Bien sûr, l'ancien pensionnaire du Chambéry CF, centre de formation d'AG2R - il a d'ailleurs été stagiaire de Vincent Lavenu entre août et décembre 2019 -, n'avait jamais remporté de courses par étapes World Tour avant son arrivée, cette saison, chez Visma | Lease a Bike.

Mais les premières saisons professionnelles du coureur de 24 ans promettaient énormément. Rien d'étonnant pour quelqu'un qui n'a jamais hésitéà investir son argent personnel pour progresser, notamment via des stages, et qui a bénéficié de l'aide de Visma bien avant son arrivée officielle dans l'équipe.

On pourra citer sa 17e place, dans le groupe qui s'est joué le podium, sur Milan-Sanremo 2020 dès sa première année chez les pros. On notera une 8e place sur Paris-Nice 2021 et mieux une 20e sur le Tour de France 2022. Voilà qui trace une progression constante démarrée chez Movistar où il a réellement explosé en 2023 dans un style exceptionnellement éclectique : vainqueur du Tour d'Oman et 2e du Tour de Romandie mais aussi 4e du Grand Prix E3 et 9e du Tour des Flandres. Aussi bon grimpeur et rouleur que coureur de classiques pavées, donc.

"C'était un moment magique de se sentir aussi fort aujourd'hui, aux côtés d'un grand champion comme Evenepoel, confesse le vainqueur du jour. Je voudrais remercier l'équipe du fond du cœur pour tout le travail accompli au cours de la semaine écoulée. Je voudrais également m'adresser à notre directeur général, Richard Plugge, et à notre directeur sportif, Merijn Zeeman. Ils m'ont non seulement fait entrer dans l'équipe, mais ils m'ont aussi donné la confiance nécessaire pour prendre la tête de Paris-Nice dès ma première année dans l'équipe."

Sa victoire sur une course par étapes, autant que son arrivée début 2024 chez Visma | Lease a Bike amènent à se poser la question suivante : Matteo Jorgenson est-il le futur Roglic, le futur Vingegaard ou le futur Kuss ? Est-il un nouveau robot façonné par les abeilles pour détruire aujourd'hui les courses par étapes d'une semaine et demain les grands tours ? Rien n'est à exclure tant son talent, vu par tout le peloton dès la saison dernière, semble exceptionnel. La perte de quelques kilos cet hiver semble déjà porter ses fruits mais Jorgenson ressemblerait finalement plutôt à… Tadej Pogacar.

Évidemment moins bon coureur que le Slovène, l'Américain n'en est pas moins un homme que l'on voit autant dans les Flandres que dans les cols. S'il avait fait de Paris-Nice son objectif, et que l'on peut logiquement se demander s'il n'était pas un peu en avance par rapport à la concurrence, on suivra avec attention son évolution. Il redeviendra bientôt un équipier de luxe chez Visma et sera aussi utile à Wout van Aert qu'à Jonas Vingegaard. Et à l'image de son Het Nieuwsblad du début de saison, la stratégie d'équipe pourrait bien le mettre à portée d'une victoire sur une grande classique. Histoire de cultiver un peu plus la dualité entre courses par étapes et épreuve d'un jour.