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Paris-Roubaix 2024 : dernier Monument propice aux fuyards, l’Enfer du Nord, paradis des audacieux

Benoît Vittek

Mis à jour 06/04/2024 à 22:00 GMT+2

C'est finalement la grande course où tout peut se passer. Ou tout le monde peut avoir droit au bonheur. À Paris-Roubaix (à suivre sur Eurosport) plus que sur tout autre Monument, les offensives au long cours parviennent régulièrement à renverser les plus grands favoris. Témoignages de Dirk Demol, Stuart O’Grady, Johan Vansummeren, Mathew Hayman et Alison Jackson.

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Les pavés réservés aux vainqueurs de Paris-Roubaix peuvent-ils échapper ce week-end aux favoris arc-en-ciel, Lotte Kopecky et surtout Mathieu van der Poel ? L’opposition, défoncée par les gadins, a pris la leçon sur les monts flandriens et le Néerlandais volant domine, à lui seul, les pronostics aussi outrageusement que Tom Boonen et Fabian Cancellara à leur grande époque.
Entre 2005 et 2013, les géants belge et suisse ont soulevé sept des neuf pavés distribués au vainqueur dans le vélodrome André-Pétrieux. Leurs deux tombeurs ? Des attaquants au long cours, qui avaient anticipé les offensives des deux super-stars des classiques, pour mieux les mater dans le final. De quoi inspirer les audacieux en 2024 ?
Quand j’ai signé mon contrat chez Garmin, j’ai dit à Vaughters : ‘Je sais que je ne peux pas gagner beaucoup de courses… Mais Roubaix, je peux le faire !’”, rembobine le géant belge Johan Vansummeren. De fait, son palmarès compte uniquement le Tour de Pologne et Paris-Roubaix, en 2011, au cœur du règne partagé Boonen-Cancellara. Quatre ans plus tôt, Stuart O’Grady avait déjà fait le coup. “J’étais le plan B ce jour-là”, sourit celui qui, à la veille de devenir le premier vainqueur australien de l’Enfer du Nord, partageait la chambre de… Fabian Cancellara, son leader.
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Quand ils accéléraient, Tom et Fabian étaient impossibles à suivre”, ajoute Mathew Hayman, expert de Paris-Roubaix (17 participations, un record) et de ses grandes offensives (il faisait partie du groupe Vansummeren en 2011), vainqueur en 2016 devant Boonen après être parti en échappé avant même les premiers pavés.
L’échappée a souvent eu de la réussite sur cette course, on peut même remonter à Dirk Demol en 1988”, précise l’Australien. “On avait fait 222 kilomètres d’échappée !”, se souvient celui qui avait alors frustré Laurent Fignon. L’année dernière encore, Alison Jackson se payait Lotte Kopecky et les grandes favorites au bout d’un thriller initié avant les premiers pavés.

Appel aux baroudeurs

Dans l’Enfer du Nord, le chaos guette à chaque tournant pavé pour écraser les géants et favoriser les audacieux. Il reste à trouver les candidats et les clefs de la course pour renverser Van der Poel et Kopecky - qui ont tendance à considérer que l’offensive est bien souvent la meilleure des défenses - et leurs collectifs impressionnant - tout particulièrement Alpecin-Deceuninck, impériale au moment de filtrer l’échappée la semaine dernière sur le Tour des Flandres.
J’insiste toujours sur l’importance des premières offensives”, explique Hayman, désormais directeur sportif chez Jayco-AlUla, tandis que Demol dispense ses conseils aux coureurs de Lotto-Dstny. Dans les rangs de l’équipe australienne, un coureur comme Max Walscheid a pris la 8e place l’an dernier après une course débridée - “on avait rejoint Van der Poel et Van Aert avec Pedersen et Ganna à Arenberg” - et la 12e en 2021 en prenant l’échappée matinale pour anticiper les pavés mouillés.
Prendre l’échappée de Roubaix fait partie de ce qu’il y a de plus difficile”, observe O’Grady. “Tout le monde part à fond, il faut savoir se servir de son expérience pour sentir le bon coup et faire l’effort quand la route commence à onduler avec de toutes petites montées qui peuvent servir de tremplin”, ajoute celui qui avait bataillé une quarantaine de kilomètres avant de sortir. “Ça bagarre à fond et ça sort à un moment difficile, on ne te laisse pas partir”, appuie Hayman, dont l’échappée était partie après deux heures.
Et il faut ajouter une part de réussite et de flair. “On avait trois autres coureurs désignés pour l’échappée matinale mais j’ai vu un gros groupe partir et je me suis dit qu’il fallait y être”, décrit Hayman. “Je n’avais pas vu que Magnus Cort était devant.” Alison Jackson pensait elle aussi laisser ses partenaires couvrir les premières offensives. “Quand ça a commencé à partir, j’ai réagi à l’instinct”, sourit la Canadienne expérimentée. “Allez, voilà l’échappée !
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Faire (sur)vivre l’échappée

Pour Jackson, “l’échappée est un pari : tu prends le risque de faire trop d’efforts, mais tu t’offres une chance d’être dans le final de la course.” À condition de bien s’entendre devant. “Chaque détail a compté”, explique celle qui a vu les favorites échouer à 12 secondes. “J’ai voulu montrer l’exemple en prenant mes relais, en montrant que je croyais à l’échappée, ce qui a permis aux autres coureuses de s’investir.”
Ils ont roulé, roulé, roulé ! Et moi, je sifflotais dans les roues…
Le bonheur de Vansummeren est venu de la présence de trois Lotto dans son groupe (Greipel, Roelandts et Boucher…). “Ils ont roulé, roulé, roulé ! Et moi, je sifflotais dans les roues…” Derrière, Boonen se retrouvait à l’arrêt dans la trouée d’Arenberg, Sylvain Chavanel tombait et Cancellara ne parvenait pas à se dépêtrer de Thor Hushovd, équipier de Vansummeren.
Quant à Dirk Demol, il a eu “la chance d’être avec Thomas Wegmuller. On l’appelait Thomas Turbo, ou Terminator, parce qu’il roulait toujours à fond. J’étais sur la réserve, pour garder de l’énergie pour aider mon leader Eddy Planckaert [vainqueur du Tour des Flandres une semaine plus tôt]. Et puis, à 45 kilomètres de l’arrivée, une voiture de presse est passée avec Roger De Vlaeminck, monsieur Paris-Roubaix, qui m’a dit : ‘Vous allez aller au bout !’ À partir de là, j’ai tout donné.”
Quatre ans plus tard, Wegmuller accompagnait Jacky Durand dans son échappée victorieuse sur le Tour des Flandres 1992. Peut-on encore trouver de si bons compagnons d’échappées en 2024 ? “J’ai fait trop d’efforts en 2021”, observe Walscheid. “Il vaut mieux s’économiser en se disant que, de la manière dont Roubaix a évolué, les favoris lancent la course de très loin et reviendront forcément. L’idée, c’est d’arriver dans le final sans avoir eu plus d’efforts qu’eux à faire.” Voire même un peu moins...
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Difficile d’organiser une poursuite cohérente

Devant, les échappés roubaisiens bénéficient d’avantages uniques. “C’est moins dangereux”, décrit Hayman. “Tu choisis ta ligne, tu peux rouler sur le haut du pavé pour limiter les risques de crevaison, il y a moins de chutes… Je me souviens qu’en fin de carrière, je voulais vraiment prendre l’échappée pour ne pas arriver à Arenberg avec le peloton alors que c’était humide.” Après les efforts du début de course, les coureurs aux avant-postes peuvent également mieux gérer leurs efforts sur ce terrain unique (plus de 50km de pavés réputés pour leur rugosité).
Derrière, “le peloton sprinte pour chaque secteur”, rappelle Hayman. “Et ensuite, l’allure retombe. Il est difficile d’organiser une poursuite cohérente. Sur une course normale, tu mets ton équipe devant et ça tourne. Sur les pavés, il se passe beaucoup trop de choses. Alors parfois les leaders doivent faire la sélection pour essayer d’obtenir une collaboration. Il y a beaucoup plus de variables à prendre en compte pour le peloton.”
À un moment donné, Kopecky a attaqué mais elle a distancé ses coéquipières de SD Worx et elle ne pouvait pas poursuivre seule”, rappelle Jackson. Et que serait devenue son échappée sans la chute qui a emporté tout le groupe des favorites (à l’exception de Romy Kasper) sur le secteur de Pont-Thibaut à Ennevelin ?
Les échappés victorieux de l’Enfer du Nord ont su inventer un scénario unique, impossible à reproduire, qui effraie le peloton autant qu’il inspire les audacieux. “Cette année, je pense qu’il n’y aura que trois échappées et j’en ferai difficilement parti”, prédit Jackson. Kopecky comme Van der Poel signeraient des deux mains.
Revivez Monumental Cobbles, le documentaire sur la folie des pavés de Paris-Roubaix et du Tour des Flandres, en vous abonnant à Eurosport :
Monumental Cobbles : bienvenue dans l'enfer des pavés
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Monumental Cobbles : bienvenue dans l'enfer des pavés

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