"Attachez vos ceintures!"

Fabian Cancellara est remonté. Tout l'agace. Ces vieilles histoires de vélo à moteur, qui remontent à un an mais le suivent toujours dès qu'il place une accélération. Les multiples contrôles antidopage dont il fait l'objet. Plus que les autres, à le croire ("à ce rythme, je vais battre mon record de 58 contrôles en 2009", dit-il, réclamant plus d'équilibre). Mais la principale raison de l'ire du Suisse, c'est bien évidemment ce Tour des Flandres qui lui reste en travers du gosier.

Alors il est déterminé à remettre chacun à sa place dimanche sur Paris-Roubaix. A commencer par lui-même. Et sa juste place, dans son esprit, c'est évidemment la première. "Mes adversaires sont prévenus. Ils ont intérêt à attacher leurs ceintures, comme dans un avion," a-t-il confié mardi au quotidien du soir italien, le Corriere della Sera. Un véritable avertissement à la concurrence, qu'il ne ménagera pas. Après sa troisième place sur le Tour des Flandres, la star de l'équipe Leopard Trek tient à sa revanche dans le nord de la France.

Plus que le fait de ne pas avoir gagné le Ronde pour la deuxième année consécutive, c'est le déroulement de la course qui le chiffonne, et tout particulièrement la façon dont ses adversaires ont couru, davantage pour l'empêcher de s'imposer que pour vraiment gagner eux-mêmes. "Je suis très content, affirme-t-il non sans ironie. Ils étaient 50 derrière contre un gladiateur. C'était un spectacle et une double satisfaction. J'ai perdu en essayant de gagner. Les autres ont juste couru pour me faire perdre." Même s'il s'en défend, on sent bien que le Bernois sort de ce Tour des Flandres avec une certaine amertume. A vrai dire, il y en a pour tout le monde.

Pour le vainqueur, d'abord. "A l'arrivée, celui qui est resté dans les roues toutes la journée a gagné. Félicitations à lui, mais pour moi, cela n'a aucune valeur". Voilà pour Nick Nuyens. Les autres, maintenant. Ceux qui, comme lui, sont dans le clan des battus. "J'ai été le seul des grands favoris du Tour des Flandres à faire la course devant, estime-t-il. Moi, je me suis battu, j'ai perdu la tête haute. D'autres ne peuvent pas en dire autant." Cancellara reproche notamment à Quick Step sa stratégie. Point sur lequel il n'a pas tort. En demandant à Sylvain Chavanel de ne pas collaborer avec le Suisse lorsque les deux hommes étaient devant, l'équipe belge a clairement joué la carte Tom Boonen, mais ce dernier a montré ses limites actuelles dimanche.

Mais vu sa supériorité dans les classiques l'an dernier et sa démonstration dans le Grand Prix E3 la semaine précédent le Ronde, il devait s'attendre à être l'homme à battre. C'est la loi du genre. D'autant qu'il a sa propre responsabilité dans cet échec. S'il a eu des crampes au pied du Mur de Grammont, ce n'est pas à cause de ses adversaires, mais bien parce qu'il ne s'est pas hydraté davantage à un moment clé de la course. Puis, même s'il rejette cette étiquette de "Superman" ("je n'aime pas ce terme, il est très exagéré", dit-il), peut-être a-t-il voulu en être digne en mettant une nouvelle claque à tout le monde en partant à 40 kilomètres de l'arrivée. "Je voulais faire quelque chose de parfait, admet-il. Ça n'a pas marché. C'est peut-être mieux comme ça, ça montre que je suis humain." Mieux ainsi? Vraiment? Personne n'est obligé de le croire. Dimanche, s'il peut refaire un numéro à la Superman, il ne se privera pas.