Eurosport
Paris-Roubaix - Boonen-Cancellara, Merckx-De Vlaeminck… les mythiques rivalités de l'Enfer du Nord
Par
Publié 11/04/2020 à 23:51 GMT+2
PARIS-ROUBAIX - Il n'y aura pas d'Enfer du Nord cette année, pandémie de Covid-19 oblige. Dans son histoire récente mais aussi plus ancienne, la Reine des classiques a vu s'affronter férocement quelques-uns des meilleurs coureurs du monde. Retour sur les rivalités qui ont fait son histoire, de Boonen-Cancellara à Merckx-De Vlaeminck.
Fabian Cancellara et Tom Boonen sur le podium de Paris-Roybaix 2008
Crédit: Getty Images
Boonen - Cancellara
Leur palmarès
La rivalité
"Tommeke" d'un côté, "Spartacus" de l'autre. Cet affrontement a polarisé le printemps cycliste pendant une petite décennie. Tom Boonen et Fabian Cancellara, ce sont sept Paris-Roubaix à eux deux. Entre 2005 et 2013, seules les surprises O'Grady (en 2007) et Vansummeren (en 2011) ont brisé l'hégémonie du duo belgo-suisse sur la "Reine des classiques."
Un duo qui, s'il a régné sur Paris-Roubaix, était fait de deux coureurs finalement assez différents. Basiquement, Boonen avait l'avantage d'être un sprinteur quand Cancellara avait pour lui ses qualités de rouleurs. "Le truc avec Fabian, c'est que quand nous sommes en forme, nous nous ressemblons beaucoup. La seule différence c'est qu'il est un peu plus endurant et moi un peu plus rapide, résumait d'ailleurs le Belge. J'aimerais bien prendre cette qualité chez lui et inversement."
/origin-imgresizer.eurosport.com/2020/03/30/2801111-57787230-2560-1440.jpg)
Boonen - Cancellara, la grande rivalité du XXIe siècle.
Crédit: Getty Images
Sept Paris-Roubaix à deux et pourtant deux podiums partagés seulement (2006 et 2008), la rivalité Boonen-Cancellara a ce côté paradoxal. 2006 justement. Dans le Carrefour de l'Arbre, le Suisse allume une mèche que Boonen ne peut éteindre et s'en va lever les bras sur le Vélodrome. Mèche courte pour 2006 mais mèche longue, quatre ans plus tard. A quasiment 50 kilomètres de l'arrivée, Cancellara dépose Boonen et les autres. "Tornado Tom" se bat mais l'ouragan suisse est trop puissant. Une semaine après un Tour des Flandres déjà polémique, cette nouvelle démonstration de force fait enfler les soupçons de dopage mécanique autour du Suisse.
Le sommet
Il n'y a pas plus beau résumé de la rivalité entre les deux meilleurs coureurs de l'Enfer du Nord au XXIe siècle que ce Paris-Roubaix 2008 qui allait s'achever par la victoire du Belge, au sprint évidemment. Cette année-là, "Spartacus" a tout tenté, se battant comme un beau diable, multipliant les tentatives pour désarçonner Boonen. Rien n'y a fait. Pas même une (nouvelle) accélération dans le Carrefour de l'Arbre. Boonen a plié mais n'a pas rompu : sa stratégie, à savoir s'accrocher à son rival, a marché à plein. Au sprint, ni Cancellara, ni Ballan ne pouvaient espérer le battre. "Je crois avoir bien mené ma course", sourit malicieusement "Tommeke" à l'arrivée.
/origin-imgresizer.eurosport.com/2020/04/10/2805029-57865590-2560-1440.jpg)
Tom Boonen domine Fabian Cancellara et Alessandro Ballan sur Paris-Roubaix 2008
Crédit: Getty Images
Museeuw - Tchmil
Leur palmarès
La rivalité
Disons-le tout de suite, à Paris-Roubaix, Andreï Tchmil ne peut pas se comparer à Johan Museeuw. Mais celui qui a obtenu la nationalité belge en 1997 "était le rival de Museeuw pendant toute la décennie 1990", nous apprend Pascal Sergent, historien du cyclisme et de Paris-Roubaix en particulier. Les deux sont amis dans la vie et c'est Tchmil qui parle le mieux de cette amitié : "Avec Museeuw, le ciel était plus beau, narrait-il au journal belge, Le Soir. J’avais un poster de lui sur la porte de mon garage. Chaque fois que la météo était mauvaise, que je n’avais pas envie de sortir, je regardais sa photo et cela me donnait le courage de prendre mon vélo."
/origin-imgresizer.eurosport.com/2020/04/10/2805023-57865470-2560-1440.jpg)
Johan Museeuw et Andreï Tchmil
Crédit: Getty Images
"Andreï était toujours là, systématiquement et cela me réjouissait", poursuit Museeuw. Si les deux hommes étaient amis dans la vie, ils étaient rivaux sur la route, et a fortiori sur les pavés où leurs noms figuraient chaque année dans la liste des favoris, l'un dans la puissante Mapei, l'autre chez Lotto. "Ils se sont affrontés dix ans et à cette époque-là, ils n'étaient pas nombreux à pouvoir gagner Paris-Roubaix", précise Pascal Sergent.
Le sommet
Vous connaissez l'attaque à quasiment 50 kilomètres de l'arrivée de Fabian Cancellara, en 1994, Andreï Tchmil a fait mieux en sortant du groupe des costauds à 60 kilomètres dans une édition rendue épique par les conditions météorologiques dantesques. Si Duclos-Lassalle et Ballerini ont été malheureux, Museeuw s'est lancé à la poursuite de l'homme de tête.
"Museeuw a le beau rôle. Second derrière Tchmil qu'il va bientôt reprendre", assure Patrick Chêne sur France 2 à une trentaine de kilomètres de l'arrivée. Et comment pourrait-il en être autrement ? Avec huit secondes d'écart seulement, on n'imagine pas une autre issue. Et pourtant celui que l'on appelle encore "Tchmilé" à l'époque, résiste pendant de longs kilomètres. Museeuw l'a à portée de fusil mais jamais il ne reverra de près la roue d'un Tchmil qui s'en va gagner son premier et seul Paris-Roubaix.
Moser - De Vlaeminck
Leur palmarès
La rivalité
Quatre victoires, quatre places de dauphin, Roger De Vlaeminck c'est "Monsieur Roubaix". Mais celui qu'on appelait aussi le "Gitandoit partager le record de succès sur l'Enfer du Nord avec Tom Boonen (4). Ce qu'il apprécie peu, d'ailleurs. Si "Tommeke" sait qu'il doit, en partie, à Cancellara de ne pas avoir triomphé cinq fois, l'homme qui a empêché De Vlaeminck de compter ses succès sur tous les doigts d'une main s'appelle Francesco Moser.
/origin-imgresizer.eurosport.com/2020/04/10/2805025-57865510-2560-1440.jpg)
Roger De Vlaeminck
Crédit: Getty Images
L'Italien débarque sur les pavés du Nord en 1974, année du deuxième succès de celui qui va devenir son rival. "Cette année-là, Moser et De Vlaeminck sont en tête et vont se jouer la victoire. Finalement Moser chute mais préserve sa deuxième place. On se dit que le Belge a trouvé un rival", rappelle Pascal Sergent.
Dans l'après-guerre, il n'y a eu que l'Italien pour remporter trois fois de suite Paris-Roubaix, de 1978 à 1980. Ses deux premières victoires ont ceci d'exceptionnelles qu'elles ont été obtenues devant un quadruple vainqueur. Moser-De Vlaeminck, ce n'est pas un match (trop souvent) à distance. C'est sept Enfer du Nord, comme Boonen-Cancellara - et un autre duo impliquant De Vlaeminck sur lequel nous allons nous attarder - mais c'est aussi quatre podiums partagés. De Vlaeminck a "frappé" le premier en battant Moser (2e) en 1974 mais c'était la dernière fois qu'il montait sur le podium en pouvant toiser l'Italien.
Le sommet
Nous aurions pu choisir 1979, année où Moser a battu De Vlaeminck pour 40 secondes mais nous avons retenu 1978 car le premier sacre de l'Italien a ceci de particulier qu'il ressemble à une passation de pouvoir et qu'il a été acquis en étant ...dans la même équipe que le Belge. Chez Sanson, une formation transalpine, l'hydre a deux têtes.
Maillot arc-en-ciel de champion du monde sur le dos, Moser démarre à 22 kilomètres de l'arrivée. De Vlaeminck est piégé par la stratégie de son équipe. "Je sais que la situation fut délicate à vivre pour Roger car il comptait déjà quatre victoires à son actif et qu’il rêvait d’arriver à cinq. Mais, il était dans une équipe italienne et j’étais Italien !", assurait Moser. "Je me souviens qu'il a ajouté qu'il aurait gagné de toute façon", poursuit Sergent. De Vlaeminck a un autre avis et pense qu'il était le plus fort.
/origin-imgresizer.eurosport.com/2019/09/27/2684751-55517330-2560-1440.jpg)
Francesco Moser
Crédit: Imago
Merckx - De Vlaeminck
Leur palmarès
La rivalité
"Dès son arrivée chez les professionnels, De Vlaeminck annonce qu'il est là pour battre Merckx". Pascal Sergent l'assure : Roger De Vlaeminck n'avait qu'un objectif : faire tomber Merckx. "Après moi, Roger De Vlaeminck était le coureur le plus complet du peloton". Voilà comment le grand Eddy parlait de son rival. Un compliment mais aussi une petite pierre dans le jardin de De Vlaeminck qui n'était pas homme à accepter la supériorité de son compatriote.
Vainqueur en 1968 de son premier Roubaix, Merckx fait face à une équipe taillée pour l'abattre l'année suivante : Flandria. Si c'est Walter Godefroot qui s'impose, son coéquipier, Roger De Vlaeminck termine dans le groupe du Cannibale (5e). L'année suivante, il monte sur le podium (2e) mais la démonstration de Merckx est totale : plus de 5 minutes d'avance sur la ligne. Une victoire "facile" ose le vainqueur. Évidemment pas du goût de son rival.
/origin-imgresizer.eurosport.com/2009/04/09/512610-22801822-2560-1440.jpg)
Eddy Merckx et Roger De Vlaeminck
Crédit: AFP
Entre 1968 et 1975, il n'y aura que Godefroot (1969 donc) et Rosiers (1971) pour frustrer le duo belge qui se rend coup pour coup. A Merckx les Paris-Roubaix 1970 et 1973, à De Vlaeminck les éditions 1972, 1974 et 1975 qui marque le sommet de la rivalité. Un dernier élément pour mesurer le degré d'animosité entre les deux Belges ? Invité en 2016 par L'Équipe à faire sa "Dream Team" pour Paris-Roubaix, Merckx y a inclus Rik Van Steenbergen (vainqueur en 1948 et 1952) et Marc Madiot (lauréat en 1985 et 1991) mais pas Monsieur Roubaix. "S’il sait ça, il ne sera pas content mais tant pis, il faut bien trancher", jubilait-il alors.
Le sommet
Avant Paris-Roubaix 1975, Eddy Merckx, 30 ans, peut déjà se targuer d'être co-recordman des victoires dans l'Enfer du Nord en compagnie des Lapize, Rebry et Van Looy. Ce n'est qu'une question de temps avant qu'il se hisse au sommet de la hiérarchie, pense-t-on. Paris-Roubaix pourrait d'ailleurs être le premier Monument sur lequel Merckx devient recordman de victoires. Mais la faute à De Vlaeminck, c'est à Liège-Bastogne-Liège, quelques semaines plus tard, qu'il réussira cet exploit.
Malgré les attaques de Merckx dans le final, ils sont quatre à se jouer le succès sur le Vélodrome : Dierickx, Demeyer, Merckx et de Vlaeminck. Quatre Belges mais le plat pays n'a d'yeux que pour le Cannibale. Le quatuor ne peut plus être rattrapé et joue au poker menteur. Demeyer mène le groupe mais l'allure est faible : personne ne veut prendre les devants.
/origin-imgresizer.eurosport.com/2020/04/10/2805027-57865550-2560-1440.jpg)
Roger De Vlaeminck et Eddy Merckx
Crédit: Getty Images
Merckx lance le sprint dans la ligne droite opposée, la victoire lui tend les bras mais De Vlaeminck le remonte dans les 50 derniers mètres pour remporter son troisième Roubaix, de "quelques centimètres" selon Sergent et égaler son rival. "Merde, c'est De Vlaeminck", s'exclame Luc Varenne à la télévision belge, prouvant que dans cette rivalité, le pays avait choisi son camp.
Sur le même sujet
Publicité
Publicité