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Comment préparer une saison unique en son genre ? "Fin juillet, les dés sont jetés"

Christophe Gaudot

Mis à jour 31/07/2020 à 17:05 GMT+2

SAISON 2020 - La reprise approche. Samedi, aux Strade Bianche, sera donné le coup d'envoi de trois mois déments pour le peloton. Un calendrier qui fait s'interroger sur la préparation des leaders. Comment gérer une saison sans pouvoir se baser sur les schémas habituels ? Là est toute la question.

Thibaut Pinot (Groupama-FDJ)

Crédit: Getty Images

Singulière dans sa saisonnalité et sa durée, la saison 2020 oblige le peloton à se réinventer. Comment préparer un mois d'août chargé tout en atteignant son pic de forme pour le Tour de France ? Comment maintenir la condition pour la suite ? Quelles corrections apporter en cours de saison ? Autant de questions auxquelles Nicolas Edet, le grimpeur de Cofidis, son entraîneur Samuel Bellenoue, Jean-Baptiste Quiclet, coach de Romain Bardet chez Ag2r-La Mondiale et enfin Frédéric Grappe, directeur de la performance à la Groupama-FDJ de Thibaut Pinot, ont tenté d'apporter des réponses forcément soumises au verdict de la route.
Strade Bianche d'un côté, Vuelta de l'autre, voilà comment est bornée la saison 2020. Habituellement, près de sept mois séparent la classique italienne de la fin du troisième Grand Tour de l'année. En 2020, l'écart sera réduit de moitié (99 jours). Dans ces conditions, préparer une saison, pour un peloton qui aime reproduire les mêmes schémas année après année, devient plus difficile. "Inquiet ce n'est pas le mot mais on est dans l'inconnu, confirme Nicolas Edet, porteur du maillot de leader sur la Vuelta 2019. On sait se faire mal à l'entraînement mais il y aura cette petite part d'inconnu avec quatre à cinq mois sans compétition, c'est plus long que la coupure de fin de saison".

Le Tour de France, pivot et point de mire

Une saison inédite donc mais un point d'ancrage qui lui ne bouge pas : le Tour de France. C'est pour cet objectif que 90% des grands noms du peloton se préparent, Nibali étant la seule vraie exception. En France comme ailleurs, on a coché la date du 29 août et le départ à Nice. Le but ? Arriver sur la Promenade des Anglais à son pic de forme. Mais comment l'atteindre alors que la route, habituellement très balisée jusqu'au Tour, a changé ?
"On maîtrise bien le chemin de la performance, le chemin de la préparation qui va mener à la très haute performance, nuance Samuel Bellenoue, entraîneur chez Cofidis. Historiquement on faisait des courses, aujourd'hui on maîtrise bien mieux ce qu'on fait à l'entraînement." L'apparition puis la démocratisation des capteurs de puissance ont changé la donne et permis aux staffs de disposer des données de leurs coureurs sur plusieurs années.
Ainsi reconnaître les paliers menant au pic de forme devient facile. "On sait où on est par rapport à nos points de passage chaque saison, on arrive à situer ça par rapport aux puissances que l'on peut développer", illustre Edet. Le piège cependant, note Frédéric Grappe, serait d'arriver "trop prêt, trop tôt". "Il faut que le pic arrive au bon moment avec de la fraîcheur physique et très peu de fatigue. La qualité de la récupération jouera énormément sur la performance", poursuit-il. La clé se situe donc plutôt dans la gestion de la fatigue accumulée pendant le stage en altitude de juillet.
Dans le détail, "nos coureurs vont enchaîner les courses jusqu'au Tour. On va plutôt être dans une logique d'enchaînement d'événements, détaille Jean-Baptiste Quiclet, entraîneur chez Ag2r. Le but est de trouver une forme très correcte dès le début de saison puis de surfer et de se bonifier un tout petit peu pour le Tour". Après de longs mois sans compétition, imaginer arriver au Tour sans passer par au moins deux courses à étapes en août paraît risqué. "La compétition permet de faire des gros efforts. On n'aura pas couru en peloton depuis longtemps, il faudra reprendre les automatismes, assure d'ailleurs Edet. Une fois cette barrière psychologique passée, on pourra lâcher les chevaux."

Corriger la forme au mois d'août ? Impossible, ou presque

Aussi importante que sera la montée en puissance en août, le gros de la condition se fait en ce moment, c'est d'ailleurs pour ça que Cofidis, comme Ag2r-La Mondiale, Groupama-FDJ et d'autres sont en stage dans les Alpes jusqu'à la fin juillet. Quiclet explique : "le pic de forme est toujours précédé d'une phase d'entraînement difficile. C'est ce que l'on fait en ce moment dans le cadre d'un entraînement de 15 jours à la montagne. Après, il y a une phase d'affûtage où on joue avec une alternance d'entraînements pour arriver au pic de forme." Frédéric Grappe choisit lui un vocabulaire imagée : "un pic de forme, c'est une bosse de chameau. Dans la montée vous êtes bien, en haut vous êtes très bien et dans la descente vous êtes encore bien". Sur une saison normale, Grappe estime qu'il est possible d'avoir "trois bosses". En 2020, il faudra se contenter d'une seule.
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Romain Bardet

Crédit: Eurosport

"Pour nous entraîneurs, autour du 25-30 juillet, les dés seront quasiment jetés jusqu'à Liège-Bastogne-Liège pour les coureurs de classements généraux", poursuit l'entraîneur de Romain Bardet. L'enchaînement du mois d'août, et l'obligation pour les coureurs français de participer aux championnats de France (22 août) s'ils veulent être des Mondiaux fin septembre, rend toute possibilité de correction illusoire. "On va enchaîner les compétitions et il n'y aura pas de travail comme il peut y avoir habituellement entre les Ardennaises et le Dauphiné", abonde Edet du haut de ses bientôt dix ans dans le peloton professionnel. Les ajustements seront donc "marginaux" pour reprendre un terme cher aux cerveaux d'Ineos.

Et la météo dans tout ça ?

Il y a cependant une chose à laquelle tout le monde pense sans pouvoir en mesurer les effets : la météo. Le Tour de France en septembre, les classiques en octobre, voilà qui peut rebattre les cartes. "On aura des catégories de coureurs qu'on ne connaît pas dans la saisonnalité habituelle des classiques et qui peut-être seront brillants à l'automne", avance par exemple Quiclet. Samuel Bellenoue imagine lui des étapes "plus humides, plus froides" sur le Tour et des conditions qui se rapprochent d'un Giro où les défaillances et retournements de situations sont plus nombreux que sur la Grande Boucle.
Préparation, saisonnalité, enchaînement… Autant de changements qui peuvent donner à 2020 un caractère plus unique encore. Parce que se rater dans sa préparation, même à notre époque riche en chiffres, reste possible. Quiclet confirme : "on peut faire tous les calculs qu'on veut, si dans la tête tout n'est pas au clair, les motivations, la détermination, le stress... le modèle devient caduque." Dans une année difficile économiquement, la pression sur les leaders sera décuplée. Rater ses objectifs pourrait bien signifier mettre en danger la survie de son équipe pour certains. Préparation changée, enjeux décuplés, un cocktail idéal pour des scénarios inattendus ?
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