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Vasseur : "Ce qui compte pour moi, ce n'est pas que Nacer Bouhanni soit content ou pas"
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Publié 20/08/2018 à 15:35 GMT+2
En 2018, Cofidis a retrouvé le chemin du succès avec une vigueur renouvelée (déjà 19 bouquets) et voilà que Nicolas Édet décroche à 30 ans ses premiers succès pros sur le Tour de Limousin. Quelques heures plus tôt, nous nous entretenions avec Cédric Vasseur. Après dix mois d'exercice, le manager se réjouit du bilan de ses hommes, tout en appelant Nacer Bouhanni à rebondir après une année houleuse.
Nacer Bouhanni (Cofidis)
Crédit: Getty Images
L’équipe Cofidis compte 17 victoires au compteur à la mi-août (19 suite au Tour du Limousin, NDLR), ce n’était pas arrivé depuis 2010. C’est déjà le succès de la méthode Vasseur ?
Cédric VASSEUR : Il faut d’abord féliciter les coureurs et le personnel de l’équipe. On a quand même huit coureurs différents qui nous ont apporté ces dix-sept victoires, et elles sont toujours le résultat d’un travail d’équipe. Au-delà du nombre de victoires, c’est vraiment le nombre de coureurs différents à avoir gagné qui me satisfait. Et j’espère qu’on ne va pas s’arrêter là.
Qu'avez-vous souhaité apporter à l'équipe ?
C.V. : En tant que consultant TV, ces dernières années, j’observais ce qui se passait dans le peloton, et j’avais remarqué que l’équipe Cofidis était souvent absente des débats, un peu trop sur la défensive. Dès mon arrivée j’ai voulu changer cette tendance et demander à nos coureurs d’aller dans les échappées, d’être protagonistes, de marquer de leur empreinte les compétitions. Alors ça ne marche pas toujours parce que les échappées n’ont pas toujours la chance d’aller au bout, mais ça permet à l’équipe d’avoir un nouvel état d’esprit et surtout de se hisser vers le haut. Ces 17 victoires sont le résultat de cette stratégie.
Cette nouvelle stratégie a entraîné une redistribution des cartes au sein de l'équipe...
C.V. : Miser exclusivement sur un coureur, en l‘occurrence notre leader Nacer Bouhanni, cette stratégie était vraiment trop lisible pour les autres équipes qui forcément attendaient que Cofidis roule derrière les échappés pour provoquer un sprint. À chaque fois ça débouchait sur un échec. L’équipe était plutôt dans une spirale négative parce qu’elle n’était pas capable de provoquer des arrivées au sprint. J’ai voulu redonner un peu d’air à cette équipe et la première des choses a été de séparer Christophe Laporte du train de Nacer Bouhanni. Ça a été une formule gagnante d’entrée de jeu parce que Christophe est devenu un vainqueur. Il s’est imposé pour l’instant comme celui qui a remporté le plus de courses au sein de l’équipe Cofidis (6 victoires, dont les 4 premières de l'équipe cette saison). C’est lui qui a donné le rythme de la victoire à l’équipe, et par la suite des coureurs comme Stéphane Rossetto, Dorian Godon, Hugo Hofstetter ont suivi.
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Cédric Vasseur, manager de l'équipe Cofidis. (Crédit : Site officiel équipe Cofidis)
Crédit: From Official Website
Quel est votre discours aujourd'hui auprès de Nacer Bouhanni ?
C.V. : En fait, j’ai quand même commencé dans une situation assez complexe. Nacer, on le sait, c’est un champion, un sprinteur, et un pur sprinteur champion. C’est toujours quelqu’un qui a des idées bien arrêtées. Il a fallu gérer déjà la rivalité montante entre Christophe et Nacer, qui était évidente sur la route d’Occitanie. Il a fallu décider d’un programme pour Christophe et d’un autre pour Nacer. Et ça je trouve que c’est un avantage pour Cofidis. Ça nous permet d’avoir un leader sur chaque front. Je crois que Nacer avait besoin de cette saison de remise en question.
Quelle réaction attendez-vous de sa part ?
C.V. : Il faut laisser à un champion le temps d’appréhender une situation et je crois que Nacer a compris aujourd’hui que pour rester au sommet de la hiérarchie du sprint, il fallait sans cesse travailler et travailler encore plus. Je crois que Nacer a trop compté sur son talent. Ça marche bien quand on a 21 ans, quand on en a 24, et quand on avance dans les saisons, on a besoin de coupler ce talent avec un travail bien spécifique.
Comment jugez-vous sa campagne 2018 ?
C.V. : Aujourd’hui, on ne peut pas dire que la saison de Nacer soit complètement catastrophique. Il a gagné cinq courses, mais c’est vrai qu’il n’a pas été retenu sur les objectifs qu’on s’était fixé en début d’année, Milan-Sanremo et le Tour de France. J’estimais qu’on avait moins de chance de briller en alignant deux sprinteurs sur ces rendez-vous et Christophe était le plus polyvalent, celui qui affichait à mon sens le plus de chances de réussite. Moi ce que j’attends de cette situation, c’est un sursaut d’orgueil de Nacer et je suis persuadé qu’il l’aura. Un champion qui a son talent et qui travaille en conséquence ne peut que réussir.
Vous vous projetez également sur la saison 2019 avec Nacer Bouhanni ? On parle d’un départ…
C.V. : Ça, ce sont les rumeurs. Nous on est en contrat jusqu’à fin décembre 2019. Je pense que de toute façon, il n’y a pas d’autre signal à envoyer à Nacer que de lui demander de retrouver le meilleur de son niveau. Ce n’est pas en demandant aux autres coureurs d’être moins bon qu’on réussit à rester leader, c’est au contraire en élevant son niveau personnel. C’est le message que je passe à Nacer aujourd’hui, que je passerai peut-être à d’autres coureurs l’année prochaine, ou dans dix ans si je suis encore là.
Le pensez-vous prêt à intégrer ce "signal" ?
C.V. : Je pense qu’aujourd’hui Nacer a les moyens d’élever son niveau. Après, une carrière est toujours faite de super saisons, de saisons moyennes et de moins bonnes saisons. Et toute l’énergie qu’on a pu économiser sur certaines mauvaises saisons peut vous servir pour le reste de vore carrière. Nacer n’a pas dépensé d’énergie en juillet sur les routes du Tour de France, et il faut de la fraîcheur sur la Vuelta, donc c’est peut-être la formule gagnante. Ce qui compte pour moi, ce n’est pas que Nacer soit content ou pas content, c’est qu’il gagne des courses. Et si Nacer gagne sur la Vuelta, je serai le plus heureux de managers parce que je me dirai qu’on a fait un bon choix de le mettre sur la Vuelta plutôt que sur le Tour de France.
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Nacer Bouhanni (Cofidis)
Crédit: Getty Images
À quel horizon vous projetez-vous en tant que manager d'équipe ?
C.V. : Il faut travailler sur trois longueurs de temps : le court terme, qui est actuellement la période des transferts ; le moyen terme qui correspond à la façon dont on va orienter l’équipe dans les deux années qui viennent, et puis sur le long terme, parce que Cofidis en début d’année a annoncé une prolongation de contrat au moins jusque fin 2022 avec l’ambition de réintégrer l’élite mondiale.
Quels sont vos besoins pour arriver au niveau World Tour ?
C.V. : La structure doit de se développer. On travaille sur un pole performance qui n’existait pas avant mon arrivée et qui va voir le jour l’année prochaine. Il faut aussi qu’on travaille sur l’optimisation du matériel, de la position, des vêtements utilisés en compétition… Ça peut paraître un peu stupide mais cette somme d’améliorations va faire en sorte qu’il y ait une fierté d'appartenir à l’équipe Cofidis et une conviction que les autres n’ont pas plus de moyens que nous pour atteindre la performance. Il y a vraiment tout un travail qui va être fait encore cet hiver, qui va être développé sur la saison 2019 pour globalement arriver à ce que j’attends de Cofidis en 2020.
L’équipe gagne plus, mais bute toujours sur un succès en Grand Tour (dernière victoire sur le Tour en 2008, 2010 pour le Giro et 2014 pour la Vuelta)…
C.V. : Il ne faut pas rêver. Pour briller sur les Grands Tours, ou sur les Monuments, il ne s’agit pas de faire progresser un coureur mais de s’attacher les services d’un coureur qui en a le niveau. Il y a eu 15 vainqueurs d’étapes différents sur les routes du Tour de France, et quand on regarde les noms des vainqueurs, il n’y a pas de surprise. Il y a peut-être Omar Fraile et Magnus Cort Nielsen qui ne sont pas trop connus du grand public, mais à part ça, il y a du Geraint Thomas, Quintana… Pour renouer avec la victoire sur les routes du Tour de France, il faudra faire évoluer l’effectif.
Cofidis version 2018 n'avait vraiment pas les moyens de briguer une victoire d'étape sur le Tour ?
C.V. : Ce que je veux dire, c’est que je ne suis pas un magicien. Je ne suis pas Mimie Mathy (rires) ! C’est vraiment un travail en profondeur, qui a été initié, et qui commence à porter ses fruits puisqu’on a ces 17 victoires. Sur le Tour, on a pris la 2e place à Pau, avec Christophe, il est passé à quelques millimètres de l’exploit. Et je pense qu’avec un peu plus d’expérience, il aurait pu jouer la victoire avec Arnaud Démare. Pour moi, s’il n’a pas gagné cette année, à mon avis la victoire en 2019 est déjà quasiment inscrite pour Christophe. Et sur les routes de la Vuelta… Un Jesus Herrada qui a déjà disputé quatre Tours de France va participer à sa première Vuelta. Je pense que ma première victoire en tant que manager sur un grand tour va arriver dans ces trois semaines à venir.
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