Vuelta 2023 - Primoz Roglic est-il déloyal ? "Sans Sepp Kuss, il n'aurait peut-être pas tous ces grands Tours"

Le cyclisme ne sacre qu'un homme mais un homme ne peut se sacrer tout seul. Ainsi est faite la vie des grands tours, avec des leaders surprotégés et des équipes surarmées. La Jumbo-Visma répond parfaitement à l'adage et ce n'est pas ce Tour d'Espagne qui démontrera l'inverse. La formation néerlandaise est la plus forte du plateau, de très loin, et a réussi une prouesse dingue si l'on prend le temps de la considérer vraiment : monopoliser le podium. Sepp Kuss, Jonas Vingegaard et Primoz Roglic – pour l'instant dans cet ordre - ont une marge suffisamment respectable et des certitudes suffisamment solides à quelques encablures de l'arrivée pour faire 1, 2 et 3 à Madrid. Fou.

Sur le papier, tout roule. Devant les caméras aussi puisque tout le monde s'efforce de répéter un mantra qui coule de soi : le plus fort gagnera. Ce mercredi, justement, c'est Roglic qui s'est senti le plus fort. Alors que le trio avait fait la différence sur le reste de la meute sur les pentes de l'Angliru, le Slovène en a remis une couche pour finalement distancer Kuss, maillot rouge mais pas forcément leader après une telle manœuvre.

Si tout le monde s'est efforcé de minimiser ce fait de course où le coup de pédale aura primé sur le statu quo, ce ne fut pas au goût de tout le monde. Notamment de Sean Kelly, expert cyclisme chez nos confrères d'Eurosport en Angleterre et vainqueur de nombreuses étapes dans les années 80 sur la Vuelta. A l'écouter, cette "attaque" n'avait pas lieu d'être.

"Ce n’est franchement pas fair-play, a-t-il estimé. Quand vous voyez Sepp Kuss, il a été tellement fiable pour ces deux coureurs ces dernières années, en leur permettant de gagner de très grandes courses. Ils n'ont montré aucun signe de gratitude sur ce coup-là, ils ont juste foncé. Et derrière, Kuss qui disait à la radio 'je ne peux pas suivre ce rythme, ça va trop vite'."

Dans l'affaire, Jonas Vingegaard est cependant exonéré d'une responsabilité trop grande. Parce que le Danois n'a fait que suivre le Slovène, ne prenant aucun relais pour ne pas faire couler un Kuss en difficulté derrière. C'est donc vers Roglic, qui a d'ailleurs avoué que cette situation lui faisait "bizarre", que les regards se sont tournés.

Adam Blythe, également expert Eurosport, n'a vraiment pas aimé l'attitude du Slovène. "C'est tellement déloyal et ça dénote un vrai manque de respect, a ainsi estimé l'ancien coureur. Après tout ce qu'a fait Sepp pour lui, tout au long de sa carrière… Il l'a sauvé dans tellement de situations. Sans Kuss, il n'aurait peut-être pas tous ces grands Tours. On se rappelle d'étapes où il l'a remis en bonne position mais on oublie aussi les fois où il a imposé un tempo devant pour fatiguer les concurrents dans les montées."

Difficile de le contredire sur l'apport de Kuss au palmarès de Roglic. S'il peut se targuer de trois Vuelta et d'un Giro, c'est aussi parce que l'Américain l'a secondé à merveille. Peut-être même plus que Vingegaard sur le Tour où son duel avec Pogacar a rapidement rendu le rôle des équipiers moins décisif.

Alors, plus que de loyauté, Roglic manque de classe à écouter Blythe. "Il a toujours tout fait pour Primoz Roglic et n'a jamais rien remis en cause, a-t-il poursuivi. Et là, il se fait que Kuss peut changer sa vie à jamais et il n'est pas capable de se dire 'pour tout ce que tu as fait, tu le mérites, on va te soutenir, Jonas et moi'".

Roglic n'a pas la mémoire courte pour autant. Après cette 17e étape, il semblait embêté par cette position de chasseur. "Sepp a toujours été là pour nos victoires, c'est la première personne à qui je souhaite de gagner, a-t-il avancé avant de rappeler le contexte si particulier de ce podium 100% Jumbo. Mais si je regarde mes responsabilités et mon statut, si je me concentre sur moi, je suis là pour courir, faire de mon mieux. A la fin, c'est le meilleur qui gagnera".