Bardet : "Je vais d'abord penser à sauver une place sur le podium à Paris"

Sur la route de Saint-Gervais, Romain Bardet a bénéficié des faveurs de la terre et du ciel ce vendredi. Plus fort que le sol mouillé, plus tranchant que la pluie, le Français a attaqué "à l'instinct" avant de célébrer le plus beau succès de sa jeune carrière, après celui obtenu à Saint-Jean-de-Maurienne il y a un an quasiment jour pour jour sur le Tour. En pleine confiance, Bardet a reconnu ne pas avoir prémédité son attaque à 11 kilomètres de l'arrivée.

"C'est le vélo plaisir que l'on veut pratiquer, celui qui procure les plus belles émotions", a reconnu le héros du jour. "Mika (Chérel) m'a mis la puce à l'oreille aujourd'hui (vendredi), a-t-il ajouté. On est soumis à beaucoup de pression et on a besoin de capitaines de route comme Sam (Dumoulin) et Mika, qui prennent les décisions. J'ai su tout de suite que c'était une bonne idée (d'attaquer)." Dans la descente de Domancy, Bardet s'est appuyé sur son coéquipier Mikaël Chérel pour prendre ses distances avec le groupe des favoris. Alors que derrière, ça tombait quasiment à chaque virage, lui a évité les chutes. "J'ai le meilleur matériel possible. J'ai fait la descente derrière Mika, j'ai confiance en ses trajectoires."

Dans l'oreillette, Vincent Lavenu et Julien Jurdie n'ont cessé de tenter de calmer ses ardeurs. Il a un temps suivi les consignes et puis… "Au début, je lui ai demandé (à Chérel) de ne pas prendre de risques. Mais je me suis rapidement dit qu'il ne fallait pas se poser de questions, a avoué Bardet. On ne fait pas deuxième du Tour en restant dans les roues." Dont acte. Habitué à briller en troisième semaine, l'Auvergnat de 25 ans est ensuite allé au bout de son effort dans l'ultime ascension : "Je me doutais que si je tenais un bon rythme, les autres auraient du mal à venir me chercher. Rui Costa ne passait pas un relais, j'espérais un peu de collaboration sur la partie de la montée qui n'était pas vraiment favorable. Mais je n'ai pas tergiversé comme au Dauphiné. On apprend de ses erreurs."

Sur le dernier Critérium, Bardet avait bataillé avec Pinot lors de l'étape-reine et s'était épuisé à attaquer vainement le Franc-Comtois à quelques kilomètres de l’arrivée, alors qu’il pouvait viser le maillot jaune en collaborant avec lui. La victoire s'était dérobée juste avant la ligne. Cette fois-ci, il a manœuvré avec intelligence. "Je visais le (classement) général et l'étape est venue en plus. J'avais prévu d'attaquer dans la partie la plus pentue qui me correspondait bien". C'est ce qu'il a fait en lâchant l'ancien champion du monde portugais à trois kilomètres de l'arrivée. "Les cinq derniers kilomètres ont été un peu longs. 9,8 kilomètres d'ascension, pour un seul homme, c'est long !"

Dans le final, Bardet l'a joué "au feeling". Sans repère chronométrique, le Français a eu"l'impression d'avoir vent de dos avec ce public. Je sentais beaucoup d'émotions de la part des spectateurs et je pense que ça m'a transcendé. Je me suis dit 'donne le meilleur, il ne faut rien avoir à regretter’." Deuxième à 4'11" du maillot jaune à 48 heures de l'arrivée sur les Champs-Elysées, Bardet peut-il viser plus haut ? "Froome est plus que solide, tempère-t-il, déjà tourné vers la 20e étape.

"Dans Joux-Plane (samedi), tout peut se passer. Il faudra être à la hauteur". L'objectif premier du protégé de Vincent Lavenu sera "d'abord de sauver une place sur le podium à Paris". Samedi, il va devoir protéger sa place de dauphin. Mais pas à n'importe quel prix : "Je ne vais pas prendre de risques, j'en ai pris assez aujourd'hui (vendredi). Mais je veux d'abord savourer et prendre les choses comme elles viennent. L'an dernier, j'avais surtout pensé à défendre le maillot à pois et je n'avais pas dormi de la nuit."