Tour de France - Le premier indice, la bascule puis l'explosion : comment Pogacar a renversé Roglic

Avec 57 secondes de retard, Tadej Pogacar n'avait pas d'autre choix : il fallait partir vite, reprendre rapidement du temps à Primoz Roglic dans la première partie plate du contre-la-montre. Chose faite avec un départ canon. Alors que le premier intermédiaire est placé au kilomètre 14, des écarts GPS renseignent sur la situation du duel entre les deux Slovènes. Après seulement six bornes, Pogacar a déjà repris 13 secondes, soit près du quart de son retard initial. Avec un départ supersonique, le cadet entend mettre la pression sur son aîné, se dit-on alors. Primoz Roglic, spécialiste de l'effort solitaire mais battu au championnat de Slovénie en juin dernier, doit corriger le tir mais il n'y a pas le feu à la maison Jumbo-Visma. Pas encore.

Si vous étiez de ceux qui doutaient des écarts GPS pris en temps réel, le premier intermédiaire, après 14,4 kilomètres, vient confirmer la tendance entrevue après le départ : oui, Tadej Pogacar est mieux parti que son adversaire. Il est d'ailleurs sur un rythme fou, puisque les seuls Tom Dumoulin et Rémi Cavagna le devancent à ce moment-là. De son côté, Primoz Roglic assure. Il passe avec le cinquième temps avec 13 secondes de débours sur celui qu'il peut, à ce moment-là, encore appeler son dauphin. L'écart GPS est confirmé mais l'hémorragie est contrôlée. Plus pour longtemps.

Si Rémi Cavagna a ralenti entre le premier et le deuxième intermédiaire au kilomètre 30 au pied de la Planche des Belles Filles, Tom Dumoulin, meilleur temps, et Tadej Pogacar, qui le suit de près (une seconde) ont encore accéléré. Le Slovène est survolté, il fait jeu égal avec un Dumoulin que l'on soupçonne de vouloir tout donner pour ne pas repartir du Tour bredouille. Et Primoz Roglic dans tout ça ? Il grimpe d'une place, mais ne contrôle plus rien. Son retard sur Pogacar augmente pour atteindre un niveau inquiétant : 36 secondes. Au général, son compatriote slovène s'approche dangereusement à 21 secondes. Et en plus, son changement de vélo n'est pas optimal. Le Tour lui échappe.

Avec les écarts GPS, la chute de Primoz Roglic se vit en direct. S'il avait fallu attendre la dernière ligne droite pour comprendre que Laurent Fignon avait perdu le Tour 1989, le suspense fut plus court dans le cas de l'ancien sauteur à skis. C'est à 3,9 kilomètres de l'arrivée que, pour la première fois, Pogacar prend le maillot jaune virtuel. Après avoir lutté surtout contre lui-même, Roglic se trouve repoussé à une minute de son cadet, qui ne faiblit pas dans l'ascension de La Planche. L'impression visuelle laissée par les deux hommes confirme la vérité du chronomètre. Sur un plus gros braquet, le maillot blanc vole quand son homologue en jaune mouline tout ce qu'il peut pour un rendement médiocre. C'est fini, le Graal lui a glissé entre les doigts à la veille de l'arrivée.

Quand il franchit la ligne, Tadej Pogacar sait peut-être déjà. Meilleur temps avec 1'21'' d'avance (un gouffre quand on sait la performance réalisée par Tom Dumoulin et Richie Porte), le Slovène de bientôt 22 ans a sans doute été averti à la radio. Roglic pioche pendant que lui s'amuse sur les pourcentages de la Planche des Belles Filles. Primoz Roglic est au pied de la dernière rampe quand son débours dépasse les 57 secondes. Sa dernière ligne droite fait peine à voir. La défaite, la détresse se lisent sur son visage. De son côté, Tadej Pogacar attend que son adversaire franchisse la ligne (à 1'56'') pour exulter. "Tu as gagné le Tour !" lui crie un membre de son équipe à l'oreille.