Les débats du TDF 2023 : Pogacar a-t-il eu tort de changer de vélo ? Le Tour est-il fini ? Où Pogacar va-t-il attaquer ?

Jonas Vingegaard a largement dominé Tadej Pogacar, mardi lors du chrono de la 16e étape, le battant de 1'38". Le Slovène a changé, sans succès, de vélo, au pied de la côte de Domancy. A-t-il ainsi commis une erreur ? Son retard au général sur le Danois (1'48") est-il rédhibitoire ? Où va-t-il passer à l'offensive mercredi, dans une étape comprenant le col de la Loze ? Nos débats du Tour de France.

Vingegaard vs Pogacar : comment le Danois a survolé ce duel

Video credit: Eurosport

Pogacar a-t-il eu tort de changer de vélo ?

Julien Chesnais
Difficile de lui donner raison après coup. Mais ce plan n'avait rien de farfelu sur le papier. La très pentue côte de Domancy (2,5 km à 9,4%) et son prolongement de 3,5 km à 5% composaient un vrai petit col. Il était raisonnable de considérer qu'un vélo traditionnel était plus adapté qu'un vélo de chrono sur cette portion. Pogacar et sa formation n'étaient d'ailleurs pas les seuls à le penser.
Stefan Küng, pourtant réputé pour son approche réfléchie et minutieuse de l'effort chronométré, a lui aussi procédé de la sorte, tout comme ses compagnons de la Groupama-FDJ. Ça n'a pas débouché sur une franche réussite. Le Suisse a explosé suite à ce changement - ce qui était peut-être simplement lié à la difficulté du final ou à une mauvaise gestion de l'effort. Et il ne semble pas que David Gaudu en ait tiré un véritable avantage, le Breton ayant lâché une minute sur Vingegaard dans cette seule côte de Domancy.
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"Changement de vélo ou pas, ça n'aurait rien changé pour Pogacar"

Video credit: Eurosport

En voyant d'autres se prendre avant lui le mur de cette tactique, ses directeurs sportifs auraient-ils dû le convaincre de changer d'avis ? Pas sûr, car changer un plan en dernière minute est rarement une bonne idée, à moins que le coureur lui-même en soit pleinement convaincu. Un assemblage de routines et de certitudes doit accompagner un coureur s'il veut réussir son chrono. Le moindre doute peut fragiliser l'édifice sur un exercice aussi calibré.
Pogacar a eu raison de se conformer au plan. Et il l'a reconnu lui-même. "Pogi" a fait un bon, un excellent chrono même (2e). Sauf que derrière lui, Jonas Vingegaard a fait encore mieux, beaucoup mieux, peut-être même le chrono du siècle en s'imposant avec 1'38" d'avance. Et face à ça, le reste ne peut relèver que de l'anecdote.
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Vingegaard : "Je me suis surpris moi-même sur ce chrono"

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Laurent Vergne
Ce n'était pas l'idée du siècle. Surtout, le jeu en valait-il la chandelle ? Probablement pas. Mauro Gianetti avait révélé à nos confrères d'Eurosport Espagne en cours d'étape que Tadej Pogacar allait bel et bien changer de vélo, confirmant la rumeur matinale. Le manager des UAE expliquait alors qu'un gain de 2-3 secondes, voire 5, était espéré. Pas grand-chose, donc, presque rien même, alors qu'un changement de vélo, surtout sur un chrono où aucune zone n'était prévue à cet effet, impliquait une potentielle part de risques.
"J'ai peut-être perdu quelques secondes", a reconnu "Pogi" à propos de son changement de vélo au pied de la côte de Domancy. Evidemment, cette 16e étape du Tour de France ne s'est pas jouée là. D'une certaine manière, si rien ne bouge d'ici les Champs-Elysées en termes d'écart, cela aura été une bonne chose que le Slovène prenne une vraie claque, lui évitant de se demander s'il a perdu le Tour dans cette manœuvre. Cela restera comme le symbole d'une journée où rien n'a fonctionné comme espéré pour l'équipe émiratie et son leader.
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Pogacar : "Je pensais être en jaune ce soir, je suis un peu surpris par l'écart"

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Le Tour est-il fini ?

Laurent Vergne
Oui. Enfin, non, mais oui. Il n'est pas fini parce qu'il reste encore cinq étapes dont deux en montagne, dont une extraordinairement difficile. "It's not over until it's over", la formule est aussi célèbre qu'éculée. Comptez sur Jonas Vingegaard pour répéter, comme il l'a fait mardi soir, que rien n'est terminé et pour Tadej Poagacr de jurer qu'il y croira jusqu'au bout.
Tout ceci est vrai mais sincèrement, en dehors d'un élément extérieur, non pas à la course, mais au rapport de forces purement sportif entre les deux hommes, j'ai beaucoup de mal à croire à un renversement de situation. Pas avec près de deux minutes d'écart alors qu'ils se tenaient de si près. Alors, quoi ? Une chute ? Un test Covid ? Quelque chose d'autre ? En dehors de ce type d'évènements, à la pédale, je ne vois pas "Pogi" fait sauter la banque et son rival en même temps.
Ce n'est pas tant un acte de défiance envers le Slovène que la sensation que ce Vingegaard-là est trop fort, trop sûr de lui et trop bien entouré pour qu'un cataclysme puisse survenir. Il avait donné de longue date rendez-vous au contre-la-montre de ce 18 juillet et tout le monde a compris pourquoi. Pogacar va tenter, prendre des risques, peut-être même jouer le tout pour le tout très tôt mercredi (voir ci-dessous) mais le problème, ce n'est pas tant lui que le Danois.
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Vingegaard en mode supersonique : revivez son arrivée dans les roues de Pogacar

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Simon Farvacque
Le suspense n'est pas réduit à néant… mais il est réduit en miettes. Comprenez par cette formule que je suis à peu près du même avis que Laurent. Je conserve cependant un peu plus d'espoir, en repensant au soir de la 5e étape, à Laruns. On se demandait si Pogacar était en assez bonne condition pour lutter ou trop handicapé par sa préparation contrariée. S'il allait perdre une minute à chaque étape de montagne avant, d'enfin, peut-être, se retrouver dans une forme lui permettant d'exister. Si… le Tour était fini.
Deux semaines plus tard, ce mardi, à 17h, on trépignait d'impatience à l'idée de voir les deux hommes enfin se départager à distance, sans la moindre notion de stratégie collective. Une heure plus tard, retour à la case départ. C'est dire si les conclusions hâtives peuvent prendre du plomb dans l'aile, surtout quand on parle de champions de l'envergure de Tadej Pogacar et de Jonas Vingegaard.
L'écart qui les sépare au classement (1'48") n'est d'ailleurs pas à ranger dans la catégorie des plus imposants, entre un leader du Tour et son dauphin à cinq jours de l'épilogue. Mais on reste sous le choc de la démonstration de force du Danois et de la façon dont le delta a brutalement pris de l'ampleur. Cela biaise peut-être notre jugement. L'avantage de Vingegaard n'est pas définitif. Il est devenu très net et il fait de lui l'incontestable favori. C'est déjà beaucoup.
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Contador : "Pogacar va courir pour tout gagner ou tout perdre"

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Où Pogacar va-t-il attaquer lors de la 17e étape ?

Julien Chesnais
Tadej Pogacar n'a plus le choix. Pour renverser la table, il sait devoir prendre des risques, y compris de très loin. Et comme il aime ça, je le vois mal résister à la tentation d'attaquer dès le Cormet de Roselend (19,9 km à 6%). Sur le papier, c'est suicidaire. Il restera une centaine de kilomètres, avec deux dernières ascensions, la côte de Longefoy et le col de la Loze, mais aussi deux vallées mortifères pour un homme seul. "Pogi" a beau aimer l'aventure, pour entreprendre celle-ci, il ne pourra pas seulement compter sur sa folie. Il lui faudra impérativement disposer d'équipiers à l'avant, afin de pouvoir souffler un peu et se faire relayer dans la plaine.
Mais j'imagine mal les Jumbo-Visma laisser partir Marc Soler et Rafal Majka dans une échappée de la première heure. Si Pogacar a des pions placés à l'avant, Vingegaard en aura aussi. Mais si les conditions tactiques préalables à une offensive lointaine me paraissent difficilement réalisables, je pense que "Pogi" essaiera quand même dès le Cormet de Roselend. Ce sera plus fort que lui.
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Stage 17 profile and route map: Saint-Gervais Mont-Blanc - Courchevel

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Simon Farvacque
Je pense que Tadej Pogacar va être patient… et qu'il aura bien raison de l'être. Je l'imagine attaquer dans les cinq derniers kilomètres du col de la Loze. Le final terrible qui attend les coureurs à Courchevel, avec une remontée vers l'altiport abrupte après avoir franchi le sommet de ce Tour de France (2 304 mètres), est propice à faire de grandes différences en peu de kilomètres. Qui plus est, la claque qu'il a prise ce mardi lors du chrono ne remet pas en cause son explosivité. C'est sur elle qu'il doit miser, avec cet écart de 1'48" certes imposant mais qui n'appelle pas à des initiatives désespérées.
Pogacar a évoqué l'étape de Marie Blanque, après la course, espérant retrouver de "bonnes jambes" au lendemain d'une déconvenue, comme il l'avait fait en direction de Cauterets. L'analogie tactique ne tient pas, étant donné que lors de cette étape pyrénéenne, Vingegaard avait tenté de tuer le Tour de France, ce qu'il ne cherchera probablement pas à faire mercredi, puisque c'est à "Pogi" de ranimer la Grande Boucle. Mais le réveil du Slovène avait été frappé du sceau d'une attaque brutale, d'un effort court d'une folle intensité. C'est ce que j'attends de lui, plus qu'un acte de bravoure voué à l'échec.
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28 km pour grimper à 2304 m d'altitude : la Loze, un monstre en 3D

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