Tour de France 2023 - 13e étape : Jonas Vingegaard a le maillot jaune, mais Tadej Pogacar mène aux points

Dans le long combat que se livrent Jonas Vingegaard et Tadej Pogacar sur ce Tour de France, le round du Grand Colombier, un peu comme celui du puy de Dôme, n'a pas donné lieu à une explication d'envergure. Un coup pour rien ? Oui et non. Car mine de rien, même en se contentant d'une seule "offensive" sous la forme d'un long sprint final, le Slovène a gratté deux fois quatre secondes, sur la ligne d'arrivée à la pédale et via la bonification destinée au 3e de l'étape. Or, huit secondes, ce n'est peut-être pas grand-chose dans l'absolu, mais "Pogi" a quasiment réduit son retard de moitié dans l'affaire.

Ainsi va la mano a mano entre les deux leaders tellement au-dessus du lot même si, paradoxalement, elle ne se traduit que partiellement au classement général puisque Jai Hindley est encore à moins de 3 minutes et le 8e à 5'35". On a vu des boucheries plus marquées par le passé après 13 étapes. Mais ils sont au-dessus et l'impression de leur supériorité est encore plus importante que ce que nous dit pour l'heure le chronomètre.

L'impression. S'il faut toujours s'en méfier, elle offre souvent une lecture différente. C'est aussi le cas entre Vingegaard et Pogacar. La réalité impose le premier nommé en maillot jaune depuis maintenant plus d'une semaine. Pourtant, il doit son pécule à une seule manœuvre, lors de la première étape des Pyrénées à Laruns, où il avait pris plus d'une minute, bonification comprise, à son adversaire. Depuis, que ce soit à Cauterets, au puy de Dôme ou ce vendredi au sommet du Grand Colombier, il a systématiquement cédé du temps et du terrain. Au point que son maillot ne tient désormais plus qu'à un fil. Comme si Pogacar s'imposait jour après jour comme le maillot jaune... virtuel.

Voilà pourquoi le maillot blanc (en attendant mieux ?) parle après cette 13e étape de "victoire pour le classement général" que constituent selon lui ces huit secondes de bénéfice sur la journée. "Le Tour est encore long et nous sommes dans une bonne position. On y va étape par étape, en cherchant les opportunités de grappiller quelques secondes. C'est un début, une bonne journée pour nous", assène-t-il.

Les deux prétendants sont clairement engagés dans un bras de fer psychologique que le rétrécissement des écarts ne fait que renforcer. Lors de sa conférence de presse vendredi, Vingegaard a balayé un à un tous les doutes susceptibles de le gagner. Si son rival estime avoir remporté une victoire, lui réfute avoir subi une quelconque défaite : "Je suis content avec ce qu'il s'est passé aujourd'hui, je pense que ce n'était pas une étape qui me correspondait donc je suis heureux de ce que j'ai fait. Il y aura des étapes plus favorables pour moi."

Se sent-il sous pression ? Tendu ? A-t-il peur à mesure que la menace se précise ? Nullement. "Non je ne suis pas anxieux, jure le tenant du titre. Je vais faire de mon mieux et on verra. Je crois en moi, je crois toujours en ce que je pense être mes qualités. Ce sera excitant de voir ce qui se passe dans les prochains jours. Je me sens toujours très bien, je sens que je suis en forme et que je m'améliore de jour en jour. Je suis content d'où je suis." Où il est, c'est-à-dire toujours devant, même si sa position est nettement moins confortable qu'il y a dix jours.

De la même manière, Jonas Vingegaard chasse l'argument des bonifications, qui pèsent pourtant de plus en plus lourd à la vitesse à laquelle Tadej Pogacar les accumule. Sans elle, le Danois aurait aujourd'hui 28 secondes d'avance et non 9. Le matelas serait toujours précaire, mais tout de même. Renvoyé à ses déclarations du premier week-end, quand il ironisait presque sur les secondes chapardées par "Pogi" : "Le Tour ne va pas se jouer sur une bonification".

Qu'en pense-t-il, près de deux semaines plus tard ? "Je pense que l'histoire a montré que le Tour ne se jouait pas sur les bonifications, dit-il. Ça s'est peut-être joué une fois à coup de secondes. Il se passe toujours quelque chose sur les étapes longues et très dures. Ça pourrait bien se jouer à coup de secondes cette année mais je ne le crois pas. On verra."

Sans le dire, le leader de la Jumbo Visma donne presque l'impression de vouloir faire "all in" sur l'étape de la Loze, mercredi prochain, peut-être en capitalisant également sur le contre-la-montre de la veille. Depuis le début, Vingegaard s'ancre sur ses convictions. Ses certitudes, presque. Celle-ci, surtout : la troisième semaine est taillée pour lui et il y sera plus fort que Pogacar. D'ici là, le reste n'est qu'agitation.

Nous, tout cela nous convient. Plus l'écart est ténu, plus l'intérêt de ce duel est une promesse. Mais il faudra bien, un moment ou un autre, dans Joux-Plane, au Bettex, sur les pentes infernales de la Loze ou dans l'exercice solitaire entre Passy et Combloux, et pourquoi pas ailleurs, que la vraie, grande explication prenne toute sa place. En attendant, tenons-nous à la conclusion du maillot jaune, susceptible de réunir tout le monde : "On a une belle rivalité. On a une super bataille sur ce Tour de France."