Vincenzo Nibali a pris sa retraite au Tour de Lombardie : Au revoir, "Requin de Messine"

Voilà, c'est fini. Depuis samedi, dans la magnifique Côme et au bord du non moins sublime Lac du même nom, Vincenzo Nibali a mis derrière lui sa carrière de cycliste professionnel. Une aventure extraordinaire par ses accomplissements et son panache, d'où il a tiré ce surnom : le Requin de Messine. Nous étions à l'arrivée du Tour de Lombardie pour les adieux de la légende.

Vincenzo Nibali a dit adieu au cyclisme

Crédit: Getty Images

Assis sur la volée de marches qui mène au podium de présentation des équipes, sous le soleil matinal de Bergame, Alejandro Valverde attend tranquillement. Il Lombardia va s’élancer dans quelques instants et le vétéran de la Movistar s’apprête à donner ses derniers coups de pédale en tant que coureur professionnel. Il tripote tranquillement ses chaussettes. Le speaker de l’épreuve l'a déjà salué, son immense palmarès et son départ à la retraite dans quelques heures.
L’Espagnol pourrait filer vers la ligne de départ, où le reste du peloton se presse. Mais l’organisation du Tour de Lombardie lui a demandé d’attendre et il se prête naturellement au jeu. Sur le podium, on salue "le dossard numéro 31, vainqueur des trois Grands Tours, de Milan-Sanremo, Tirreno-Adriatico et bien sûr deux Lombardia, Vincenzo Nibali" Les applaudissements de Valverde se mêlent à ceux des tifosi massés devant l’église des Saints Bartolomeo et Stefano. "Grazie Vincenzo !", hurle-t-on. "Grande !" Valverde le rejoint sur l’estrade pour une dernière photo commune dans leurs plus beaux atours de champions.
Les deux stars, dont les tournées d’adieux ont été des fils conducteurs majeurs de la saison 2022, s’avancent ensemble vers le départ. Ils fendent la foule, d’abord les supporters, puis leurs compagnons de route, qui leur ont réservé une haie d’honneur. Valverde et Nibali avaient déjà eu droit à cet honneur à l’arrivée de la dernière Vuelta. L’Espagnol avait ensuite été célébré à Madrid. Samedi, dans le Nord de l’Italie, il était l’heure de saluer le Requin de Messine, visiblement ému.
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Un tour d'honneur pour une immense carrière : Valverde s'est fait plaisir à Madrid

Video credit: Eurosport

La dernière communion

"Ça a été une journée vraiment spéciale, très émouvante", confiait Nibali après avoir rallié Côme et son lac, au bord duquel il a levé les bras en 2015 et 2017. "Depuis le départ jusqu’à l’arrivée, c’était un défilé spectaculaire avec un grand public qui m’a montré son affection. Il y avait beaucoup de petits garçons, de filles. Quand on court en Italie et qu’on rencontre un tel public, on ne peut qu’être heureux."
Toute la journée, le Requin de Messine en a pris plein les yeux et les oreilles. Les jambes ont bien tourné également, avant de céder sur les pentes du Civiglio, à une vingtaine de kilomètres de l’arrivée (il a fini 24e). "Il n’a pas manqué grand-chose pour être vraiment à 100% et faire un peu plus, concédait-il. Mais je suis très content."
Comme Valverde (6e), Nibali s’est offert une sortie par l’avant. Désormais lui aussi double vainqueur en Lombardie, Tadej Pogacar (UAE Team Emirates) n’a d’ailleurs pas manqué de saluer ses glorieux aînés : "Ça allait vite, on n’avait pas le temps de parler ! Mais je l’ai vu à l’approche du final, il avait l’air bien, pareil pour Valverde. Je me sens chanceux d’avoir partagé la route avec eux. Ce sont deux grands champions qui vont évidemment manquer au cyclisme."
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Vingegaard et Alaphilippe hors du coup, Pogacar encore roi : le résumé du Tour de Lombardie

Video credit: Eurosport

Les Grands Tours et les classiques : "légendaire"

Devenu cycliste sur le tard, David de la Cruz n’a pas connu la trajectoire d’un "fuoriclasse" (un talent "hors classe" qui éclabousse) mais il en connaît un rayon. "J’ai eu la chance d’accompagner de grands champions comme Pogacar, Chris Froome, Egan Bernal…", se réjouit le Catalan double vainqueur d’étape sur Paris-Nice.
"Parmi tous ces champions, Vincenzo est le coureur le plus complet de par son palmarès. Il a remporté les Grands Tours mais aussi des Monuments comme la Lombardie et surtout Sanremo, ce qui est à la portée de très peu de coureurs. Et il est passé tout près de gagner les Jeux Olympiques avant sa chute à Rio."
"Beaucoup de monde est venu pour lui aujourd’hui, il suffit de regarder là, autour du bus", observe De la Cruz, entouré par des dizaines de tifosi. Parmi eux, Carlo avait tout juste 6 ans quand Nibali est passé professionnel avec la Fassa Bortolo, en 2005. L’équipe disparaît en fin d’année, le jeune Italien file vers Liquigas, où il signe rapidement un premier exploit sur le Grand Prix de Plouay, remporté à 21 ans devant Juan Antonio Flecha. Son premier Grand Tour, la Vuelta, suivra en 2010.
Carlo, Milanais venu à Côme avec un maillot Astana barré de la tricolore vert-blanc-rouge, en garde de lointains souvenirs. Il a surtout été marqué par les conquêtes de Nibali sous les couleurs kazakhstanaises, qu’il a portées pour la première fois entre 2013 et 2016, avant de revenir cette année, après être passé par Bahrain et Trek-Segafredo. "La plus belle, c’est la victoire aux Tre Cime de Lavaredo avec la Maglia Rosa (20e étape du Giro 2013)”, assure-t-il. "Et le Tour 2014, sur les pavés, en montagne… Et Sanremo… Légendaire."
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Quand Nibali libérait l'Italie à San Remo

Video credit: Eurosport

Rejoindre Astana cette saison a permis à De la Cruz de "comprendre pourquoi on l’appelle 'lo Squalo'. Même quand il n’est pas bien, si Vincenzo sent l’odeur du sang, comme un requin, il s’anime. Même s’il n’est pas dans les meilleures conditions, s’il voit la moindre opportunité de faire un résultat, il y va. C’est un grand champion et c’est une grande fierté pour moi de partager sa dernière saison."
Pour le directeur sportif Giuseppe Martinelli, la symbolique est encore plus forte. "C’est la première fois que je vais vraiment au bout de l’histoire avec un champion", explique à 67 ans cet acteur emblématique du cyclisme transalpin. "Les autres (Chiappucci, Bontempi, Pantani, Cunego, Aru…), souvent, ils sont nés avec moi, ils ont gagné avec moi, mais ils sont partis dans d’autres équipes. Vincenzo a voulu finir avec Astana et ça me rend heureux mais aussi très fier."
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Alejandro Valverde et Vincenzo Nibali

Crédit: AFP

La course s’est achevée depuis une demi-heure et Martinelli attend patiemment son disciple, honoré sur le podium d’Il Lombardia avant de se retirer discrètement. "On savait depuis six mois que ce jour allait arriver", rappelle le directeur sportif. "Mais on se dit toujours que c’est encore loin… Et en fait ça vient très vite. Pour moi, il s’est véritablement rendu compte aujourd’hui qu’il mettait un terme à un chapitre très important, même un livre. Il ne s’attendait pas à quelque chose d’aussi grand au départ."
Après les hommages publics, les deux hommes avaient prévu de partager un verre de vin dans la soirée avant de rentrer chacun à la maison. Lequel a dit "grazie" à l’autre ?
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