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Tour de Lombardie | Il était une dernière fois Thibaut Pinot

Christophe Gaudot

Mis à jour 07/10/2023 à 08:56 GMT+2

De Côme à Bergame, Thibaut Pinot va vivre les derniers frissons de sa carrière. C'est là, au Tour de Lombardie, sur un Monument qu'il a remporté voilà cinq ans qu'il a décidé que tout s'arrêterait. Parce que l'homme de Mélisey a envie de retrouver sa ferme et ses bêtes et parce que le cyclisme tel qu'il est ne convient plus tout à fait à ce qu'il aime.

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Samedi soir, dimanche et quand le tourbillon d'émotions aura fini sa course folle dans les têtes et les coeurs des supporteurs de Thibaut Pinot, qui ont fait le déplacement jusque la magnifique Lombardie bordée par ses lacs millénaires et l'enflammeront comme ils l'ont fait dans les Vosges en juillet, c'est au passé qu'il faudra évoquer le coureur. L'homme se retirera à Mélisey, d'où il ne devrait sortir que par absolue nécessité ou pour aller se mélanger aux doux dingues du Parc des Princes. Pinot va disparaître un temps et seuls resteront les souvenirs d'une carrière pas comme les autres.
C'est en Italie donc que va s'achever son histoire, par-delà ces Alpes maudites sur le Tour de France 2019 mais qui l'ont aussi vu triompher de l'Alpe d'Huez quatre ans plus tôt. La botte a toujours attiré Pinot parce qu'elle lui offrait un condensé de ce qu'il aimait. Les cimes, la passion, la nature et l'aventure avec cette bande de potes qu'il s'est construite au fil des ans et dont il a fini par devoir se séparer, contraint par les retraites des uns et des autres. Fidèle parmi les fidèles, Matthieu Ladagnous l'a accompagné quasiment jusqu'au bout. Lui, Antoine Duchesne, Arthur Vichot et d'autres lui ont fait vivre des moments qu'il n'aurait échangés pour rien au monde.
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Soirées chocolats et bouteille de vin

"Thibaut a besoin d'une famille. Il préfère avoir des mecs un peu moins bons avec qui il s'entend bien plutôt que des mecs meilleurs mais avec qui il ne s'entend pas du tout", nous explique "Lada" à la retraite depuis la Coppa Bernocchi lundi dernier. L'un et l'autre ont partagé un ultime entraînement italien pour se remémorer le bon vieux temps, celui des "soirées chocolat" sur les grands tours, moment de partage privilégié entre coureurs exclusivement. Tout dans ce que racontent ses amis et équipiers renvoient à l'amour que Thibaut leur portait, et réciproquement.
Compagnon sur la Vuelta 2018, Mickaël Delage décrit le "meilleur grand tour de sa carrière" et cette bouteille de vin partagée à neuf après chaque étape si l'un des FDJ s'était montré à son avantage, par un Top 10, une échappée ou une récompense, idée de Thibaut Pinot, évidemment.
Il était loin le gamin qui avait débarqué huit ans plus tôt à La Française des Jeux, nanti d'un talent qui l'aurait placé parmi les pépites du peloton dans une ère, la nôtre, ou les jeunes n'ont plus le temps d'attendre. Loin celui qui, dans un Château de Moussy-le-Vieux, au fin fond de la Seine-et-Marne, avait découvert sa nouvelle équipe et l'alcool un soir de décembre 2009 avec les anciens de l'époque, les Sandy Casar, Benoît Vaugrenard, Anthony Geslin ou Pierrick Fédrigo.

Vichot, Duchesne et les autres…

Peut-être Thibaut Pinot avait-il compris ce jour-là, que la route, les résultats et les performances ne faisaient pas tout, que la vie de coureur ne valait la peine d'être vécue qu'avec les autres. Avec Arthur Vichot, l'ami de toujours, il partageait tout. Un jour, il a découvert Antoine Duchesne, ce grand gaillard venu du Canada, qui deviendrait son compagnon de chambre et un pote pour la vie.
Amoureux de la nature, Pinot parle de tout sauf de vélo. Avec Duchesne, il sillonne les vergers d'Autriche, les pâturages, les bords de mer pour s'échapper d'une pression parfois, souvent, trop lourde. Avec le retraité Delage, il s'enflamme encore pour une récolte de miel ou de champignons.
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Il y eut aussi évidemment Jérémy Roy, Anthony Roux ou William Bonnet. Quand ce dernier a connu son horrible chute sur le Tour de France 2015, Pinot s'en était voulu, pensant, au fond, que son coéquipier avait pris des risques pour lui, son leader. Difficile de ne pas trouver une partie des raisons de ce Tour compliqué, puis magnifié par l'Alpe d'Huez, dans la douleur partagée avec son équipier.

Pinot faisait du vélo pour lui et pour être avec les autres

Pinot faisait du vélo pour lui et pour être avec les autres. Alors quand Georg Preidler, coéquipier autrichien lui aussi devenu ami, fut pris par la patrouille de l'antidopage, il s'était senti sali, trahi. "Thibaut, quand il aime bien quelqu'un, il s'attache vraiment. Il a pris un gros coup de massue", rappelle Mickaël Delage.
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Samedi, ses plus fidèles supporteurs seront là et si les jambes, elles, devraient manquer, le cœur répondra à l'appel comme il l'a fait tout au long d'une saison 2023 où il fut délesté d'un poids et donc libéré mais professionnel et déterminé jusqu'au bout. Il a manqué la grande victoire, celle qui aurait mis un point final à son histoire sur le Giro, ou mieux, sur le Tour. Son palmarès rappellera pour toujours les immenses sommets qu'il a connus, du podium du Tour de France à la Lombardie en passant par l'Alpe d'Huez ou le Tourmalet. Il ne dira au fond pas tout d'une carrière cabossée et d'un coureur humain comme peu d'autres, et c'est mieux comme ça.
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