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Disparition de Bjorg Lambrecht : Maudit soit le sort

Loris Belin

Mis à jour 06/08/2019 à 10:51 GMT+2

Lundi, Bjorg Lambrecht, coureur de la Lotto-Soudal, est mort des conséquences d'une lourde chute lors de la 3e étape du Tour de Pologne. Cette tragédie emporte avec elle un des meilleurs jeunes coureurs du peloton, promis à un avenir brillant. Et laisse derrière elle un vide plus grand encore au cyclisme belge, marqué par les drames ces dernières années.

Bjorg Lambrecht (Lotto-Soudal) avant le départ du Tour de Pologne 2019

Crédit: Getty Images

Ça ne devait être qu'une simple étape pour sprinteurs. Bjorg Lambrecht était censé passer une journée tranquille entre Chorzow et Zabrze. Le coureur de 22 ans attendait sûrement la suite, et les quatre prochaines étapes plus pentues. Il n'y avait pour ainsi dire aucun danger sur ce 48e kilomètre du jour. La route était détrempée, certes, mais comme lors de bien d'autres épreuves aux parcours plus sélectifs encore. La descente, de l'aveu même de l'organisation n'était pas technique, sur une route large et à une vitesse modérée. Seulement, le vélo a rappelé toute la cruelle beauté qui fait habituellement de ses pratiquants des modèles de résistance à la douleur doublés de sacrés casse-cous. Bjorg Lambrecht est tombé, "il a eu un instant d'hésitation et il a quitté l'asphalte" a expliqué Czeslaw Lang, le directeur du Tour de Pologne. Il ne s'est jamais relevé.
Quelles étaient les probabilités que sur les quelques 150 kilomètres à parcourir lundi, le coureur de la Lotto-Soudal ne chute dans un fossé où se trouvait une structure en béton, ces trachées qui permettent à l'eau de passer sous une route ? Dans son funeste office, la grande faucheuse frappe sans crier gare et sans logique. Lundi, la Belgique a perdu un homme sur le bord d'une route polonaise. Le cyclisme, lui, a vu s'éteindre une de ses plus belles jeunes pousses.

2019 était jusqu'alors l'année de la confirmation

A 22 ans, Bjorg Lambrecht faisait partie de cette nouvelle génération qui débarque ces derniers mois dans le peloton et offre un bol d'air frais si enthousiasmant au cyclisme. Après des années espoirs chargées de places d'honneur (vice-champion du monde 2018, vainqueur de Liège-Bastogne-Liège 2017), Il ne vivait que sa deuxième saison chez les professionnels. Celle de la révélation pour l'homme de Gand.
Il avait preuve d'une constance remarquable - et rare pour un coureur aussi jeune - sur les Ardennaises d'avril, signant trois performances de choix en une semaine sur la Flèche Brabançonne (5e), l’Amstel Gold Race (6e), et la Flèche Wallonne (4e). Fort, très fort même alors qu'il n'était engagé sur ces classiques que comme lieutenant pour son leader Tim Wellens. Son attaque dans le deuxième passage sur le Mur de Huy lors de la dernière Flèche avait confirmé à tous les observateurs que le gamin - qui dormait avec le maillot Quick-Step de son idole Tom Boonen comme pyjama - n'avait pas froid aux yeux. Et qu'il avait le talent à la hauteur de ses ambitions. Accélération, résistance, audace, Lambrecht avait dans son ADN tout pour être l’un des futurs grands puncheurs.
Lambrecht semblait même capable de transcender la plus pure tradition des coureurs belges chasseurs de courses d'un jour. Son explosivité et son poids plume en faisaient un profil polyvalent à suivre ces prochaines années pour les Grands Tours, dans le moule d'un Joaquim Rodriguez à qui il a été comparé. Deuxième du Tour de l'Avenir 2017 derrière Egan Bernal, il s'était emparé du maillot blanc sur le dernier Dauphiné, terminant 12e du général. Une tunique qui annonçait alors un futur radieux. Il était même passé tout proche de décrocher son premier bouquet World Tour début avril sur le Tour du Pays Basque, battu seulement dans le final de la deuxième étape par un Julian Alaphilippe en feu.
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Alaphilippe a fini par mater l'impétueux Lambrecht

Série noire pour génération dorée

Si l'émotion ne peut être quantifiée, mesurée ou échelonnée, son poids est encore plus pesant pour le cyclisme belge. En quelques jours, il est passé du sourire éclatant de son jeune premier Remco Evenpoel, vainqueur à seulement 19 ans de sa première grande course sur la Clasica San Sebastian, au deuil le plus profond du décès de Bjorg Lambrecht. Ce dernier devait en être un de ses futurs cadors pour de nombreuses années. Ce scénario a hélas comme des airs de déjà-vu.
Le sort s'acharne malheureusement sur toute une génération de la petite reine d'outre-Quiévrain. Comme lui, plusieurs grands espoirs sont décédés pour leur passion durant les années 2010 sur des accidents, des faits de course. Comme Wouter Weylandt tombé dans une descente sur le Tour d'Italie 2011, Antoine Demoitié, percuté en 2016 par une moto sur Gand-Wevelgem, non loin des racines de Lambrecht. D'autres ont frappés de plein fouet, leurs organismes terrassés sur leur bicyclette, comme Daan Myngheer en 2016 sur le Critérium international, ou Michael Goolaerts en avril 2018, lui aussi à la suite d'une crise cardiaque survenue après une chute lors de Paris-Roubaix.
Ils avaient tous pour point commun d'appartenir à de solides équipes, et d'avoir un potentiel certain. Ils avaient surtout tous moins de 26 ans quand la mort les attendait au tournant.
Dans quelques semaines, Lambrecht devait prendre part à son deuxième Tour d'Espagne et espérer faire mieux que l'an passé, où il avait dû abandonner lors de la 15e étape, après avoir signé deux Tops 10 d'étape. C'est dans cette optique qu'il s'était présenté sur les routes de Pologne, pour viser une bonne place au classement général et si possible une victoire d'étape. "Les trois premières étapes seront pour des sprints, j'espère juste que je ne perdrai pas de temps" expliquait-il au micro de son équipe avant le début de l'épreuve. Macabre est l'ironie. Maudit soit le sort.
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