Boonen dans la légende

Une journée de rêve. Un début de saison d'anthologie. Une carrière légendaire. Tom Boonen a accompli un pas de plus dans l'histoire du cyclisme en remportant le Tour des Flandres dimanche pour la troisième fois de sa carrière. Il rejoint Buysse, Magni, Leman et Museeuw, les seuls jusqu'ici à avoir remporté trois fois le Ronde. A la fois grandiose et cruel, comme toutes les grandes courses cyclistes, le Tour des Flandres a donc offert deux destins radicalement opposés aux deux grandissimes favoris. La gloire, donc, pour Boonen, et la souffrance pour Fabian Cancellara, éliminé sur chute à une soixantaine de kilomètres de l'arrivée. En l'absence de son principal adversaire, personne, dans le final, n'a pu priver l'Anversois de cette troisième couronne.

Longtemps, ce Ronde 2012 s'est apparenté à une course par élimination. Sans doute craintifs devant le nouveau parcours, annoncé plus sélectif, les ténors ont refusé de se lancer dans une bagarre précoce. La principale victime de cet écrémage fut donc Fabian Cancellara. Une chute un peu bête, lors du ravitaillement, et une clavicule en vrac pour le Suisse, hors jeu sans avoir pu démontrer ce qu'il avait dans le ventre. Finalement, c'est lors du dernier des 16 monts, lors de l'ultime ascension du Paterberg, à moins de 15 kilomètres de l'arrivée, que tout s'est joué. Alessandro Ballan (BMC) a lancé l'attaque décisive, bientôt rejoint par Tom Boonen et Filippo Pozzato (Farnse Vini). Les autres, tous les autres, ont raté le bon wagon. Même ceux qui semblaient très costauds, à l'image de Peter Sagan. Mais le jeune Slovaque s'est un peu trop dispersé et il l'a payé. Sa cinquième place finale augure toutefois d'un avenir plus radieux encore.

A la sortie du Paterberg, nous tenions donc le podium. Il ne restait plus qu'à en déterminer l'ordre. Moins rapide au sprint que ses deux rivaux, Ballan a tenté de placer quelques démarrages dans le final. En vain. Dès lors, la victoire ne pouvait plus échapper à Boonen ou Pozzato. Les deux hommes se sont expliqués au sprint. Au cours de celui-ci, Boonen n'a jamais laissé l'Italien revenir à sa hauteur. Un sprint à l'énergie, au forceps. Boonen n'a d'ailleurs même pas levé le bras en passant la ligne. La menace Pozzato était trop présente. La fatigue, aussi, sans doute. D'ailleurs, dans le Paterberg, Boonen était apparu à la limite. Il était temps que le sommet arrive pour lui, alors qu'il peinait à garder la roue de Ballan et Pozzato.

Mais Boonen l'avait dit. Pour gagner, il n'avait besoin de lâcher personne. Juste de suivre les meilleurs. C'est ce qu'il a fait. Sa victoire doit aussi beaucoup à la force collective de l'équipe Omega Pharma Quick Step, qui décroche là la 25e victoire de sa saison. Grâce, notamment, au boulot de Sylvain Chavanel et Niki Terpstra, Boonen n'a pas donné un coup de pédale superflu. Le champion de France n'a pas eu l'opportunité de jouer sa carte. Mais il termine tout de même dans le Top 10 (10e), deux crans derrière l'autre gros calibre du cyclisme tricolore, Thomas Voeckler (8e). On aurait aimé voir ce Chavanel rouler pour lui, mais avec un tel client comme leader...

La gloire est donc pour Tom Boonen et elle vient consacrer un champion qui revient de loin. Six ans après sa dernière victoire dans le Ronde, trois ans après son dernier succès majeur (sur Paris-Roubaix), le natif de Mol a su se remettre dans le bon sens après deux saisons difficiles, au cours desquelles il s'est parfois perdu. Son premier trimestre 2012 avait annoncé son grand retour. En ce 1er avril, le deuxième ne pouvait pas mieux commencer...