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Comment Jumbo-Visma est devenue l'ogre des pavés : "Tout le monde veut connaître notre secret"

Christophe Gaudot

Mis à jour 31/03/2023 à 17:05 GMT+2

TOUR DES FLANDRES - Du jaune et du noir partout. Regarder une course pavée depuis le début de saison est une sacrée expérience. Comme Quick-Step en son temps, la Jumbo-Visma domine les classiques belges et emporte tout sur son passage. Seule Bruges-La Panne lui a échappé mais les Néerlandais n'y avaient pas envoyé leurs meilleurs éléments. Pour le reste, c'est un carton plein.

Wout van Aert, Christophe Laporte et les autres : l'armada Jumbo-Visma sur les pavés

Crédit: Quentin Guichard

Dylan Van Baarle, Tiesj Benoot, Wout van Aert et Christophe Laporte. Ces quatre coureurs pourraient être leaders dans 90% des équipes du peloton sur des classiques pavées. Dire ça n'a rien de révolutionnaire, les quatre en ayant remporté une cette saison, et même deux pour le Français. Ils sont les fers de lance d'une équipe Jumbo-Visma qui domine ces courses depuis le début de l'année. Ils sont aussi la consécration d'un plan concocté depuis 2019 quand l'équipe néerlandaise a décidé qu'elle deviendrait un jour la meilleure du monde sur les classiques.
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Tour des Flandres, Gand-Wevelgem, Het Nieuwsblad, E3… Autant de courses que la Jumbo-Visma avait remportées… dans une autre vie. Quand l'équipe s'appelait Rabobank (1996-2012) avant que les affres du dopage ne fassent se retirer le sponsor. Il a fallu tout reconstruire, la structure n'est pas morte mais elle a connu des jours difficiles, de Blanco à Belkin avant que la loterie néerlandaise et Jumbo ne relancent un projet ambitieux en 2017.

D'abord les classements, puis les sprints et ensuite les classiques

Il a fallu pourtant attendre 2019 pour la voir renaître sur les classiques. Pourquoi ? "Quand nous avons vraiment commencé à construire la nouvelle équipe, nous avions deux objectifs : un train de sprint autour de Dylan Groenewegen et une meilleure équipe de classement général autour de Primoz Roglic et Steven Kruijswijk", répond Merijn Zeeman, directeur sportif depuis 2013, à Eurosport.
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Quand Van Aert offre la victoire à Laporte : l'arrivée triomphale des deux Jumbo-Visma

Et surtout ni la volonté, ni le budget pour s'éparpiller. "Soit vous faîtes une chose très bien, soit plein mais moins bien", précise celui-ci. Après Sep Vanmarcke, parti fin 2016 (il était 3e du Tour des Flandres cette année-là), l'équipe a fait un choix clair et les classiques passaient, au mieux, au second plan.
Pourquoi 2019 alors ? Cet hiver-là, les jaunes et noirs mettent la main sur un talent brut qui a déjà beaucoup fait parler : Wout van Aert. "Il a été la base du projet. Lui et moi avons énormément travaillé sur les classiques. Nous avons discuté des coureurs, de la stratégie… Pas à pas, nous avons progressé dans ce domaine." Van Aert d'accord mais aussi talentueux soit-il, le Belge n'a pu faire toute la différence. L'augmentation du budget, qui passe de 9 à 18 millions d'euros environ en 2020 et à 35 millions en 2023 permet surtout à l'équipe de se diversifier.

Un budget qui permet beaucoup de choses

D'abord concentrée sur les grands tours (Vingegaard, Dumoulin, Foss…), elle évolue et ajoute des Flandriens (Laporte et Benoot en 2022, Van Baarle ou Tratnik en 2023) à sa dream team. Forcé au début par une volonté de briller sur le Tour de France, le recrutement devient plus global. Jumbo-Visma possède l'un des plus gros budgets du peloton et s'en sert pour arracher le vainqueur de Paris-Roubaix 2022 (Van Baarle) à INEOS, par exemple.
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"La qualité des coureurs est à la base de tout", pointe Zeeman. Des huit qui participeront au Tour des Flandres ce dimanche, aucun n'a rejoint l'équipe avant 2019. Mais attirer de tels coureurs nécessite une réputation, pas seulement de l'argent. Pour ceci, il faut que votre équipe fasse ses preuves, pas à pas, année après année. Or Jumbo-Visma partait de très loin.
"Cela veut dire beaucoup d'investissement sur l'équipement, les pneus, les roues, le vélo qui font d'énormes différences sur ces courses. Sur l'entraînement propre aux classiques qui n'est ni de la montagne, ni des grands tours, ni des sprints mais un peu de tout ça. La nutrition spécifique…", énumère Zeeman.

De la jalousie, et même une forme de suspicion

Ces dernières années, les Jumbo-Visma ont répété à l'envi combien le travail avait été long, minutieux. A l'image de ce qu'ils ont fait pour trouver la faille dans la carapace Tadej Pogacar (avec l'étape du Granon sur le Tour 2023 comme mise en application), les Néerlandais ont étudié, vidéos à l'appui, ce que faisaient les adversaires, les Quick-Step notamment évidemment.
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Cette domination Jumbo-Visma fait naître de la jalousie, pour ne pas dire une forme de suspicion. "Tout le monde veut savoir quel est notre secret mais je ne pense pas que nous en ayons un, rétorque Zeeman à Eurosport. C'était INSCYD (un outil d'analyse des performances) pendant un temps, puis les cétones, maintenant le bicarbonate de soude…"
Ce dernier, ingurgité pendant les courses aurait le double avantage de retarder l'apparition de l'acide lactique, et donc des douleurs, dans les muscles tout en améliorant l'efficacité des cétones, ce produit sulfureux que n'utilisent pas les équipes membres du Mouvement pour un cyclisme crédible (MPCC) mais qui n'est pas interdit par l'Agence mondiale antidopage (AMA). "Tout le monde pense aux petits détails qui seraient notre secret mais c'est un tout", conclut Merijn Zeeman.

Le Tour des Flandres et Paris-Roubaix : "Le rêve absolu"

Enfin, la Jumbo-Visma a réussi ce que la Quick-Step avait fait au temps de sa splendeur. L'équipe est au-dessus des individus mais les ambitions personnelles y sont respectées. "Chacun doit penser à ce qui est meilleur pour l'équipe, résume ce dernier. C'est très agréable pour nous d'avoir gagné quatre classiques avec quatre coureurs différents parce que ça montre que nous n'avons pas un seul leader, chacun a sa chance mais à la fin vous devez vous sacrifier pour l'équipe. Cette philosophie est ultra-importante pour nous, c'est non-négociable."
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Un sprint impérial et Van Aert reste le boss de l'E3

Jumbo n'a d'ailleurs pas eu à gérer de brebis galeuse, y compris sur les plus grandes courses du monde. Le Tour de France 2023, véritable démonstration de force, en fut une sacrée preuve quand Van Aert a pu jouer sa carte quand il le voulait ou quand Laporte a gagné son étape… tout en travaillant pour les leaders quand la course le réclamait.
Reste un bémol à tout ça. Dans la litanie d'étapes franchies, de courses remportées, voire écrasées, persiste un manque : celui de ne pas avoir remporté le Tour des Flandres depuis 1997 (Rolf Sorensen), dans une autre vie donc, et jamais Paris-Roubaix. "Nous voulons les gagner dans les années à venir, cette année peut-être ou alors nous tenterons notre chance à nouveau, imagine Zeeman. Nous voulons gagner un Monument, c'est le rêve absolu." Et la conclusion d'un plan minutieux lancé il y a quatre ans.
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