Tadej Pogacar, un pas de plus dans l'histoire : Comme Merckx, l'édition la plus rapide et glouton des Monuments

Six heures douze minutes et sept secondes. Voilà le temps qu'il a fallu à Tadej Pogacar pour boucler les 273,4 km de ce Tour des Flandres, soit 44,083 km/h de moyenne. C'est tout simplement le nouveau record de l'épreuve. Non seulement le Slovène a décroché son premier "Ronde" dimanche, mais, en prime, personne n'avait jamais roulé aussi vite pour s'imposer dans la légendaire classique belge.

Le précédent record tenait bon depuis 2001 et la victoire de Gianluca Bortolami. L'Italien, qui avait devancé le Néerlandais Erick Dekker et son compatriote, le regretté Denis Zanette, avait bouclé cette édition à 43,5 km/h de moyenne. Pogacar l'a donc effacé des tablettes. Pourtant, les conditions annoncées pour ce dimanche ne semblaient pas particulièrement propices à une telle performance, notamment en raison du fort vent de face dans la partie finale du parcours.

Qui aurait envisagé Tadej Pogacar en vainqueur du Tour des Flandres il y a encore seulement deux ans ? Lorsqu'il a déboulé telle une tornade dans les pelotons, le Slovène était considéré comme un coureur par étapes, avant de très vite se distinguer sur les grandes courses d'un jour, en tout cas celles qui correspondaient à ses qualités naturelles. Mais de le voir se muer en "Flandrien", voilà qui n'était pas gagné.

Le voilà donc désormais double vainqueur du Tour de France et du Tour des Flandres. Une performance d'exception, même à l'échelle de l'histoire du cyclisme, tant la performance est rarissime. Avant ce dimanche, ils n'étaient que deux à avoir signé pareil doublé : Louison Bobet et Eddy Merckx. Le Breton a ramené le maillot jaune à Paris à trois reprises (1953, 1954, 1955). Le Cannibale, lui, a triomphé deux fois sur le "Ronde", en 1969 et 1975, à côté de ses cinq succès sur la Grande Boucle. C'était un duo royal depuis plus d'un demi-siècle. C'est désormais un trio.

Tadej Pogacar a encore une sacré dose de travail pour approcher les 19 Monuments cannibalisés par Eddy Merckx mais dans son monde à lui, c'est-à-dire le peloton actuel, il est déjà tout seul. Le succès de Mathieu Van der Poel sur Milan-Sanremo, il y a quinze jours, faisait du Néerlandais l'égal du Slovène avec trois Monuments remportés. Personne dans le peloton actuel ne pouvait se targuer d'un tel total puisque Jakob Fuglsang, John Degenkolb ou Alexander Kristoff pointent à deux.

Ce dimanche, Pogacar a donc repris une longueur d'avance sur Van der Poel avec son quatrième succès sur les cinq plus grandes classiques de la saison, le tout en même pas deux ans. Mieux, il compte désormais trois des cinq Monuments à son palmarès (Tour de Lombardie, Liège-Bastogne-Liège et Tour des Flandres). Il est le seul, à 24 ans, dans le peloton actuel, à posséder une telle collection. Ils ne sont d'ailleurs que 26 dans l'histoire et s'il venait à décrocher Milan-Sanremo ou Paris-Roubaix, il rejoindrait un groupe limité à neuf légendes.

Si Tadej Pogacar apparaît aujourd’hui aussi unique dans le peloton, c’est parce que ce qu’il réalise l’est, tout simplement. Pendant longtemps les vainqueurs de Grand Tour ne se mélangeaient pas avec les coureurs de Monuments. Encore plus ceux qui briguaient des victoires en juillet sur le Tour de France. D’ailleurs, avant même ce dimanche, absolument personne au XXIe siècle n’avait réussi à remporter deux Tours de France et deux Monuments.

Le Slovène compte désormais quatre Monuments et deux Grande Boucle, un palmarès assez dingue, évidemment rare dans l’histoire du cyclisme puisqu’il n’est que le sixième coureur à réussir pareille performance. Il rejoint dans ce cercle très fermé Eddy Merckx, Fausto Coppi, Gino Bartali, Bernard Hinault et Louison Bobet. Un casting cinq étoiles.

Elle n'existait pas dans le peloton mondial il y a encore quelques années, c'est peu dire que la Slovénie y a fait une entrée fracassante derrière les Primoz Roglic, Tadej Pogacar et consorts. Si le pays a mis la main sur les grands tours (cinq succès depuis 2019), elle brille aussi sur les courses d'un jour. Ce dimanche, "Pogi" a fait résonner l'hymne slovène pour la première fois de l'histoire sur le Tour des Flandres. Le petit état d'Europe centrale rejoint les onze autres nations à avoir remporté au moins un "Ronde".

Et si vous doutiez encore de la polyvalence des Slovènes, jugez plutôt : alors qu'elle n'avait aucun Monument à son palmarès avant le succès de Primoz Roglic sur Liège-Bastogne-Liège en 2020, elle a depuis accroché le Tour de Lombardie et celui des Flandres grâce à Pogacar ainsi que Milan-Sanremo avec Matej Mohoric. Seul Paris-Roubaix s'est donc encore refusé à elle. Jusqu'au jour où Pogacar en fera un objectif ?