Tour des Flandres | Mythe en décrépitude, Soudal - Quick Step doit se réinventer pour exister sur les pavés

La petite musique du déclassement de la Quick Step sur les flandriennes ne date pas d'hier. Mais cette fois, les basses saturent dans les oreilles du peloton et des suiveurs : l'équipe de Patrick Lefevere n'est plus la référence en matière de pavés. Jumbo-Visma a endossé ce rôle. La question est même de savoir si l'ex-ogre est relégué au second… ou au troisième plan.

La sonnette d'alarme avait déjà été tirée par le truculent boss de la formation belge, il y a une semaine. "Je ne suis pas revenu du Rwanda pour assister à cela", avait-il notamment grincé dans la presse locale, concernant le début de campagne décevant de ses coureurs. Depuis, c'est allé de mal en pis, à l'exception de Brugge-De Panne, dont le prestige est modeste.

Mercredi, en l'absence du trio infernal constitué de Mathieu van der Poel, Wout van Aert et Tadej Pogacar, la Soudal - Quick Step (SOQ) avait l'opportunité de redorer son blason. Une victoire ou, a minima, une prestation d'ensemble encourageante lors d'A Travers la Flandre aurait été un motif d'espoir, à défaut d'un message retentissant, avant les deux Monuments qui graveront dans le marbre la hiérarchie 2023. Encore raté.

Julian Alaphilippe a eu beau se démener, son équipe a encore subi les événements. Tim Merlier au sol, Davide Ballerini s'est chargé de sauver les meubles avec un Top 10. La Jumbo-Visma de Christophe Laporte et Tiesj Benoot a fait ce qu'elle a voulu et Groupama-FDJ (Madouas-Küng) ou autre EF Education-EasyPost (Powless-Honoré) ont été bien plus à même de lui opposer une certaine résistance.

La Jumbo d'aujourd'hui est la Quick Step d'hier. La Quick Step d'aujourd'hui ne sait pas qui elle est. L'époque où Philippe Gilbert gagnait le Ronde en 2017, en décantant la course à près de 100 bornes de l'arrivée, est révolue. Niki Terpstra l'avait alors accompagné sur le podium (3e), inversant les positions l'année suivante. Et ne parlons même pas de Tom Boonen. Les hommes de Lefevere disposaient de multiples cartes pour se montrer offensifs… Doivent-ils encore chercher à l'être, nonobstant leur pas en retrait physique ?

Dans un entretien accordé à L'Equipe cette semaine, Alaphilippe a évoqué une façon de courir qu'il souhaite pérenne, malgré le changement de statut de son escouade. "Il faut se ressaisir, réaliser qu'on a encore un collectif très solide. Ils sont plus forts que nous, c'est une évidence, mais ça ne doit pas nous empêcher de nous battre, tonne le puncheur français. Il faut continuer à faire ce qu'on a toujours fait."

Réussir à placer un pion à l'avant peut même sembler encore plus important, sachant que lorsque Van der Poel, Pogacar et Van Aert passeront la surmultipliée, il faudra prier pour qu'Yves Lampaert, Julian Alaphilippe, Florian Sénéchal ou autre Kasper Agreen puissent les suivre. Mais c'est précisément ce que la Soudal - Quick Step peine à faire. Lors du Grand Prix E3, le Danois a pourtant été remuant… juste avant que le bon groupe ne se forme, avec en son sein Matej Mohoric (Bahrain-Victorious, 7e), par exemple, qui par le timing de son attaque anticipée a réussi à longtemps accompagner la triplette dorée.

Lors de Gand-Wevelgem, le surlendemain, l'ex-maîtresse de l'exercice a encore eu du mal à lire la course. Piégée à la poursuite d'un contre qui avait fière allure, avec Christophe Laporte, Anthony Turgis et Mads Pedersen, la Soudal - Quick Step a envoyé Fabio Jakobsen en chasse-patate. Le champion d'Europe n'était ni sa meilleure option pour un tel effort ni dans le bon tempo. Un coup de retard. Un coup pour rien.

Dimanche, avoir un coup d'avance sera donc de bon ton. En direction d'Audenarde, c'est en outsiders qu'Alaphilippe, Asgreen – pourtant lauréat de l'édition 2021 – et compagnie aborderont un Tour des Flandres qui peut leur permettre d'inverser la narration, avant que Paris-Roubaix n'offre la même occasion. C'est leur nouvelle condition. L'accepter et même y puiser une source de motivation est la meilleure attitude à adopter, juge le Français.

"Il faut admettre qu'on est un cran en dessous, peut-être même deux, va jusqu’à considérer le double champion du monde (2020, 2021). Cela ne sert à rien de s'apitoyer sur son sort. Moi, à vrai dire, ça me motive encore plus." Mais il faudra adopter une excellente tactique pour que ce ressort mental le propulse, lui ou un coéquipier, à l'avant de la course.