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Brésil - Romario-Bebeto : les dieux de 1994 se déchirent aussi

Laurent Vergne

Publié 11/06/2014 à 18:58 GMT+2

Vingt ans après avoir mené la Seleçao au titre mondial, Romario et Bebeto s'opposent ouvertement au sujet du Mondial 2014. Comme un symbole des divisions du pays.

Bebeto et Romario au temps des sourires. Un passé révolu.

Crédit: AFP

Qui l’eut cru, mais la Coupe du monde divise profondément la société brésilienne. Il y a les pour, les contre, ceux qui veulent profiter des projecteurs braqués sur le pays pour faire pression sur le gouvernement, ceux qui veulent profiter au mieux et au maximum de la fête. Cette césure s’exprime même au sommet du football brésilien. Comme un symbole, Romario et Bebeto s’affrontent sur le terrain politico-médiatique. Le premier, chantre de la lutte anti-FIFA et soutien engagé des manifestants depuis un an. Le second en défenseur ardent de ce Mondial brésilien et de son organisation, malgré les problèmes et les critiques.

Chacun sa caricature

La lutte entre les deux anciens attaquants de l’équipe du Brésil est d’autant plus symbolique qu’elle intervient vingt ans après la World Cup américaine. En 1994, Bebeto et Romario ne formaient qu’un à la pointe de l’attaque de la Seleçao. Devant un milieu de terrain besogneux et ultra-défensif, ils incarnaient à eux deux ce qui restait de brésilien dans l’équipe de Parreira. Personne, au Brésil, n’a oublié le "Je t’aime" hurlé par Bebeto après la passe décisive de Romario en huitièmes de finale face aux Etats-Unis. Le Brésil leur doit pour une bonne part cette cinquième étoile après vingt-quatre années d’attente. Ce Mondial 94 fut le point d’orgue d’une relation footballistiquement idyllique entre les deux hommes. Leurs bisbilles aujourd’hui n’apparaissent que plus significatives.
Si leurs prises de positions s’opposent radicalement, ils ont pourtant suivi une voie similaire en s’engageant tous les deux en politique en 2011. A gauche, tous les deux, mais pas dans le même parti. Romario est au PS, Bebeto au Parti des Travailleurs, celui de la présidente Dilma Roussef. Chacun dans son rôle, chacun au bord de la caricature (le gueulard face à l’ultra-lisse), ils se chamaillent donc autour du sujet sulfureux du moment : la Coupe du monde. Membre du Comité d’organisation local, qu’il a intégré en février 2012, Bebeto défend bec et ongles le Mondial brésilien. A grands coups de langue de bois et de politiquement correct, comme s’il voulait appuyer cette image d’homme (trop) lisse que ses détracteurs veulent lui coller.
Une honte pour le pouvoir et la FIFA
En face, Romario fait feu de tout bois. Dans son viseur, le gouvernement brésilien et la FIFA. Il a traité Jérôme Vaclke de maitre-chanteur et Sepp Blatter de "fils de p…". On ne saurait être plus clair. Pourtant, il assure ne rien avoir contre le Mondial. "Les gens ne comprennent pas et pensent que je suis opposé à la Coupe du monde, a-t-il encore rappelé il y a quelques jours. Je suis simplement à 100% contre la façon dont tout ça est mis en place. Le budget a explosé et l’argent public a été mis là où il ne fallait pas, comme dans les stades par exemple. La Coupe du monde organisée dans ces conditions est une honte pour le pouvoir et la FIFA." En écho à ces violentes attaques, Bebeto affiche inlassablement sa confiance en la pleine réussite de l’évènement.
Il y a quelques mois, Romario ne s’était pas privé de s’en prendre à son ancien compère. Il avait également épinglé Ronaldo, lui aussi sur la ligne "Vive le Mondial", leur reprochant d’être des ignorants des véritables problèmes de la société brésilienne. Depuis, Ronaldo a gentiment retourné sa veste, critiquant lui aussi l’organisation. Il ne s’est attiré que le mépris de Romario : "On ne change pas d’équipe à la mi-temps en fonction des circonstances." Au moins Bebeto reste-t-il fidèle à son positionnement initial. Ce n’est pas pour autant que Romario l’épargne, lui reprochant à mots à peine couverts d’aimer le luxe et les belles voitures quand il ne parle que de Dieu, de famille et des enfants pauvres.
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Bebeto et Romario peints non loin de l'aéroport de Sao Paulo par Paulo Consentino

Crédit: AFP

Le fait de dénoncer la corruption ne m’empêche pas de faire de la publicité et de gagner honnêtement ma vie
Mais à force d’attaquer, l’ancien joueur du PSV et du Barça s’expose. Ses adversaires ne se privent pas de mettre en lumière ses propres contradictions. La semaine dernière, le PDT, celui de Roussef… et de Bebeto, puisqu’il a été élu sous cette bannière, a publié sur sa page Facebook officielle un communiqué visant directement Romario, lequel est impliqué dans deux publicités autour du Mondial. "Je ne veux pas de la Coupe du monde, je veux juste faire de l’argent avec", a ironisé le PDT. Romario, cinglant comme à son habitude, a répondu : "Le fait de dénoncer la corruption ne m’empêche pas de faire de la publicité et de gagner honnêtement ma vie. Malheureusement pour ceux qui me critiquent, ils n’ont pas été champions du monde. Moi si et j’en recueillerai les fruits toute ma vie."
Bebeto, sourire figé sur le visage, préfère, lui, rester en dehors de la polémique. "Avec Romario, nous avons des idées différentes, c’est évident. Mais il restera mon ami pour toujours", assure-t-il. Les deux goleadors se retrouvent au moins sur un point : ils espèrent voir la Seleçao triompher. "Nous avons perdu la Coupe du monde pour ce qui concerne les aspects hors-terrain. Il faut gagner l’autre", plaide Romario, qui veut toutefois mettre un point d’honneur à ne pas assister à un seul match. "Les places sont trop chères", plaisante-t-il. Bebeto, lui, sera bien en tribunes jeudi soir pour le match d’ouverture. Romario, Bebeto. Deux grandes figures, deux idoles, deux visions opposées de ce rendez-vous phare pour le pays.
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