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Coupe du monde : Le football italien a touché le fond et le coupable n'est pas celui que vous croyez

Valentin Pauluzzi

Publié 25/06/2014 à 20:41 GMT+2

L'Italie est déjà éliminée de la Coupe du monde. Et c'est la seconde fois de suite qu'elle sort au premier tour. Si le sélectionneur a évidemment sa part de responsabilité, c'est tout un système qui est complice de cette faillite. Le football italien a bel et bien touché le fond.

L'Italie, après le but uruguyaen qui a scellé son élimination

Crédit: Panoramic

Comme après chaque flop, la chasse aux coupables est lancée : Cesare Prandelli est le suspect numéro un, mais en faire le bouc-émissaire serait manquer de courage et de lucidité. C’est le mouvement footballistique italien complet qui doit se remettre en question car cet échec n’est que le point d’orgue d’une crise profonde. Quel est donc le poids de chaque facteur dans cette contre-performance ?

Des institutions inertes et égoïstes : 50 %

Les institutions ont une grande part de responsabilité dans le déclin du football italien. Faibles, elles se font mener par le bout du nez par les dirigeants de clubs égoïstes et qui ne pensent qu'à leurs intérêts. Fortes, elles se tirent une balle dans le pied en orchestrant des procès sans queue ni tête, grâce à une justice sportive sommaire, le tout célébré par une presse partisane. L'unique préoccupation des patrons de la Serie A est de faire entrer le plus d'argent possible via les droits TV, seule vraie source de revenus, tout ça pour obtenir des résultats médiocres en Coupes d'Europe. Le championnat à vingt équipes est une hérésie pour un mouvement en crise. Les stades italiens tombent en ruine et une bonne partie de leurs occupants sont plus des délinquants que des tifosi. Un très bon travail de fond a pourtant été effectué par Arrigo Sacchi concernant les sélections de jeunes italiennes depuis le flop sud-africain, mais il est anéanti par les clubs qui préfèrent des étrangers médiocres plutôt que de faire confiance à leurs espoirs. Les tifosi s'offusquent de cet échec de la Nazionale, mais seront les premiers à applaudir l'oeuvre destructrice de leurs clubs dans quelques semaines.
 Inutile de se raconter des histoires, un mal profond ronge ce Calcio qui a entamé son déclin après le Mondial 2006, et ce sont les derniers membres de la génération dorée tels que Pirlo et Buffon qui le maintenaient à flot. Cesare Prandelli l'a très justement annoncé dans sa conférence d'adieu : "On n'a fait que masquer les problèmes du football italien pendant quatre ans". Le président de la fédé a également posé sa démission, on espère que ce ne sera pas un énième politicien avide de pouvoir qui prendra sa place. Pour redresser la pente, le football italien doit opérer un virage à 90° comme son rival allemand il y a quinze ans. En a-t-il vraiment envie ?
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Buffon et Prandelli après la défaite de l'Italie face à l'Uruguay

Crédit: Reuters

 Un réservoir de sélectionnables ridicule : 20%

Avant d'émettre des jugements à l'emporte-pièce sur le travail de Prandelli, n'oublions pas dans quelles conditions il travaille depuis quatre ans. La proportion de sélectionnables italiens régresse saison après saison en Serie A. On a atteint le minimum historique de 46 % cette année. Un chiffre qui chute à 30 % lorsqu'on prend en compte les cinq premiers du championnat (ceux censés fournir les meilleurs internationaux). Tout simplement scandaleux. Pour un Higuain ou un Tevez, combien de Constant, de Kuzmanovic et de Iakovenko ? Prandelli avait à disposition une cinquantaine de bons joueurs dont quelques fuoriclasse. Les chiffres concernant les jeunes sont encore plus effrayants : six clubs de l'élite n'ont utilisé aucun U21 italien cette saison. On y retrouve notamment le Napoli, la Juventus et la Fiorentina, tandis que les centres de formation hébergent déjà beaucoup de non-sélectionnables. On comprend ainsi pourquoi un joueur comme Immobile décide de partir dans un Top club étranger dès qu'il en a l’opportunité et on se dit que si Verratti était resté en Italie, il aurait sûrement passé la saison en prêt à Sassuolo.

La confiance aveugle en Balotelli : 10% de responsabilité

Prandelli a décidé de construire sa Nazionale autour de Balotelli. Un autre pari risqué, même si l'attaquant du Milan a souvent répondu présent en terme de buts. Attendu comme l’une des stars du Mondial au même titre que les Neymar, Messi et autre Cristiano Ronaldo, il s'est montré incapable de tirer son équipe vers le haut. Vous allez dire qu'il n'a pas été mis dans les meilleures conditions ? Cette excuse est difficile à encaisser au regard de son incapacité à se mettre à disposition de ses coéquipiers, que ce soit sur ou hors du terrain. On nous parle d'un Balotelli solitaire, renfermé, presque autiste... Bilan de son Mondial ? Un but, un gros loupé,  deux cartons jaunes stupides et de longues minutes à se tordre de douleur au sol après s’être fait effleurer. Seulement, il était le seul terminal offensif prévu dans cette Italie caméléon made in Prandelli et ça, c'est une grosse erreur de la part du sélectionneur, qui n'a pas travaillé sur une alternative crédible durant toutes ces années.
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Mario Balotelli au tapis, comme l'Italie

Crédit: AFP

Une préparation physique visiblement loupée : 5% de responsabilité

C'était la fierté du staff de la Nazionale il y a quelques semaines, cette fameuse cabane au centre d'entraînement fédéral qui reproduisait les conditions climatiques brésiliennes. On en a fait tout un foin, mais le résultat sur le terrain a été sans appel : l’Italie n'y était pas physiquement. Cela s'est moins vu face à des Anglais eux aussi éprouvés, mais contre des Costariciens et Uruguayens habitués à évoluer sous la canicule, la différence a sauté aux yeux. Petit lot de consolation, la plupart des équipes européennes sont confrontées à ce problème et elles tombent toutes comme des mouches. Mais pas certain qu'elles aient toutes fait passer leur préparation physique pour une révolution scientifique.

Une liste des vingt-trois imparfaite : 5% de responsabilité

Facile de parler après coup, mais déjà, au moment de sa composition, cette liste avait provoqué quelques débats. Commençons par l'exclusion de Pepito Rossi, trop court physiquement selon le sélectionneur. Alors pourquoi emmener un Cassano qui joue avec un pacemaker ? Pour ne pas parler de ses sautes d'humeur récurrentes qui foutent l'ambiance d'un groupe en l'air ? Enfin, rappelons qu'il était absent de la sélection depuis deux ans car Prandelli voulait tester des alternatives… Bref, de l'improvisation totale. Poursuivons avec la naturalisation éclair de Paletta, alors que l'Italo-Argentin n'a rien d'un foudre de guerre. Est-il vraiment plus fiable qu'un Ranocchia ? Enfin, un mois et demi plus tard, on ne comprend toujours pas l'éviction de Florenzi de la liste des trente, un joueur polyvalent et plein d’énergie qui aurait pu rendre bien des services.
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Giuseppe Rossi lors de la préparation italienne

Crédit: AFP

Un code éthique bancal : 5% de responsabilité

Ç'a été le leitmotiv des quatre années de la gestion de Prandelli, un code éthique qui était censé faire rentrer dans le rang les têtes de lard du groupe. Plusieurs en ont subi les conséquence et ont été privées de sélection à un moment donné (Destro, De Rossi, Osvaldo notamment). Mais si cela partait d'une excellente intention, son application à courant alternatif a forcément provoqué des mécontentements. Au sein de la sélection et en dehors. C'est la vie du groupe qui en a quelque peu pâti. Difficile de prétendre un comportement irréprochable d’un côté et de l’autre faire de Balotelli un homme clé de l'équipe ou de rappeler Cassano en tant que sauveur de la patrie. Pari osé, pari perdu.

 Conditions climatiques et arbitrales difficiles : 5%

Inutile de se rattraper à d'improbables alibis, comme l'a si bien dit le capitaine Gigi Buffon, mais difficile de ne pas mentionner ces facteurs. L'Italie est l'équipe qui a joué avec la température moyenne la plus élevée, pas moins de 30°C et vous pouvez y ajouter 4-5°C au niveau du ressenti. Et un taux d'humidité qui frôlait régulièrement avec les 90%. Pendant que certaines sélections se la coulent douce avec des matches à la fraîche (parfois à 15°C, eh oui c'est l'hiver au Brésil !), la Squadra Azzurra enchainait le cœur de l'Amazonie et deux villes très chaudes comme Natal et Recife. Enfin, l'arbitrage contre l'Uruguay n'a pas été convaincant. Ironie du sort, l'homme en noir s'appelait Moreno, comme l’Equatorien qui dirigea la rencontre face à la Corée du Sud il y a douze ans. Un rouge complètement exagéré à l'encontre de Marchisio et un oublié au cannibale Suarez, suffisant pour faire basculer le sort d'une rencontre. A onze contre onze à la 60e, la Nazionale gérait tranquillement. Rappelons que le nul la qualifiait.
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L'équipe d'Italie avant son premier match du Mondial face à l'Angleterre, à Manaus

Crédit: AFP

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