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La Coupe du monde à 48, une erreur historique

Maxime Dupuis

Mis à jour 10/01/2017 à 18:27 GMT+1

Mardi matin, la face du football mondial a changé. La FIFA a décidé de modifier le format de la Coupe du monde en intégrant seize équipes supplémentaires à partir de 2026. C'est tout sauf une bonne idée. Voici pourquoi.

Coupe du monde

Crédit: Panoramic

C'était un rêve pour lui. Un cauchemar pour d'autres. C'est désormais une réalité : la Coupe du monde à 32 a vécu. Place au Mondial à 48. Gianni Infantino a réussi son pari. Mardi matin, le conseil de la FIFA a, à l'unanimité, approuvé la réforme de la compétition la plus prestigieuse du football mondial. Dès 2026, elle ouvrira ses portes à 50% d'équipes supplémentaires. Un gonflement des effectifs surdimensionné et, par-dessus tout, injustifié. Hormis pour des raisons économiques qui, si elles vont dans le sens de la FIFA, prennent à contre-pied les intérêts du jeu.
Ce qu'a réussi Gianni Infantino en un an à la tête de la fédération internationale est, d'une certaine manière, remarquable. Surfant sur la vague de la table rase, le Suisse a tout emporté avec lui, même ce qui fonctionnait bien. Voire même très bien : la Coupe du monde.
Il y avait d'autres feux à éteindre dans la maison. Il a préféré commencer par s'attaquer à un ravalement de façade sur un mur qui ne laissait apparaitre aucune fissure. On ne s'attardera pas pour les raisons économiques ou électoralistes de cette décision. Elles sont évidentes. Mais juste sur l'implication de cette refonte de la Coupe du monde, qui ressemble à s'y méprendre à une erreur historique. Pour toutes les raisons suivantes.
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Gianni Infantino

Crédit: Panoramic

50% de participants en plus, c'est trop

Une fois dans l'histoire, la Coupe du monde a connu pareille expansion : c'était en 1982 où le Mondial était passé de 16 à 24 participations. Soit 50% de nations en plus. Pour une raison simple : la Coupe du monde n'était alors qu'une affaire entre Européens et Américains. L'Asie et l'Afrique n'avaient qu'un représentant chacun avant cet élargissement. Passer à 24 puis à 32 a permis de déplacer le centre de gravité du football mondial, même si l'Europe, notamment, continue aujourd'hui à se tailler la part du lion (13 qualifiés).
Si la répartition actuelle, à 32, n'est pas favorable aux continents africain, asiatique ou océanien, était-il pour autant indispensable de procéder à un tel élargissement ? Demain, il devrait y avoir 9 équipes africaines et 8 ou 9 équipes asiatiques (en fonction d'un barrage disputé contre un représentant du Concacaf) au Mondial. Donner plus de place aux continents jusqu'ici mal servis, personne n'y est opposé. Néanmoins, la Coupe du monde est aussi une compétition élitiste et d'excellence. Ce n'est pas l'école des fans, où l'on doit faire plaisir à tout le monde. En ouvrant le Mondial à quasiment 25% des affiliés à la FIFA, c'est ce qu'a fait Infantino.

Le niveau de jeu va en pâtir

Cela découle du constat précédent : le niveau de jeu va être dilué. Si les Coupes du monde des deux dernières décennies n'ont pas toujours été des publicités fantastiques pour le football, un Mondial à 48 ne changera rien à la donne. Découvrir l'équivalent de l'Islande 2016 en Coupe du monde fera souffler un vent de fraicheur sur la compétition. C'est indéniable. Mais cela relèvera-t-il le niveau de jeu ? Assurément pas. Il ne faut pas tout mélanger. Le risque, c'est de vivre une compétition à 80 matches dont la moitié n'aura aucun intérêt en termes de compétitivité.

Un premier tour et un format illisibles

En 2026, on va passer de 8 groupes de 4 à un système à 16 groupes de 3. Chaque équipe disputera deux matches. Et seul le troisième du groupe quittera la compétition après le premier tour. Autant dire que l'écrémage attendra les 16es de finale, instaurés à l'occasion de cette réforme. Pour faire simple : la plupart du temps, une victoire suffira pour passer le premier tour. Une équipe vainqueur de son premier match n'aura pas trop à se forcer pour le second, qui sera le premier de la troisième équipe du groupe. Vous êtes perdu ? C'est normal. Le format est alambiqué au possible.
La FIFA a déjà goûté à ce système à trois équipes. C'était en 1982, au deuxième tour de la compétition. A l'arrivée, le format - qui ne qualifiait qu'une équipe en demie - n'avait été satisfaisant pour personne puisqu'il avait été abandonné dès l'édition suivante, au Mexique.

Deux matches, c'est tout ?

La Coupe du monde à 48 sous cette forme, c'est quand même "mieux" que ce qu'avait imaginé Gianni Infantino dans un premier temps. A savoir faire disputer un barrage à une partie des nouveaux entrants et les renvoyer chez eux après… un petit match. A la place, seize équipes feront leurs valises en ayant disputé deux rencontres. Au final, c'est presque tout aussi aberrant lorsqu'on sait ce que demande la préparation d'une Coupe du monde. Un pays va mobiliser 23 joueurs, des moyens, du temps, etc., pour peu d'exposition. Beaucoup d'efforts pour pas grand-chose.

Un leurre pour les "petits"

Dans les mois et les années à venir, un argument va revenir comme un cheval au galop : ouvrir la Coupe du monde aux "petits", c’est leur donner la chance de s’étalonner au très haut niveau et de faire progresser le football mondial. Vœu pieu. Mais pas plus. Car mettre le pied dans l’embrasure de la porte et, peut-être, prendre une ou deux raclées ne change rien à la donne. La progression d’une nation passe par un travail de fond. Prenez l’exemple de la Chine. Un milliard et demi d’habitants, un géant économique et une seule Coupe du monde disputée : en 2002. Depuis ? Le néant. Le géant a perdu pied et n’a jamais poursuivi sa montée en puissance. Et pourtant, ce ne sont pas les moyens qui manquent à l’Empire du Milieu.
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La Coupe du monde à 48 ? Pour Trezeguet, c'est "une très belle idée"

Un affaiblissement du football des nations

Tous les quatre ans, 48 nations bénéficieront d’une exposition maximale à partir de 2026. Le reste du temps ? Elles n’intéresseront pas grand monde. Notamment en Europe et en Amérique du Sud où les qualifications ne ressembleront qu’à une formalité sans saveur. Les grandes nations n’auront désormais presque plus aucune chance de rater la marche. Hormis accident industriel du type des Pays-Bas avant l’Euro 2016. Le Brésil, l’Allemagne et compagnie composteront leur billet sans forcer et cela ne fera pas forcément leurs affaires. A une époque où le football de clubs prend déjà toute la place et dont le rêve ultime serait de faire disparaitre les dates internationales en pleine saison, ils n’intéresseront le plus grand nombre que deux étés sur quatre, pour l’Euro et la Coupe du monde. Vous me direz que c’est déjà un peu le cas ? C’est vrai. Mais vous n’avez encore rien vu.

L'organisation impossible

Si la Coupe du monde s'ouvre au plus grand nombre, la possibilité d'organiser la compétition, déjà réservée à un petit nombre de pays, va se réduire comme peau de chagrin. Sur la planète, qui peut se targuer de pouvoir accueillir une telle compétition et 80 matches en 32 jours ? Qui possède les infrastructures routières, sportives, touristiques et hôtelières pour un tel raout ? Les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne. Les autres puissances mondiales ? C'est tout sauf certain à cette heure. Regardez le Japon : en 2002, il avait co-organisé la compétition avec la Corée du Sud.
La co-organisation est l'avenir de la Coupe du monde. Il se murmure d’ailleurs déjà que l'édition 2026 pourrait se dérouler sur les sols canadien, etatsunien et mexicain. Cela risque de devenir la norme. Et c'est dommageable. Un pays organisateur, ce n'est pas anodin pour l'ambiance et l'atmosphère d'une Coupe du monde. Tous ont posé leur empreinte sur la compétition. L'exemple ultime étant celui du Mexique, en 1970 et 1986.
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Cérémonie d'ouverture de la Coupe du monde 2014

Crédit: Panoramic

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