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Equipe de France - Après les mots d'Hervé Renard et la maternité d'Amel Majri : que faire pour être à la hauteur ?

Cyril Morin

Mis à jour 05/04/2023 à 16:10 GMT+2

EQUIPE DE FRANCE - Lundi, pour son retour avec les Bleues, Amel Majri est venue accompagnée de sa fille de neuf mois. En conférence de presse, Hervé Renard a réclamé une "structure organisée", suscitant des réactions enthousiastes chez certaines sportives de haut niveau. Mais comment aborder concrètement ces dossiers ? Tentatives de réponse.

Alex Morgan pose avec sa fille lors d'un stage avec l'USWNT en février 2023

Crédit: Getty Images

Un discours frappé du bon sens. Lundi, pour sa première conférence de presse à Clairefontaine, Hervé Renard a fait l'unanimité sur un sujet que personne n'avait encore envisagé dans le camp de base des Bleues. Lancé sur la présence de Meryem, neuf mois, aux côtés de sa maman Amel Majri pour le rassemblement tricolore, le nouveau sélectionneur n'a pas évité le sujet. "C'est indispensable de donner une structure aux joueuses qui ont des enfants en bas âge, a-t-il avancé. Elle a une petite fille de 9 mois, il est difficile pour une maman de laisser son enfant très jeune à la maison, même si c'est son métier".
La sortie fut très commentée. Parce que le sujet est finalement nouveau pour le football de haut niveau, un peu moins pour le sport en général. Sur Twitter, Clarisse Agbégnénou, Cléopâtre Darleux, et Amélie Oudéa-Castéra ont remercié et félicité Renard pour sa prise de position. "Que ce sujet arrive sur la scène médiatique, c'est un réel bond en avant, reconnaît Coralie Ducher, ancienne internationale et consultante OL TV. Pour les clubs, pour les fédérations et pour les joueuses. Le but, c'est de permettre aux joueuses d'avoir un équilibre beaucoup plus simple. On sait très bien qu'une joueuse qui n'a pas le bon équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle peut connaître des sous-performances". Ces derniers mois, la gardienne Manon Heil, appelée en février dernier, avait vu Corinne Diacre lui proposer de venir accompagnée de son fils, sans que cette dernière ne retienne cette option.
On n'évoquait même pas la possibilité de reprendre sa carrière après une naissance
Si la maternité ne s'invite dans les gros titres du football français qu'en 2023, c'est pour des raisons multiples. La rareté, déjà. En 2017, lorsque le syndicat des joueurs (Fifpro) a interrogé 3.500 joueuses, seules 2% d'entre elles avaient un enfant. Et seules 8% d'entre elles avaient reçu une allocation maternité. "A mon époque (2004-2012), on était loin de se poser ces questions-là. Beaucoup de joueuses, quand on parlait de maternité, expliquaient qu'elles voulaient attendre leur fin de carrière, vers 30 ans pour fonder une famille, continue Coralie Ducher. On n'évoquait même pas la possibilité de reprendre sa carrière après une naissance".
En 2023, la donne a changé, sans doute parce que les mentalités aussi évoluent. Comme souvent, les Américaines ont été pionnières : Alex Morgan, incarnation au niveau mondial, a donné naissance à une fille en 2020 avant que d'autres joueuses de dimension internationale, comme Crystal Dunn, fasse de même l'été dernier. Sans que leurs ambitions et leurs carrières ne subissent un vrai changement. Parce que la fédération américaine a pris le pli de les accompagner autant que possible durant les trêves internationales et les déplacements : congé maternité, prise en charge des frais de garde (avions, chambre d'hôtel, repas et salaires).
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Alex Morgan et sa fille en 2021

Crédit: Getty Images

Le modèle américain, c'est évidemment celui sur lequel s'est penché Frédérique Jossinet lors de son passage à la FFF (2014-2022) comme directrice du football féminin et responsable de la féminisation du football. "Le fait d'avoir des enfants sur les stages, sur les rassemblements, peut être bénéfique pour les joueuses mais c'est quelque chose qu'il faut gérer, qu'il faut encadrer, estime-t-elle. Il y a une vraie cellule à mettre en place, comme cela a été fait aux USA, avec des personnes diplômées, comme cela serait le cas pour un préparateur physique ou un adjoint".

Même l'OL n'a pas été à la hauteur

Jossinet, toujours : "Ce qui est intéressant chez eux, c'est que ce n'est pas uniquement le sujet des enfants mais le sujet de manière globale : comment gérer les joueuses qui veulent avoir un enfant, comment gérer leur retour vers la compétition, ce qu'on lui met à disposition pour sa performance, avec des règles de vie claires. Pour ça, il faut des moyens, humains et financiers : le foot en a, ça serait dommage de ne pas le faire. Ce n'est pas forcément transposable dans tous les sports. On a beau accompagner Clarisse autant que possible en judo, c'est peut-être plus compliqué".
Mais qui dit moyens ne dit pas forcément exemplarité. En début d'année, le tribunal de la FIFA a condamné l'OL à verser 82094 euros à son ancienne joueuse Sara Björk Gunnarsdóttir en compensation des manques de salaire constatés par la joueuse lors de son congé maternité. L'affaire avait fait grand bruit, relayée par une Megan Rapinoe choquée d'un tel traitement. "Vous aimez tous dire à quel point vous aidez les femmes, mais ceci ne doit pas être un calcul. Je vous implore d'être le club qui soutient toujours les femmes, et non le club qui le faisait autrefois", avait tweeté l'Américaine.
L'OL a donc veillé à accompagner autant que possible Majri sur le coup. "Ce sont des sujets qui se traitent en trois temps : avant, pendant, après, détaille Jossinet. Dans les contrats, il faut des clauses spéciales évoquant les droits et devoirs des joueuses si elles ont un projet de maternité. Le handball a bien réussi à faire ce virage-là même si parfois, dans les clubs moins pros, on voit des joueuses qui, d'un seul coup, perdent leur contrat. Donc il faut bien poser le cadre structurel mais aussi juridique pour être transparent autour de tout ça. Avec toutes les informations, avant, pendant, après : des tests physiques, savoir si la joueuse allaite ou pas, parce que ça a des incidences, etc. Il faut adapter tout ça au système français".
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Amel Majri et Eugénie Le Sommer après le titre européen de 2022

Crédit: Getty Images

Quel horizon ?

Tout n'est pas aussi limpide, malheureusement. Difficile notamment d'adapter ce fonctionnement à l'ensemble de la D1 Arkema, comme l'expliquent Jossinet et Ducher en chœur. "On parle des joueuses mais il faut aussi pouvoir accompagner les clubs pour pouvoir prendre ces directions-là, estime l'ancienne joueuse. Ça sera moins problématique dans les grands clubs mais il y aura aussi des clubs de D2 où l'enjeu est différent. Dans les petits clubs, les structures seront peut-être moindres. Ça se joue à tous les niveaux".
Reste que le cas Majri marque une rupture. Parce qu'elle oblige la FFF à se saisir d'un problème urgent. "Il faut aller très vite pour une raison simple : il y a une joueuse qui peut partir en Nouvelle-Zélande et en Australie dès le mois de juillet, c'est Amel Majri. On peut élargir ça aussi au staff, c'est ce qui est fait en Italie. On a une préparatrice adjointe qui a des enfants en bas âge notamment. Sinon, on n'aura plus jamais de femmes dans les staffs et c'est problématique", avance Jossinet.
Parce qu'elle permettra, aussi, un premier retour d'expérience. "Elle pourrait être un cas pilote pour la suite. Quant au projet plus global, cela peut prendre quelques années. Pour que tout soit efficace, avec des corrections suite aux premières expériences, je dirais bien que ça peut durer une Olympiade". Histoire qu'en 2027, la présence de la petite Meryem à Clairefontaine n'ait plus rien à voir avec une petite révolution.
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