Equipe de France - Retraite internationale - Hugo Lloris trop lisse et trop sage ? Histoire d'un malentendu

On l'a vu sourire franchement, parler de lui et s'émouvoir aux larmes dans le JT de TF1. Depuis qu'il a décidé de raccrocher en équipe de France, Hugo Lloris est un autre homme. Comme libéré d'un poids qui l'a installé dans un rôle lisse et sans aspérité depuis tant d'années.

Au-delà des chiffres (recordman du nombre de capitanats et de sélections en équipe de France) qui racontent une histoire unique, qui est vraiment Hugo Lloris ? Et pourquoi son image participera-t-elle à estomper tout ce qu'il a fait de bien dans sa carrière ? Au fil de conférences de presse parfois anesthésiantes, souvent sans fièvre, il a construit un personnage lisse, presque plat, qui collait parfaitement au rôle qui lui avait été confié mais qui n'a pas forcément aidé sa carrière.

D'autant qu'il a toujours cultivé une forme de mystère autour de sa personnalité, lui qui a refusé qu'un documentaire lui soit consacré avant la Coupe du monde. Parce qu'il a toujours fait passer le collectif, l'équipe avant lui. Il a accepté le capitanat de l'équipe de France comme on rentre dans les ordres. Mais la réalité, si on en croit ses plus proches, va au-delà de ses apparences.

"On a l'image du type policé qui fait sujet-verbe-complément, nous indiquait son père le mois dernier. Ce n'est pas un garçon creux, il faut le côtoyer dans le cercle privé pour s'en rendre compte. C'est un garçon qui ne communique peut-être pas suffisamment mais on devrait bien se rendre compte que cette image de sportif sans relief est fausse. C'est impossible pour un gardien."

Deuxième gardien français champion du monde, Lloris a succédé dans l'esprit du grand public à Fabien Barthez. Rockstar des terrains, le divin chauve, au-delà de son incroyable palmarès, a nourri sa légende par un style de jeu spectaculaire et son grain de folie. Loin de l'image de gentil garçon de Lloris. Mais Barthez, porté par un caractère bien trempé, n'a jamais été capitaine. "En équipe de France, quand tu es capitaine, tu ne représentes pas que toi-même, porter un message ne peut pas être une décision personnelle", se justifiait en début de semaine Lloris à propos de la polémique autour du brassard One Love.

Le statut de capitaine l'a sans doute corseté dans un rôle mais si Laurent Blanc l'a choisi après Knysna pour incarner la fonction, c'est aussi parce que Lloris épousait les contours du portrait-robot. "Il a une culture de la maîtrise de soi, nous a confié son père. Mais contrôler ses émotions ne veut pas dire ne pas en avoir. Il a commencé très jeune et il a toujours été méfiant par rapport à l'extérieur. Ce n'est pas un introverti mais un méthodique. Sa chambre était toujours bien rangée et, dès son plus jeune âge, il aimait aller au bout des choses."

Lloris n'a jamais activé de leviers de communication pour cultiver son image. A cause de sa fonction ? Peut-être. Question de caractère ? Sans doute. Là-encore, sa carrière en a possiblement pâti. Son aventure en club n'est pas à la hauteur de celle en sélection. A 36 ans, il n'a gagné que deux trophées : la Coupe du monde et la Coupe de France. De quoi encore discuter de son héritage. Mais à Londres et à Tottenham, Lloris se sent bien et s'est construit une vie presque normale. Le marché des gardiens est particulier, les opportunités sont beaucoup plus rares et Lloris a sans doute manqué, parfois, de réseaux. Là-encore, question de caractère.

Mais il ne faudrait pas que tout cela gomme ce qu'il a construit. Au-delà des chiffres, il est le meilleur gardien des Bleus en grand tournoi. Un champion du monde aussi. Question de talent, cette fois.