Liga : Avec Gary et Phil Neville, Valence prend l'accent anglais

Celle-là, personne ne l'avait vu venir. Alors que les noms de Franck Rijkaard, Michael Laudrup, Alejandro Sabella, voire Marcelo Bielsa et Carlo Ancelotti avaient été avancés pour succéder à Nuno, débarqué après la défaite face à Séville, c'est Gary Neville, brillant analyste sur Sky Sports mais novice à ce niveau qui prend en charge les destinées du Valencia CF avec son frère Phil comme adjoint jusqu'au 30 juin prochain. L'ancien arrière droit de Manchester United est face à un défi de taille.

Pour l'occasion, la loge VIP de Mestalla a été apprêtée pour accueillir tous les journalistes, principalement espagnols et anglais, venus assister à la première conférence de presse de Gary Neville en tant qu'entraîneur. Détendu et souriant, l'ex-capitaine des Red Devils a pris le temps de répondre aux (très) nombreuses questions, pendant près d'une heure et demi. Réputé pour la qualité de ses interventions télévisuelles, Neville a confirmé qu'il maîtrisait parfaitement l'exercice oral. Il a donné une excellente première impression.

Faisant preuve de clairvoyance, il a réussi son examen de passage. Loin de vouloir se précipiter, il a tenu à laisser Voro et son frère Phil terminer leur travail entrepris avec l'effectif avant le choc contre le Barça. Une manière de prendre ses marques et de montrer le respect qu'il éprouvait pour le staff. Il entamera son mandat mercredi contre Lyon, en Ligue des Champions. Par ailleurs, il a annoncé l'arrivée de Miguel Angulo pour l'épauler dans sa tâche. Entraîneur des U19 qualifiés pour les huitièmes de finale de la Youth League, l'ancien attaquant n'est pas n'importe qui pour le valencianisme. Son portrait trône sur la façade de Mestalla, au côté d'autres gloires du club. En s'adjoignant une légende blanquinegra (2 Liga, une Coupe de l'UEFA, une SuperCoupe d'Europe), Neville a établi les grandes lignes de son mandat : jeunesse et tradition.

Adoubé par Roy Hodgson dont il reste l'assistant avec l'Angleterre et par Sir Alex Ferguson, Gary Neville a le palmarès (20 titres, dont 8 titres de champions, 2 Ligues des Champions et 3 FA Cup) et l'aura pour être écouté de son groupe. 81 ans après, un Anglais redevient l'entraîneur du Valencia CF. Une petite révolution qui s'inscrit parfaitement dans ce que voudrait faire Lim des Murciélagos : un club à dimension mondiale.

D'ordinaire, ce sont davantage les Espagnols qui partent en Premier League que les Anglais qui débarquent en Liga. Il faut chercher un bon moment avant de trouver la trace d'un joueur britannique à avoir porté le maillot du VCF. Et pour cause, il n'y en a qu'un : Manolo Immosi, natif de Gibraltar (1927-1932). Or, depuis l'arrivée de Lim, Gary Neville est le troisième technicien à prendre ses quartiers à Mestalla. Il a même refusé un chèque de 15 millions de livres de Sky Sports pour rallier l'Espagne. Jusqu'en juin dernier, le très discret Ian Cathro était l'adjoint de Nuno.

Arrivé avec le Portugais en provenance de Rio Ave, l'Ecossais d'à peine 29 ans était considéré comme la véritable tête pensante du binôme. Son départ pour Newcastle et la faillite de Nuno ont confirmé son importance. C'est Phil Neville qui l'a remplacé. Le cadet de Gary a fait tout son possible pour s'acclimater. Il apprend l'espagnol, tweete parfois en valencien et a même conseillé un club de... rugby au fils de Nuno. La fratrie réunie, c'est un gros coup non seulement pour elle mais aussi pour Valencia qui fait la une des journaux outre-Manche depuis jeudi et sera suivi avec acuité.

Un temps intéressé par Middlebrough et Liverpool, Peter Lim connaît bien les Neville. Leur relation explique pour une large part leur présence sur les bords du Turia. En effet, le magnat singapourien possède 50% de Saldford City, club régional du Nord de l'Angleterre, tandis que 5 membres de la célèbre "Class of '92" de Manchester United se partagent l'autre moitié (outre les Neville, Scholes, Giggs et Butt). De plus, Gary Neville est actionnaire minoritaire dans des projets immobiliers de grand luxe dirigés par Lim. Possibles conflits d'intérêts ? Sans aller jusque-là, c'est un mélange des genres qui n'est pas inédit avec la nouvelle direction.

Quinze ans, 15 coaches. Valencia CF est du genre cœur d'artichaut quand il s'agit d'entraîneurs. Dernière victime en date : Nuno, protégé de Jorge Mendes. Après une première saison remarquable (2e record de points obtenus en Liga, qualification en C1), le Portugais n'a pas tenu le cap. Choix tactiques douteux, conflits avec des joueurs (Alvaro Negredo et Rodrigo de Paul), il s'est rapidement coupé de son effectif. En outre, le mercato estival a été une folie, avec des recrutements vraisemblablement surévalués.

Dès le match contre le Betis en septembre, le public de Mestalla a demandé son départ. Un "rituel" qui a eu la peau de beaucoup de techniciens, y compris Hector Cuper, double finaliste de C1 en 2000 et 2001. Isolé, Nuno a été débarqué au soir de la défaite humiliante contre Séville (1-0 et surtout aucun tir du match). Mais s'il est passé par la fenêtre, l'atterrissage s'est fait sur un duvet de plumes. Prolongé jusqu'en 2018 en fin de saison dernière, il recevra 3 millions d'euros d'indemnités. Ce départ marque un premier tournant dans l'ère Peter Lim.

Présidente de Valence depuis juillet dernier, Layhoon Chan est restée dans l'ombre plusieurs mois avant de se révéler au cours des dernières semaines. Au lendemain du départ de Nuno, elle avait insisté sur le fait que le nouvel entraîneur ne serait pas lié à Mendes. Elle a tenu parole, à la grande satisfaction de l'aficion. Et à la question concernant la possible arrivée de José Mourinho la saison prochaine, Layhoon s'est faite particulièrement acide.

Pour autant, est-ce la fin de la relation Lim-Mendes ? Rien n'est moins sûr. Car outre son poste d'entraîneur, Nuno occupait aussi celui de directeur sportif. Une place est à prendre et, selon SuperDeporte, deux noms se détachent : Luis Campos et Luizão. Le premier a travaillé avec le Real Madrid époque Mourinho puis avec Monaco, base importante du "système Mendes". Le second est l'homme de confiance de l'agent portugais au Brésil avec l'ancien Barcelonais Deco.

A l'heure actuelle, rien n'a encore été décidé, Gary Neville laissant prudemment répondre Layhoon lors de la conférence de presse. La question du mercato d'hiver a également été éludée mais il y a fort à parier que les Taronjas mettront la main au portefeuille. Les amis de mes amis sont mes amis. Mais malgré l'appui de sa présidente, quel sera le poids d'un entraîneur dont le contrat se termine en fin de saison face à l'omnipotence de la nébuleuse Gestifute ?