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Xavi, Fin des socios, Espai Barça et contrats à négocier : Laporta, défis immenses, péril réel

Mis à jour 05/11/2021 à 22:25 GMT+1

Empêtré dans une crise sportive, institutionnelle et économique, le FC Barcelone est au bord du précipice. Comment relancer la machine maintenant que Lionel Messi, pourvoyeur de trophées, de buts et d’argent a quitté la Catalogne ? Comment gérer le licenciement de Ronald Koeman avec un audit des comptes assassins ? Les défis sont aussi nombreux que dangereux pour Joan Laporta.

Joan Laporta, président du FC Barcelone, lors de la conférence de presse de Sergi, entraîneur intérimaire, le 29 octobre 2021

Crédit: Getty Images

Pour arrêter de ressembler à Pierre Richard englué dans les sables mouvants, le Barça doit plancher ! Les 17 et 23 octobre derniers, les "socios compromisarios" (les socios tirés au sort pour participer et voter les décisions) ont pu participer à l’Assemblée Générale annuelle du club. Un point de départ incontournable pour le début des grandes manœuvres. Espai Barça, lien avec la Confédération Mondial des Peñas, vente d'actifs : de nombreux thèmes ont été abordés. L’AG a même dû se dérouler sur deux jours ! C’est dire si l’instant est critique, voire historique.

L’Espai Barça en sauveur ?

Il est devenu l’Arlésienne des Catalans : l’Espai Barça. Mise sur la table lors de l’ère I de Joan Laporta, la création d’un nouveau stade n’a été, pendant des années, qu’une promesse pour calmer les foules. En 2021, les Blaugrana évoluent toujours dans un Camp Nou laissé vétuste par la précédente administration, accusée d’avoir mis en danger les supporters. Désormais, tous les feux sont au vert… ou presque.
Validé par un raz de marée de "oui", le financement du nouveau stade a convaincu les socios compromisarios. Au programme : un prêt d’1,5 milliard d’euros sur 35 ans contracté auprès de la banque Goldman Sachs (qui s’ajoute aux 595 millions d’euros déjà versés plus tôt cette année pour éviter la banqueroute et renégocier une partie de la dette), un stade rénové aux exigences actuelles, mais aussi un lifting du Palau Blaugrana, une nouvelle patinoire, un agrandissement du stade Johan-Cruyff inauguré en 2019 qui accueille actuellement le Barça B et l’équipe féminine à Sant-Joan-Despì, et enfin un campus de restaurants, de bars et d’hôtels. De quoi augmenter les revenus de manière significative.
"La première considération à avoir est claire : le Barça doit agir de toute urgence sur son stade, expose Marc Duch, porte-parole de la motion de censure contre Josep María Bartomeu. Il est essentiel de posséder une maison avec tout le confort et toutes les possibilités commerciales, ce qui n’est pas le cas actuellement". Pour autant, la situation calamiteuse donne l’impression que cette initiative est opérée à contre-temps.
"Ce ne sont pas les meilleures conditions pour aborder un tel investissement, avec une dette de 1,4 milliard d’euros et un chiffre d’exploitation qui ne génère pas de bénéfices et qui ne couvre même pas les coûts, avance-t-il encore. Cela ne semble pas très judicieux de prendre de tels risques car à cela s’ajoutent les intérêts qui ne se sont pas encore matérialisés mais qui feront monter le coût de l’opération à environ 1,9 milliard d’euros. Je comprends la précipitation mais, personnellement, j’aurais choisi de sécuriser les comptes pendant un ou deux ans pour ensuite m’attaquer aux travaux. Pendant ce laps de temps, les aspects urbains, les licences et les alternatives de financement auraient été résolus".
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Xavi peut-il imiter Guardiola au Barça ? "Il part de beaucoup plus loin"

Le Barça est ambitieux et table sur une hausse de 67% par rapport à la période prépandémique, sur la base des résultats obtenus par des clubs comme l’Olympique Lyonnais, la Juventus, Arsenal et Tottenham. Cela permettrait de rembourser le prêt, le club bénéficiant de 5 ans de carence avant le début des échéances. Mais l’institution blaugrana ne se berce-t-elle pas d’illusions ? "Le début du remboursement correspond au moment où le club percevra les revenus d’exploitation du nouveau stade, détaille encore Duch. Ces revenus supplémentaires sont estimés à environ 200 millions d’euros par an sur lesquels il y aura une ponction de 50 millions d’euros sans compter les intérêts. Cela semble jouable sur le papier mais la situation est si proche de la limite qu’il n’y aura aucune marge d’erreur".
Pour l’heure, le top départ des grands travaux n’a pas encore été donné. Les socios, dans leur ensemble cette fois, seront amenés à valider définitivement ce projet lors d’un référendum qui devrait se tenir en décembre. Cet Espai Barça sans cesse repoussé est aussi le symbole de la mauvaise gestion de la précédente direction qui avait fait ratifier un projet par les socios, avant de faire exploser le budget initial. De quoi inquiéter. Et ce n’est pas la seule chose qui chagrine.
Déjà endettés, les Catalans misent énormément sur le retour des touristes, largement impliqués dans le tarif prohibitif des places. Actuellement privé de cette poule aux œufs d’or, le Barça a drastiquement baissé le prix de son fameux sésame d’entrée pour attirer les locaux. Peine perdue : le Camp Nou n’a même pas fait le plein pour le Clásico. "La pandémie a porté un coup très dur à Barcelone, poursuit Marc Duch. 40% des magasins ont fermé, c’est dramatique. L'effet Barça est toujours là, c'est toujours l'une des grandes attractions de la ville, mais il diminuera si le club ne performe pas, s'il n'est pas dans l'élite. Par ailleurs, au-delà des revenus que le Barça peut générer pour la ville (estimé à 1% du PIB de la Catalogne, ndlr), le conseil municipal ne considère pas que le modèle économique de la ville doive passer par le tourisme. Nous savons tous que cela ne doit pas virer à la surpopulation et, précisément, il faut un tourisme plus sélectif, offrir des options de divertissement, de loisirs, de gastronomie et de culture plus haut de gamme. Et cela passera 'sí o sí' par le Barça".

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Le Camp Nou avant le Clasico

Crédit: Getty Images

Des contrats à négocier… sans Messi en vitrine

Pour attirer à nouveau ces fans prêts à payer très cher leur week-end à Barcelone, il faudra aussi investir sur le terrain, vendre du rêve… Encore faut-il l’acheter. Pas simple en l’absence de Messi, l’homme qui, en France, est subitement passé de "raison de l’écroulement financier du Barça" à "investissement très rentable" depuis sa signature au PSG… A court terme, cela paraît difficilement matérialisable, surtout lorsqu’on sait que Laporta a pris une assurance.
Pour se mettre à l’abri des déconvenues, la direction l’a joué prudente. C’est un des autres points de l’assemblée qui a fait jaser : la suspension d’un article qui prévoit la démission d’un board qui enregistre deux années consécutives de pertes. En effet, malgré son élection tardive en mars, le président est légalement responsable de l’exercice précédent et donc des pertes correspondantes. Une épine dans le pied plantée par son prédécesseur Josep María Bartomeu et que Laporta a en partie extraite après la validation de cette suspension par les socios.
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"Pour Xavi, c'est le pire moment possible mais il n'y aura jamais de bon timing avec cette équipe"

Pas le temps de se réjouir pour autant. Outre l’Espai Barça, un des dossiers brûlants concerne le sponsor maillot. 2022 sonnera la fin du contrat avec Rakuten, un deal à 55 millions d’euros signé avant la COVID-19 qui ne devrait pas être prolongé. Le temps est donc à la négociation et le club a déjà annoncé par la voix d’Eduard Romeu, son vice-président, vouloir une somme équivalente : "Nous ne regardons pas la valeur actuelle mais celle d’avant la pandémie. Celui qui souhaite que son nom orne ce maillot devra payer". Un souhait qui semble peu réaliste, tant la force médiatique et marketing du Barça a diminué depuis la dislocation de la MSN.
Une inquiétude partagée par Adria Soldevila, journaliste qui a révélé le scandale du BarçaGate : "C’est difficile de trouver un sponsor maillot de l’ampleur de Rakuten sans Messi, sans Griezmann, sans résultats, sans titres, avec un stade qui part en lambeaux. Pour l’heure, le Barça reçoit 30M€ avec des variables mais Laporta exige 55M€, soit la somme avant la pandémie. Il négocie actuellement avec différents sponsors mais aucun nom n’a filtré. Je suis très sceptique. Je ne pense pas qu’une marque alignera 55M€ pour une équipe qui ne sait pas où elle va".
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Grand club mais petite équipe : Le Barça a-t-il touché le fond ?

Malgré la peur de l’avenir, le club a encore quelques actifs intéressants et utilisables. Pour bénéficier d’argent frais le plus rapidement possible, la direction Laporta a également demandé l’accord des socios pour vendre 49% du Barça Studio, sa filiale de production vidéo. Une décision prise au regard du chèque encaissé à court terme, mais aussi face au peu de moyen de… production dont dispose le club pour multiplier les revenus. Décision validée sans grand débat mais qui révèle un jeu à plusieurs bandes.
"Le Barça pourrait bâtir un projet à long terme mais il ne peut pas car il n’en a pas les moyens, constate Adrià Soldevila. Comme il n’y a pas d’argent à investir, il vend 49% pour conserver la majorité des parts pour la somme de 100 millions d’euros. La première moitié constitue de l’argent frais, une rentrée directe dans les comptes. La deuxième moitié concerne la production. Le Barça n’a pas de capacité de production. Ce n’est même pas le Barça qui produit Barça TV mais Movistar, à la suite de Mediapro. Il n’y a pas le personnel nécessaire pour se lancer dans des projets de grande envergure. Matchday, le programme en immersion sur l’équipe première, était une coproduction avec Kosmos (la société de Gerard Piqué, ndlr) qui n’a pas non plus les capacités de produire et a dû sous-traiter à la société de Jordi Évole (un journaliste qui a obtenu une interview exclusive de Messi en décembre 2020, ndlr) qui a assumé l’intégralité des frais. L’autre aspect de cet accord serait de se mettre en cheville avec une compagnie qui, elle, a les moyens de produire et l’expérience suffisante pour les vendre : Netflix, HBO ou Amazon Prime par exemple".
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Joan Laporta, presidente del Barcellona

Crédit: Imago

Plus de socios pour plus de revenus

Si l’AG n’a pu aller à son terme dès le 17 octobre et s’est offert un bis le 24, c’est qu’il y a du débat. Et une proposition de Laporta n’a pas reçu les suffrages espérés. Cela concernait le sujet épineux de la Confédération mondiale des peñas, une organisation qui, selon le président, a trop de pouvoir, notamment celui de siéger d’office à toutes les AG pour 30 de ses membres quand les socios, propriétaires du club, ne sont tirés au sort que pour 2 ans.
La raison invoquée par Laporta est également financière et il ne s’en est pas caché : "Nous avons payé 3,5 millions d’euros l’année dernière, et deux millions et demi cette année. Je ne dis pas qu’il y a de la mauvaise foi mais nous ne savons pas à quoi a servi cet argent". Une constatation que partage Marc Duch, membre de l’équipe de Víctor Font, rival de Laporta lors des dernières élections : "la Confédération est inutile et permet certaines attitudes qui coûtent cher au club et nuisent également aux groupes de supporters eux-mêmes. Je peux comprendre qu’avoir une organisation territoriale soit utile mais cela peut très bien se faire directement avec le club, sans structure administrative ou dotation budgétaire propre et sans que cela implique d’avoir à assumer des engagements qui ne profitent qu’à certains membres".
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SPAIN, Barcelona : FC Barcelona's supporters form the sentence "We are Barca" prior to the Spanish league football match FC Barcelona vs Club Atletico de Madrid at the Camp Nou stadium in Barcelona on May 17, 2014.

Crédit: AFP

Un discours qui déplaît fortement à Antonio Freire, président de la confédération mondiale des peñas, qui réfute tout enrichissement ou lobbying à l’égard de l’ancienne direction Bartomeu, accusée d’avoir été conciliante. "Ce qu’a fait Laporta est une honte ! Pendant son discours, il a menti en affirmant que les dirigeants de la confédération étaient rémunérés par le club. C’est absolument faux ! C’est un travail volontaire et bénévole. Pendant sa campagne, Laporta s’était engagé à maintenir la structure telle quelle. Il n’a jamais affiché une grande sympathie à l’égard des peñas. Les membres de la confédération sont élus par les fédérations mais Laporta les voient comme un contre-pouvoir, alors que cela n’a jamais été le cas, bien au contraire. Nous ne sommes pas un lobby. En effet, chaque peña était libre d’apporter son soutien à n’importe lequel des candidats : aucune n’a fait campagne, tout comme la confédération". Finalement, Freire a remporté le sprint sur la ligne : il a manqué… 2 voix à Laporta pour obtenir la majorité des deux-tiers !
La communauté de socios du Barça est une force et un argument pour attirer. Alors le club en a profité pour faire d’une pierre deux coups en développant ce lien tout en augmentant les revenus. La solution : encore plus de socios ! Depuis la mandature de Sandro Rosell, devenir socio était redevenu le parcours du combattant. Depuis l’AG d’octobre, le cahier des charges pour devenir co-propriétaire du Barça est désormais simplifié. Finie l’affiliation obligatoire et le besoin de se déplacer sur place pour acquérir ce droit, tout se fera désormais numériquement et sans aucune demande de lien familial avec un socio. Actuellement de 137.514, le nombre de socios a déjà dépassé 160.000. Une marge intéressante pour la suite (la cotisation annuelle pour un adulte est de 186 euros par an) mais qui posera très vite à nouveau la légitimité d’une assemblée générale qui ne réunit qu’un panel réduit de décideurs. Une des améliorations à prévoir si le club continue d’appartenir à ses socios.

La société anonyme : une éventualité qui prend de l’épaisseur

Quand on déroule le fil de cette AG, on finit par se poser une question cruciale car fondatrice du Barcelonismo : les jours du système de socios sont-ils comptés ? Entre les liens avec Goldman Sachs et l’envie de peser face aux clubs-Etats, le passage en SAD (société anonyme sportive) inquiète sans que personne ne semble vouloir l’aborder. Pour l’instant, c’est une hypothèse mais elle prend de l’épaisseur. Après tout, Joan Laporta n’avait-il pas dit être contre la SuperLeague avant de changer radicalement d’avis, prenant fait et cause pour Florentino Pérez, unis dans leur détestation de Javier Tebas (alors même que le Barça et le Real Madrid ont largement bénéficié du storytelling et la bipolarisation à outrance de la Liga avec Lionel Messi et Cristiano Ronaldo) ?
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SuperLigue ou SuperChampions ? "Ca n'a rien de super, ça ne sert qu'à rapporter du fric"

Le monde change, le football change et le Barça ne déroge pas à la règle. "La direction du club insiste sur le fait que le Barça restera la propriété des socios, constate Adrià Soldevila. Mais il est évident que la dette du Barça, avec le prêt à Goldman Sachs, atteindra les 3 milliards d’euros. Il est difficile d’imaginer que le club sera gérable avec un tel débit et aussi peu de revenus". Marc Duch, quant à lui, est beaucoup plus pessimiste même si cette opportunité est plus que jamais envisageable. C’est même un risque latent : "le Barça est l’une des dernières très grandes marques mondiale à ne pas encore être aux mains de fonds d’investissement, de cheikhs, d’entreprises. C’est très juteux pour quiconque veut entrer dans le monde du football par la grande porte. Mais cela peut aussi l’être pour l’establishment barcelonais qui pourrait enfin reprendre les biens immobiliers du club. C’est le rêve secret des classes aisées de la ville depuis une trentaine d’années. Si on ajoute à cela l’internationalisation et la complicité des élites locales dans le processus de dépersonnalisation mené au sein même du club depuis dix ans, nous arrivons au moment où de nombreux socios pourraient dire : 'après tout, pourquoi pas ? Si cela nous rend plus puissants et compétitifs…'. Cette réflexion pénètre des secteurs qui, il y a quelques mois encore, s’y opposaient totalement".
Empêtré dans des guerres intestines, le FC Barcelone survit sous respiration artificielle. Le club blaugrana a le défaut de ses qualités, avec des socios qui peuvent décider de l’avenir, agir en cas de désaccord, écarter un président néfaste, mais qui le rend, de ce fait, éminemment politique. Des clans s’affrontent médiatiquement pour le pouvoir, oubliant la déliquescence dans laquelle se plonge ce club meurtri, blessé par les balles des membres de sa propre famille. Désormais, les grandes décisions sont prises, ne reste qu’à les appliquer. Plus facile à dire qu’à faire : l’environnement catalan peut être une vraie poudrière.
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