LOSC - Lille est-il pris au piège de Bielsa ?

Marcelo Bielsa incarne le LOSC. Aucun entraîneur ne personnifie à ce point un autre club de Ligue 1. Même la patte de Claudio Ranieri, pourtant star du mercato nantais, n'a pas la même empreinte que celle de l'entraîneur argentin dans le Nord. Parce que Bielsa est la pierre angulaire d'un projet ambitieux. Parce que son style et ses principes exigent une liberté totale dans l'exercice de son métier. Parce son image et sa réputation, de Bilbao à Marseille, ont nourri un culte dédié à sa personne et une notoriété débordante. Parce qu'aujourd'hui, Lille, c'est Bielsa.

Mais aujourd'hui, Lille est relégable, 19e de Ligue 1. Le contenu de ses matches est loin des espérances soulevées par l'arrivée du tacticien de Rosario et l'évolution de l'équipe depuis la 1re journée n'esquisse aucun progrès. Cet été, Lille est devenu ambitieux et a déboursé 70 millions d'euros. Face à l'écart qui sépare le mercato audacieux et les résultats désastreux, n'importe quel club de cette trempe aurait déjà changé d'entraîneur. Sauf que Lille, c'est Bielsa et que le mettre à la porte, c'est tirer une croix sur l'une des raisons d'être du projet.

Le LOSC est-il condamné à vivre mais aussi à mourir avec sa nouvelle tête de pont ? Non même si aujourd'hui, Bielsa est "the right man at the right place". Lille est avant tout l'otage de son projet et du modèle économique choisi par Gerard Lopez. Les champions de France 2011 ont choisi une stratégie très claire : bâtir une équipe avec de très jeunes talents, parier sur leur progression et miser sur leur plus-value à court et moyen terme. Qui mieux que Marcelo Bielsa, qui a fait sa réputation sur sa capacité à faire progresser de jeunes joueurs, peut accompagner (et incarner) ce projet ?

Les dirigeants nordistes espèrent qu'il fera avec les Yves Bissouma, Nicolas Pepe, Luiz Araujo, Thiago Mendes ce qu'il a fait, entre autres, avec Mario Lemina, Florian Thauvin et Gianelli Imbula, tous revendus avec d'énormes plus-values après le passage d'El Loco à Marseille. Puis Michy Batshuayi et Benjamin Mendy, un an après son départ. Mais si Lille choisissait de se séparer de son entraîneur, son projet lui survivrait. Il est faux de croire, même si cela est tentant, que tous les pouvoirs se concentrent entre les mains de Bielsa. S'il incarne le projet mieux que quiconque, l'Argentin n'est pas le seul décisionnaire.

C'est Bielsa et Luis Campos, le boss du recrutement lillois, qui ont construit l'effectif. Comme dans d'autres clubs, le coach fait part de ses souhaits, de façon peut-être plus détaillée et méticuleuse qu'ailleurs, et c'est bien le conseiller sportif de Gérard Lopez qui trouve et convainc les nouvelles recrues. Si le message de Bielsa a du mal à passer, si ceux qui sont au-dessus de lui estiment qu'il n'est plus l'homme de la situation, le projet lui survivra. Parce que si il lui ressemble, il reste plus grand que lui. Il faudra bien sûr trouver un coach capable de faire grandir l'équipe. Le profil d'un Claude Puel, qui vient de s'engager avec Leicester, pourrait convenir à la nouvelle direction prise par le LOSC.

Alors non, Lille n'est pas otage de Bielsa. Il est otage du temps. C'est la nature même de son projet qui en réclame. A Rennes le week-end dernier, la moitié de l'équipe de départ n'avait jamais joué en L1 avant cet été. La patience et football font rarement bon ménage. Lille n'a pas le choix. Avec ou sans Bielsa.