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Nantes au tribunal du jeu

Louis Pillot

Mis à jour 20/12/2017 à 18:33 GMT+1

LIGUE 1 - Avant de se déplacer à Amiens mercredi, Nantes est cinquième. La performance peine pourtant à impressionner, tant le jeu nantais fait l’objet de critiques. Au-delà de la querelle classique entre romantiques et pragmatiques, le jugement omet souvent de prendre en compte l’histoire récente des Canaris.

Claudio Ranieri

Crédit: Getty Images

Dans le football, “l’important, ce sont les trois points”. Du moins, c’est ce que pensent coaches, dirigeants et joueurs, tous confrontés à l’obligation de résultats. Mais le foot ne se joue pas qu’avec une calculatrice. Le FC Nantes, cette saison, en fait l’amère expérience. Les trois points, les Canaris maîtrisent : ils sont, avant la 19e journée, cinquièmes derrière un quatuor intouchable (OM, OL, Monaco, PSG). La note artistique, au contraire, fait toujours défaut. Et les observateurs, malgré les résultats, ne manquent pas de s’en prendre à la qualité de jeu nantaise.
Pendant le Canal Football Club, puis sur son blog, Pierre Ménès s’est ajouté à la longue liste des critiques du FC Nantes. “Une purge”, “pas de jeu du tout”, “on s’emmerde” : le consultant n’a pas été avare en critiques envers l’équipe de Claudio Ranieri, tout juste victorieuse face à Angers (1-0). Si la manière est véhémente, le fond, lui, est compréhensible. Le jeu nantais, construit sur un bloc plutôt bas et sans grand talent devant, est loin d’être enthousiasmant. Et les premiers concernés, comme Adrien Thomasson, en ont eux-mêmes conscience : “On aimerait y mettre plus la manière, mais les résultats sont là. On ne peut pas faire la fine bouche.
Seulement, le football moderne ne se contente plus de résultats. Il faut en plus respecter une philosophie, une fameuse “identité de jeu”. Didier Deschamps connaît le terme, lui qui affronte la même critique à chaque match de l’équipe de France. Sur Twitter, Pierre Ménès disait dimanche se souvenir “d’un autre FC Nantes, d’une autre idée du jeu. J’aimerais bien entendre Suaudeau et Denoueix”. D’où la question, au centre du procès subi par Nantes : comment une équipe, ayant connu de telles heures de gloire avec un football rentré dans les mémoires, peut-elle proposer un spectacle pareil ?

Passé et pragmatisme

La réponse est simple : tout simplement parce que Raynald Denoueix, successeur de Jean-Claude Suaudeau et chantre lui aussi du fameux “jeu à la nantaise”, est parti il y a désormais plus de seize ans. Depuis, le FC Nantes a connu le ventre mou, la relégation, par deux fois, puis le retour au premier plan avec Conceiçao et Ranieri. Le jeu prôné par Denoueix et Suaudeau a vécu de belle manière, mais n’a pas survécu aux affres du temps et aux problèmes structurels et sportifs traversés par le FC Nantes.
Peu d’équipes, en Europe et dans le monde, peuvent se targuer de vivre sur une philosophie. Le Barça, réorganisé de bas en haut par Johan Cruyff pour coller à son idéal de “football total”, est l’un d’entre eux. Le FC Nantes, malgré sa domination au crépuscule du XXe siècle, n’en fait pas partie. Et le club est, de fait, comme 98% des autres, tributaire de la conjoncture, de ses moyens, de son effectif, et de la philosophie prônée par son coach. En cela, comparer le jeu pratiqué il y’a quinze ans avec l’actuel n’a pas de sens. Il n’y a qu’à voir l’état actuel de l’AC Milan pour s’en persuader…
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Le onze de Nantes, champion en 1994-95

Crédit: Imago

D’autant qu’avec Ranieri, Nantes a avant tout fait le choix du pragmatisme. La spécialité de l’Italien ? Faire avec ce qu’il a. A Monaco, Ranieri avait sous ses ordres Falcao, James Rodriguez ou João Moutinho. Deuxième de L1 avec 80 points en 2014, l’ASM de Ranieri jouait avant tout sur les qualités de ses attaquants. A Leicester, l’Italien s’est d’abord reposé sur le bloc défensif, l’assise du duo Kanté-Drinkwater et le génie de la paire Mahrez-Vardy. D’où la transformation de Leicester en une équipe de contre, le plus souvent sobre (8 victoires 1-0) mais spectaculaire par intermittence. L’équipe actuelle de Nantes ressemble plus aux Foxes, passant peut-être plus par les côtés, remontant assez bien le ballon jusqu'à la moitié de terrain adverse, mais ne bénéficiant pas du même génie devant. Fatalement, pratiquer du jeu avec un effectif aussi moyen relèverait presque de l’utopie.

La honte de mal jouer

Certes, Amiens, adversaire mercredi des Nantais, pratique sans doute un football plus attractif avec moins de moyens. Mais pour quels résultats ? Les Amiénois ont réussi quelques coups, et figurent à une très honorable 13e place. Mais, notamment contre Lyon, malgré leur domination, les coéquipiers de Gaël Kakuta se sont inclinés (1-2). Nantes, au contraire, sait avant tout ne pas perdre. Quitte à bétonner, en attendant de pouvoir faire mieux. Peut-être dès le mercato d’hiver, ou Waldemar Kita aurait consenti à mettre les moyens pour attirer un attaquant et renforcer un effectif assez faible en qualité.
Il faudra, en attendant, affronter ce tribunal du jeu. La honte de “mal” jouer est propre au football moderne, conséquence sans doute de la domination de Guardiola avec le Barça. L’Espagnol a popularisé le “tiki-taka”, et dégradé du même coup l’image du jeu défensif en Europe. Aujourd’hui, plus possible de “garer le bus” sans être accusé de vouloir tuer le football. Certes, si l'on regarde l'effectif de José Mourinho à United, on se dit que cette équipe peut prétendre à jouer un beau football. Mais Nantes est loin d'avoir le même effectif que MU. Et les Canaris feraient mieux d’écouter Raynald Denoueix, qui disait dans France Football : “Le foot, c'est marquer des buts et ne pas en prendre. Il n'y a rien de romantique là-dedans.
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Emiliano Sala, buteur pour Nantes contre Angers

Crédit: Getty Images

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