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L'OL de 2000 à 2010 - "Penalty sur Nilmar", l’éternelle injustice de la "machine de guerre"

Cyril Morin

Mis à jour 08/04/2020 à 10:53 GMT+2

Après la Coupe de la Ligue en 2001, voilà l’OL lancé vers une domination sans précédent sur le foot français. Sept titres nationaux consécutifs, record inégalé, déboucheront de cette période faste. Alors, le club va chercher à viser plus haut : l’Europe. Mais, à Eindhoven en 2005, Lyon tombe une première fois de haut. Voici le deuxième volet de notre série consacrée à l'OL des années 2000.

Nilmar fauché face au PSV, le drame de l'OL

Crédit: Eurosport

La plus grande place d’Europe déborde de monde. Souvent raillée pour son apparente tranquillité, la ville de Lyon connaît une soirée hors norme en ce 4 mai 2002. A quelques mètres de là, Gerland aussi est en fusion. Sous les yeux de 42 000 personnes massées dans l’enceinte lyonnaise, l’OL a pris le pouvoir pour de bon en dominant Lens (3-1) pour s’offrir son premier titre de champion. Six ans plus tard, c’est dans le calme d’une soirée à Auxerre que l’OL est sacré pour la septième fois consécutive (1-3), record encore d’actualité malgré la mainmise parisienne. Place Bellecour, il n’y a plus la même effusion. L’habitude, sans doute.
Car l’OL n’a pas chômé dans la création de son empire imaginé par Jean-Michel Aulas. La Coupe de la Ligue 2001 aura été le catalyseur mais surtout le déclencheur d’une dynamique historique à l’échelle nationale. La "machine de guerre" décrite par Patrick Müller prend le contrôle de l’Hexagone. Et rien ne résiste à sa prise de pouvoir. De 2002 à 2005, la montée en puissance est constante et l’étreinte se fait de plus en plus présente. Lyon est le roi de la jungle Ligue 1.

Le "rouleur-compresseur" de la Ligue 1

"On avait réussi à installer une réputation, nous confirme Grégory Coupet. On n’était pas facile à jouer et on ne lâchait jamais rien. Même si on ne marquait pas, on finirait toujours par le faire. Les équipes qui venaient chez nous nous craignaient naturellement. Il y avait un côté inéluctable. Aujourd’hui, des équipes viennent à Lyon pour prendre des points. A notre époque, ça n'existait pas".
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Sylvain Wiltord, Sidney Govou, Claudio Caçapa et Mahamadou Diarra, symboles d'un OL qui écrase tout sur son passage

Crédit: Getty Images

Jean-Alain Boumsong confirme dans un grand sourire : "Moi, je me souviens quand je jouais à Auxerre, c’est simple, je n'ai jamais gagné contre l’OL, se marre-t-il encore aujourd'hui. 9 matches, 7 défaites et 2 nuls. Contre l’OL, à Gerland, si vous faisiez nul, c’était un super super résultat. Par contre, si vous perdiez, il fallait le faire en évitant la casse. Le 3-0 ou 4-0 pouvait venir très facilement."
Les chiffres ne font que confirmer l’impression. Deux petits points séparent l’OL et Lens en 2002 à la tête du championnat. En 2004-2005, douze unités manquent à Lille, honnête dauphin, pour enquiquiner les Gones. Ils sont seuls sur leur planète. Alors le championnat va vite leur paraître trop petit. Pour se faire un nom et toucher les cœurs, ils le savent, il n’y a que l’Europe.
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Impressionnant : visualisez la domination de l'OL des années 2000 en un clin d'oeil

D’ailleurs, l’ivresse continentale a déjà atteint les têtes lyonnaises. Cette folle nuit de mars 2001 où le tout jeune Sydney Govou avait mis à terre le grand Bayern Munich, champion d’Europe cette année-là, a eu un effet addictif. L’OL veut de nouveau connaître ces soirées de gala où il peut se mêler au gratin européen. Jean-Michel Aulas ne fait d’ailleurs que le répéter à l’envi.
Pourtant, les premières années de sa domination, Lyon n’arrive pas à jouer sur deux tableaux. En 2002, l’élimination en 8e de finale de Coupe UEFA par le Slovan Liberec passe mal. Bis repetita en 16e de finale l’année suivante face au modeste club turc du Denizlispor. Mais les progrès sont réels. Les Gones sont allés battre l’Inter de Zanetti et Crespo à San Siro et ratent la qualification à la différence de buts.
Vient 2003-2004. Le premier quart de finale de Ligue des champions de l’histoire de l’OL. "En 2004, après le tirage au sort, on est content, se rappelle Patrick Müller. On tire Porto, on se dit que c’est un bon tirage. Je m’en rappelle très bien parce que Monaco tire le Real Madrid en même temps et là, j’étais en duplex avec un journaliste, on se dit que Lyon a plus de chances de passer que Monaco". La suite est connue : Monaco s’offre une épopée qui marque son époque et l’OL reste à quai. Le défenseur suisse relativise cependant : "Contre Porto, l’équipe n'était pas encore taillée pour remporter la C1". Ça va vite changer.

La trouvaille de Le Guen qui va révolutionner l’OL

L’été 2004 marque un tournant. Mais, comme souvent avec Jean-Michel Aulas, l’OL est prêt à grandir. Peguy Luyindula, Vikash Dhorasoo, Patrick Müller, Edmilson, Eric Carrière, Christophe Delmotte et Eric Deflandre quittent le navire. Place à la nouvelle génération, dont certains sont arrivés l’été auparavant. Eric Abidal, Michael Essien, Florent Malouda, Cris, Anthony Réveillère ou Sylvain Wiltord seront les visages de ce nouvel OL. Ils formeront sans aucun doute la plus belle équipe lyonnaise de l’histoire, aux côtés des Coupet, Diarra ou Govou et d’un Juninho qui n’en finit plus de prendre de l’importance.
Un choix va cependant tout changer. Celui de Paul le Guen. Aux commandes de "la Formule 1" lyonnaise pour reprendre des mots connus, il va faire un ajustement moteur décisif : le 4-3-3 et ce trio Diarra – Essien – Juninho qui va martyriser tous les milieux d’Europe. "Avant son arrivée, je crois que c’était plus 4-5-1 ou 4-4-2, nous explique Jérémy Clément qui entre dans la rotation au milieu à cette époque. Mais lui a changé pour les faire jouer ensemble. C’est ça qui a fait la force de l’équipe à l’époque et c’est finalement resté dans l’ADN du club. Djila, devant la défense, il n'y avait pas mieux à son poste. Michael Essien, le poste de milieu relayeur était fait pour lui et Juninho, ce n’est pas le peine de détailler je crois ". Un choix qui rend fier Le Guen a posteriori : "Ce milieu-là a constitué un vrai point fort de l’équipe pendant des matches et des matches". C’est peu de le dire.
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Michael Essien - Juninho - Mahamadou Diarra, le trio de rêve de l'OL

Crédit: Getty Images

Quand on faisait des exercices physiques, il y avait vraiment des avions
La complémentarité du trio propulse un OL qui s’affirme de plus en plus. Ce n’est pas la blessure de Giovane Elber dès le début de saison qui va enrayer la mécanique. Au contraire, Sylvain Wiltord récupère l’axe et enquille les buts. "Tous les joueurs qui composaient le groupe étaient des machines, se souvient avec envie Clément. Pas que techniques et tactiques mais, honnêtement, c’étaient aussi des monstres physiques. Quand on faisait des exercices physiques, il y avait vraiment des avions".
Conséquence, l’OL s’envole. Au classement du championnat mais en Ligue des champions également. En poules, les Lyonnais terminent premiers devant le Manchester United de Ruud van Nistelrooy et autres Paul Scholes. En 8es, c’est le paradis avant l’heure. Le Werder Brême de Johan Micoud en prend trois à domicile dont un missile de Juninho resté dans les annales. Le retour est un feu d’artifice historique dont Gerland se souviendra éternellement : 7-2. L’Europe a reçu le message 5 sur 5 : ces Gones sont affamés.
Au tirage, l’OL pense encore avoir la baraka. De tous les quarts de finalistes, le PSV Eindhoven est clairement le moins scintillant. Mais c’est une formation dure au mal, pleine d’expérience, guidée par un sorcier nommé Guus Hiddink, capable de miracles avec des bouts de ficelle. A l’aller, d’ailleurs, les deux équipes sont dans un mouchoir de poche. Les Néerlandais, grâce à Philip Cocu, repartent de Gerland avec un nul encourageant (1-1). Il faudra donc jouer les patrons aux Pays-Bas huit jours plus tard. La pression monte et Jean-Michel Aulas dramatise l’enjeu en présentant ce duel retour comme "le match le plus important de l’histoire du club". Il restera historique. Mais pas pour les bonnes raisons.
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La joie des Lyonnais lors du récital face au Werder Brême

Crédit: Getty Images

Van Bommel, le football sale mais efficace

L’OL est dans son match. Aucun doute là-dessus. Wiltord fait le plus dur au bout de dix petites minutes de jeu et la demi-finale se dessine plus nettement. "L’atmosphère dans le vestiaire à la mi-temps était très sereine, expliquait d’ailleurs Nicolas Puydebois, doublure de Coupet, à So Foot. On était conscients qu’il restait encore une période, qu’il fallait tenir et que ça allait être compliqué puisqu'on jouait un quart de C1 mais personne ne s’affolait. On avait l’habitude de gérer ce genre de situation, ce genre de match".
Et puis, tout déraille. En début de seconde période, le solide Alex réussit un enchaînement digne d’un attaquant de pointe pour remettre les compteurs à zéro. La tension monte et dans la cocotte du Philips Stadion d’Eindhoven, un acteur va se révéler : Mark van Bommel, général du vice et capitaine prêt à tout pour faire gagner son équipe.
Coups bas, fautes grossières, tapes amicales avec l’arbitre et provocations symboliseront sa symphonie immorale mais terriblement efficace. A l’OL, personne ne sait jouer ce jeu-là. "Ça c'est l'expérience, avoue Coupet. Quand on joue contre eux, on les déteste mais on les adore quand ils sont avec nous. Cocu, van Bommel, c'est exactement ça. Ils sont forts pour se mettre l'arbitre dans la poche".
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Mark Van Bommel dans un duel musclé avec Florent Malouda

Crédit: Getty Images

Si on avait été le Real ou le Milan…
Viennent les prolongations. Le frêle Nilmar, jeune Brésilien de 20 ans, relaye Wiltord en pointe. La suite ? Ces mots du duo Gilardi-Larqué qui résonnent à jamais dans les têtes lyonnaises : "Allez Nilmar, il va vite Nilmar… OH PENALTY ! Oh penalty ! Qu’est-ce qu’il dit monsieur Nielsen ? Il dit sortie de but ?! Monsieur Nielsen qui était à 30 mètres de l’action… Ohlalalala, ohlalala, popopoppo". En cette 100e minute de jeu, le destin européen de l’OL vient de basculer pour la première fois. Du mauvais côté. Les tirs au but éliminent les Gones et suppriment des ambitions légitimes en cette année 2005.
"Nilmar, je l'ai encore en travers de la gorge, s’emporte aujourd’hui Coupet. C'est une énorme incompréhension. Il n'y avait même pas besoin de vidéo pour que ce soit net et sans bavure. Il y a penalty tous les jours. Je crois qu'en plus il y a le quatrième arbitre qui est vers les buts. Comment il peut ne pas le voir ?"
Groggys, les joueurs rejoignent le vestiaire la mort dans l’âme, conscients de "s’être fait voler" pour reprendre les termes du jeune Bergougnoux. "Je me souviens que Juni était vraiment très remonté contre l’arbitre, nous expliquait-il dix ans plus tard. Il a même fait une réflexion au staff en disant qu’on était un petit club et qu’on ne nous respectait pas. Il disait qu’il fallait que ça change car sinon on se ferait voler à chaque fois". "Si on avait été le Real Madrid ou l’AC Milan, peut-être que le penalty aurait été sifflé", nous confirment dans un curieux écho Jérémy Clément et François Clerc. Jamais la frustration ne pourra être plus grande pensent sans doute les supporters lyonnais de l’époque. Et pourtant…
Propos recueillis avec Martin MOSNIER
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