Avant RC Lens - OM en Ligue 1 - Kevin Danso, l'aventurier devenu "l'un des meilleurs défenseurs d'Europe"

Avant le choc contre Marseille, le RC Lens, auteur d'une saison des plus spectaculaires, pointe à la troisième place. Les Sang et Or confirment chaque semaine qu'ils sont une véritable machine collective, disposant en prime d'une arrière garde imprenable, la meilleure de Ligue 1 (25 buts concédés). Au cœur de celle-ci, loin d'y être étranger, Kevin Danso, qui a pris une dimension supplémentaire cette année. "C'est un des meilleurs défenseurs d'Europe", jugeait déjà son entraîneur, Franck Haise, en novembre 2022 dans l'Equipe.

A 24 ans seulement, Big Kev a une histoire riche. Né à Voitsberg, en Autriche, il a débarqué en Angleterre à 6 ans. Avec les siens, il s'installe du côté de Milton Keynes, à une heure de Londres. Il rejoint l'Academy de MK Dons en U9, avant de prendre le large, et découvre Augsbourg à 16 ans. Il est devenu le plus jeune joueur à représenter le club à 18 ans et 165 jours en mars 2017. Avant de poursuivre un autre rêve, jouer en Premier League, à la faveur d'un prêt à Southampton en 2019, sans grande réussite. Puis, la saison suivante, retour en Allemagne, avec un nouveau prêt au Fortuna Düsseldorf, en 2. Bundesliga. C'est là que Lens l'enrôle à l'été 2021 contre quelque cinq millions d'euros, une somme qui semble désormais bien dérisoire.

Voilà pour le résumé. Pourtant, si l'on rembobine, au départ, le foot, ce n'est pas vraiment ce qui l'anime. En signant chez les Saints, il déclarait : "Mes frères voulaient toujours jouer et regarder du foot. Je trouvais ça plutôt ennuyeux. Je voulais faire du karaté, ou être acteur dans un film d'action." Finalement, c'est bien grâce à ses frangins, dont Emmanuel, qui gère aujourd'hui ses intérêts, qu'il opte pour le ballon rond. Kevin Danso grandit en idolâtrant Yaya Touré et Michael Essien, et en s'exerçant dans des cages, les city-stades, où il faut jouer vite, sous pression, développer sa dextérité et sa technique.

Après un bref passage à Reading, il rejoint MK Dons et retrouve un certain Dele Alli, qui est en U11, ou encore Sheyi Ojo, qui sera vendu à Liverpool. Au cours de son apprentissage, le jeune Kevin croise la route d'un formateur reconnu, Dan Micciche, qui estime que les jeunes doivent évoluer à tous les postes pour devenir des joueurs complets. "J'ai commencé attaquant, mais j'ai joué partout au milieu. Je suis très reconnaissant envers [Dan] pour tout ce qu'il m'a appris. Le foot est imprévisible, tu ne sais jamais où tu vas finir", expliquait Kevin Danso sur le site de Southampton.

Il se montrait dithyrambique sur la formation reçue : "Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de clubs qui affichent autant la volonté de développer chaque joueur individuellement, et leur donner le plus d'expérience possible à différentes positions." Dans The Athletic, en 2019, Dan Micciche révélait que son protégé pouvait parfaitement jouer un match U15 le matin et un autre en U14 l'après-midi. "On le faisait jouer au milieu pour qu'il soit mis sous pression, qu'il ait une vision à 360 du match et qu'il touche davantage la balle."

Et puis, à 16 ans, Danso prend une grande décision : quitter le pays qui l'a adopté, ses amis avec qui il joue depuis 10 ans, laisser tout ce qu'il a derrière lui. Direction l'Allemagne, où il a l'avantage de retrouver une culture similaire à l'Autriche et de connaître des aspects de la langue. Pour Sky Sports, il justifiait son choix : "En Angleterre, c'est très difficile de percer en tant que jeune. On s'est dit : où est la meilleure opportunité pour devenir professionnel ?" La Bundesliga, connue pour donner sa chance aux jeunes, les former dans cette optique avec une passerelle vers les A, apparaît comme une évidence. "Je savais que partir en Allemagne me sortirait de ma zone de confort, je voulais vraiment y arriver, et je l'ai compris très jeune."

Danso fait partie des pionniers à avoir quitté l'Angleterre pour saisir des opportunités Outre-Rhin, à l'image de Jadon Sancho, Emile Smith Rowe, Ademola Lookman, Reiss Nelson ou Jude Bellingham plus tard. Le cadre est idoine pour progresser. "Les jeunes ont plus de temps, il n'y a pas trop de pression, ni l'attention des médias sur eux. Je crois que c'est l'opposé en Angleterre. Tu peux te concentrer sur ton jeu et devenir un joueur pro sereinement", se réjouissait-il sur le site des Saints.

Pour lui et sa famille, un argument a pesé lourd en faveur d'Augsbourg : la scolarité au cœur du projet. Le club l'inscrit dans une école privée en langue anglaise, pour lui permettre d'obtenir l'équivalent du BAC, les A-Levels. "Tout peut arriver. Je pensais que c'était important d'avoir quelque chose sur lequel me rabattre […]. J'ai toujours su que l'école venait avant le foot."

Du reste, grâce à sa précocité – en témoigne la maturité de ses discours – il transforme les obstacles en source de motivation supplémentaire. Sur Sky Sports, il abondait : "C'était très dur mentalement les trois premières années. Tu doutes parfois de toi. Tu vois d'autres jeunes qui y arrivent : 'Qu'est-ce que je fais mal ? Qu'est-ce qu'il fait mieux que moi ?" Il joue en U17, en U19, avant d'arriver en équipe première en mars 2017 et de signer un contrat pro de 4 ans. C'est à Augsbourg que la mue vers le poste de défenseur central se fait. "A ce niveau, tout le monde a de la qualité, la moindre avance que tu peux avoir mentalement ou tactiquement est importante." Ses expériences passées au milieu sont indéniablement un atout, à la relance ou dans le placement par exemple.

Vient ensuite ce premier prêt à Southampton en 2019, où il ne joue que 6 fois en Premier League, puis un second en D2, au Fortuna Düsseldorf. En 2021, il souhaite quitter Augsbourg et les Lensois flairent la bonne affaire. Après une phase d'adaptation logique, il se met progressivement en ordre de marche, jusqu'à atteindre son niveau actuel, lui qui a joué l'intégralité des 33 matchs de Ligue 1 au sein d'une défense et d'un système modulables. Dans La Voix du Nord, début avril, il affirmait : "Tout est parfait pour moi, on est comme une famille, je suis épanoui […]. Je vis sans doute les meilleurs moments de ma carrière jusqu'à présent, le meilleur football, les meilleures personnes, pas seulement en tant que footballeurs." A la fois costaud et rapide, gérant la vitesse et la profondeur, il épouse parfaitement les principes de jeu de Franck Haise.

Dans l'Équipe, il confiait : "J'ai travaillé mon langage corporel, ma communication. Sur le terrain, je parle français. Je le comprends, ce qui n'était pas le cas au tout début." La langue, un aspect crucial évoqué dans La Voix du Nord : "J'ai appris à parler un peu la langue de chacun. L'espagnol avec Medina, du français." Et même le twi avec Salis Abdul Samed qui est Ghanéen, comme ses parents.

Devenu extrêmement serein avec le ballon, dans ses transmissions, gommant les quelques erreurs du passé, il justifie pleinement la réputation et le potentiel qui lui ont toujours collés à la peau. Complémentaire, le trio avec Jonathan Gradit et Facundo Medina fait des merveilles. International autrichien depuis 2022, il attirerait l'intérêt d'écuries européennes. "Pour l'instant, je ne pense pas à ça […]. On verra plus tard, je préfère me concentrer sur le présent", rétorquait-il sur RMC, certainement dans une volonté de calmer le jeu…