Ligue 1 - Toulouse / Polémiques, religion et orphelinat : qui est Zakaria Aboukhlal ?

Mercredi, les joueurs du Toulouse FC ont repris le chemin de l’entraînement. Malgré un contexte loin d’être apaisé, tous se sont retrouvés afin de préparer au mieux le déplacement à Nice, dimanche. Enfin, presque tous. Zakaria Aboukhlal était bien là, lui aussi. Mais il était seul. L’international marocain s’est entraîné à l’écart du groupe professionnel. Le revoir avec le maillot violet d’ici la fin de saison paraissait alors illusoire. La tendance s'est inversée jeudi, quand le club toulousain a publié un communiqué pour annoncer sa réintégration au groupe. Mais la polémique a marqué les esprits.

Il faut dire que depuis quelques jours, son nom s’est, malheureusement, bâti une notoriété dépassant la sphère sportive. Le week-end dernier, l’ailier de 23 ans a refusé de porter le maillot floqué aux couleurs de l’arc-en-ciel, au même titre que ses coéquipiers Moussa Diarra et Saïd Hamulic. Les révélations de RMC sur les propos discriminatoires qu’il aurait tenus auprès de l’adjointe aux sports de la mairie de Toulouse, qui avaient poussé le club à le sanctionner puis de faire machine arrière après la réalisation d'une enquête interne, ont placé "Zak" au cœur d'une grosse tempête. Défendu bec et ongles par ses admirateurs sur les réseaux sociaux, il a en revanche été cloué au pilori par l’opinion publique. Même si, au fond, peu savent qui il est réellement.

Comme son compatriote Hakim Ziyech, Zakaria Aboukhlal est né aux Pays-Bas. Enfant, il tâte notamment le cuir au GVV Raptim, un club fondé par son père, puis à l’académie de Willem II (en compagnie d’un certain Frenkie de Jong) et finit par rejoindre le PSV Eindhoven. Un sacré accomplissement pour celui qui, à quinze ans seulement, repousse les avances d’Everton et de Tottenham. En parallèle, il empile les sélections en équipes de jeunes, maillot néerlandais sur le dos. Avant d’opter pour le pays d’origine de sa mère.

"J’ai toujours voulu jouer pour le Maroc, avoue-t-il à So Foot, en août 2022. Les équipes jeunes des Pays-Bas m’ont offert une belle opportunité, en particulier avec l’Euro U17, mais j’avais toujours en tête que si on m’appelait avec le Maroc, je franchirais le pas." Le Maroc, c’est le choix du cœur. Tant pis pour les Oranje, donc. Et pour la Libye, dont est originaire son père, qu’il éconduit également.

Le lien qui s’est tissé entre Aboukhlal et le Maroc n’a cessé de se renforcer avec le temps. Entre ses trois et ses six ans, le jeune Zakaria vit à Casablanca. En septembre dernier, c’est justement dans la Ville blanche que le Violet inaugure un terrain de football, destiné aux enfants d’une association locale. "Je suis très sensible à la condition des enfants", déclare-t-il alors à la presse. C’est sans doute pour cela, aussi, qu’il finance un orphelinat avec ses primes et se dit prêt à adopter un enfant. "Ça fait partie des choses que j’ai envie de faire dans ma vie, et je le ferai", promet-il à So Foot.

Contrairement au grand public, Walid Regragui est au courant des activités caritatives de son protégé. "Il se bat depuis longtemps pour sauver des enfants au Maroc", défend le sélectionneur des Lions de l’Atlas dans les colonnes de L’Équipe. Avant d’ajouter : "Il a cette fibre sociale et cette volonté d’aider, de sortir les gamins de la misère. Voilà pourquoi je suis choqué par le Zakaria qu’on dépeint."

Plutôt discret à ce sujet, le natif de Rotterdam ne fait en revanche pas mystère de sa foi musulmane. Très pratiquant, il a parfois dirigé des prières et n’hésite pas à publier des récitations coraniques sur ses réseaux sociaux. "Ma religion est la chose la plus importante pour moi. Elle joue un grand rôle dans ma vie. Je l’aime, et c’est pourquoi je pense qu’il est normal de la partager", affirme-t-il dans un entretien accordé à L’Équipe.

Son rapport à la religion est d’ailleurs au centre d’une polémique qui éclate fin décembre, peu de temps après le Mondial. Le Marocain est en effet accusé par le média Achkayen de faire "l’apologie du salafisme" et d’entretenir "un prosélytisme religieux" à l’égard de ses coéquipiers en sélection. Le joueur est aussitôt défendu par sa fédération (qui annonce porter plainte pour diffamation) et par son club. Mis sous pression, le site retire l’article et doit présenter des excuses publiques à l’ancien du PSV.

Cinq mois plus tard, cette affaire ayant plongé Aboukhlal dans la tourmente aura-t-elle des conséquences sur son avenir à Toulouse. Entre le TFC et son numéro 6 - un chiffre choisi pour faire croire à ses adversaires qu’il est "lent", comme il l’a justifié -, le divorce paraissait inéluctable mais le retour dans le groupe pro est de nature à changer la donne. S'il venait à partir, que faudrait-il retenir de son passage sur les bords de la Garonne ? Débarqué en provenance de l’AZ Alkmaar contre 2 millions d’euros, le percutant ambidextre n'a pas tardé à s’imposer dans le onze de départ de Philippe Montanier.

Il a eu beau parfois manquer de clairvoyance dans le dernier geste, préférant frapper plutôt que servir un partenaire démarqué, le demi-finaliste de la Coupe du monde a cependant réalisé une saison très encourageante en termes statistiques (8 buts et 5 passes décisives en Ligue 1). Avec un but inscrit par match à partir des seizièmes de finale, il a en outre joué un rôle majeur dans la conquête de la Coupe de France. C’est donc peu dire que l’histoire entre Zakaria Aboukhlal et Toulouse avait plutôt bien débuté. Reste désormais à savoir si elle va se poursuivre.