PSG - Warren Zaïre-Emery, histoire d'un surclassé : "Mais c'est pas possible, il n'a que 16 ans ?!"

On a pris Christophe Galtier pour un frileux. Interrogé mardi sur la possibilité de voir Warren Zaïre-Emery titulaire face à Angers (2-0), le coach parisien avait eu ces mots lourds de sens concernant le gamin de 16 ans. "Warren ? Ah oui, il est capable de démarrer un match de championnat et même un match de Ligue des champions, a-t-il répondu du tac-au-tac. Ça, j'en suis convaincu et on en est tous convaincus depuis un certain moment. Ce qui me conforte dans notre analyse, c'est que nos grands joueurs ont le même regard que nous".

Mercredi, le titi n'eut droit qu'à 11 minutes de jeu. Mais Galtier n'avait pas eu peur et n'avait pas menti. Il voyait son poulain prêt à jouer les premier rôles. Dimanche, pour le choc face à Rennes (1-0), le natif de Montreuil a donc connu sa première titularisation en L1. A 16 ans et 313 jours, faisant de lui le plus jeune joueur de l'histoire du club à évoluer dans l'élite. Dans la défaite, il fut l'un des moins résignés. Costaud dans les duels, propre avec la balle et parfois inspiré dans ses projections, il donna raison à Galtier. En le voyant balader son gabarit d'adulte (1,78m, 70 kg), impossible deviner qu'il n'a que seize ans.

"Le mot qui le résume le plus le concernant, c'est maturité, avance José Alcocer, sélectionneur U16 à la tête des U17 lors du dernier Euro remporté par les jeunes pousses tricolores. C'est un gamin de son âge, super dans l'état d'esprit, un peu réservé mais qui a du caractère. Mais dans son jeu et dans la vie de tous les joueurs, il fait preuve d'une vraie maturité. Si son âge civil est de 16 ans, son âge footballistique est plus élevé".

L'histoire de Zaïre-Emery ne dit pas autre chose. Né à Montreuil, le gamin prend sa licence à Aubervilliers dès ses quatre ans. Il n'y restera pas longtemps. Paris repère le talent et, en 2014, à 8 ans, il signe son premier coup d'éclat…au stade de France. Lors de la finale des poussins, en amont de la finale de Coupe de la Ligue entre le PSG et OL, il s'illustre par un but en pleine lucarne. Déjà, à l'époque, il est en avance.

"A l'association PSG, ils n'ont pas forcément pour habitude de surclasser les joueurs, rappelle Anthony Vivien, à la tête du site Les Titis du PSG, qui a suivi son évolution au long cours. Il a fait partie des rares exceptions. Ca a continué ensuite à la préformation, à la formation et même avec les sélections nationales. Ça prouve qu'on a affaire à un phénomène mais un phénomène à la tête bien pleine. Derrière ses airs timides et réservés, au milieu du vestiaire, de par son physique et son évolution des derniers mois, on a l'impression d'avoir affaire à un joueur de 25 ans".

Surclassé, il le fut aussi l'été dernier lorsqu'il participa à l'Euro U17 avec les Bleus. Arrivé avec une gêne en Israël, Zaïre-Emery débute le tournoi comme remplaçant. Pour le finir comme homme à tout faire de cette équipe, avec notamment un pion magnifique en demi-finale face au Portugal. "Quand on prend un joueur dans la catégorie d'en-dessous, c'est pour être titulaire, sinon on le laisse grandir à sa place. Normalement je devais avoir les meilleurs 2005. Si un 2006 arrive chez nous, c'est que le gamin est exceptionnel dans sa catégorie, ce qui était son cas, rembobine Alcocer. De par sa qualité de joueur et sa qualité humaine, je peux vous dire qu'il a fluidifié les choses dès qu'il est revenu. Il a simplifié les choses et tout le monde s'est mis au diapason autour de lui".

Une habitude au fond. Depuis son plus jeune âge et quelque soit les échelons, Zaïre-Emery est toujours apparu comme le gamin au-dessus de la mêlée. "C'est vrai que lui, c'est une évidence, reconnaît Anthony Vivien. On a l'impression que les fées du football se sont penchées sur son berceau à sa naissance. A ses débuts, j'avais quelques retours sur l'association PSG. Mais des gamins qui ont 8, 9, 10 ans bourrés de talent, il y en a plein. Ce n'est pas révélateur de la suite. Mais dès la préformation, ça s'est confirmé. Tous ses entraîneurs m'en ont parlé et il m'avait impressionné dès ses premiers tournois. Je me souviens d'un tournoi à Madrid où il avait été élu meilleur joueur. Son coach m'avait dit 'si tu voyais ce qu'il a fait sur le premier match…'. Derrière, j'ai cherché des streaming pour regarder ces matches, c'était impressionnant ! Il faisait une tête de plus que tout le monde, il était exceptionnel. C'était sa première année de préformation, j'ai tout de suite compris à qui on avait à faire".

Cette "évidence" a fini par s'imposer à Christophe Galtier. Impressionné par la maturité du gamin lors du stage au Japon, il décide de lui offrir ses premières minutes en pro dès la première journée, à Clermont. Il n'est pas le seul à avoir saisi la portée du phénomène. L'an passé, c'est l'agence de Jorge Mendes que Zaïre-Emery a rejoint. Depuis, le célèbre agent portugais a été conforté dans son choix. "C’est qui ce gamin que tu as pris dans ton écurie ? C’est un extraterrestre !", lui aurait ainsi confié Vitinha, selon France Bleu.

"Certains jeunes sont matures en dehors du terrain mais quand ils jouent, on se dit 'ah oui, c'est un petit jeune', confirme José Alcocer. Lui, toutes les réponses qu'il donne sont bonnes, logiques, cohérentes. En fait, il a une justesse de jeu qui est très rare à son âge. Techniquement, tactiquement, dans l'engagement : il est bluffant partout. On a l'impression qu'il fait des choses très simples mais dans le détail, c'est bluffant : soit il enchaîne très vite, soit il fait pied droit – pied gauche, il est capable de jouer long. Sa justesse est technique, tactique, athlétique et même mentale. Il ne lâche rien, c'est incroyable ! En fin de compte, quand on regarde tout ça, on se dit 'mais c'est pas possible, il n'a que 16 ans ?!'".

Son ascension est telle que Luis Campos et Christophe Galtier ont écarté l'idée de recruter au milieu de terrain pour lui faire de la place. Adoubé par les cracks parisiens, il l'est aussi par l'encadrement du club. Zaïre-Emery, c'est aussi ça : une tête bien pleine. "On ne le voit pas beaucoup mais il écoute, il observe beaucoup, détaille encore le sélectionneur U16. Mais quand vous discutez avec lui, il a un raisonnement très logique, très pertinent. Il a terminé deuxième du concours d'éloquence organisé par le PSG, j'ai lu son intervention, c'était fantastique. Ca résume très bien son caractère : ce n'est pas celui qu'on entend le plus mais quand il prend la parole ou quand il prend le ballon, là vous vous dites 'ah ouais, on a affaire à quelqu'un qui a des choses à faire ou des choses à dire'".

A la tête des U19 du PSG, Zoumana Camara a vite compris, lui aussi, qu'il lui serait difficile de ne pas succomber au charme du prodige. "On ne peut que l'apprécier. Il est respectueux, travailleur, à l'écoute. Il a une maturité hors norme. Le footballeur est talentueux, il a une qualité technique au-dessus de la moyenne, une grosse endurance et un pouvoir d'accélération, il a un peu tout, en fait (rires). Il fait partie des plus grands espoirs que j'ai eus", avouait-il récemment à L'Equipe.

Voilà donc Zaïre-Emery définitivement lancé dans le grand bain professionnel. Dans le plus grand club français actuel, dans l'un des effectifs les plus concurrentiels d'Europe. Avec le rêve pour certains supporters parisiens de le voir s'imposer dans la durée. "On a souvent un milieu par décennie au club : il est dans la lignée des Luis Fernandez, Pierre Ducrocq, Clément Chantôme et Adrien Rabiot. Les années 2020 appartiennent à Warren", espère ainsi Anthony Vivien. Histoire que le conte de fées du surclassé ne s'arrête pas là…