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Ligue 1 - Avant Nantes-Lyon : Rayan Cherki, footballeur anachronique
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Publié 07/04/2024 à 00:32 GMT+2
Lyon affronte Nantes, ce dimanche soir (20h45) à la Beaujoire. C’est précisément dans l’enceinte nantaise que Rayan Cherki avait signé son premier fait d’armes au niveau professionnel, en 2020. Quatre ans plus tard, force est de constater que le milieu offensif formé à l’OL n’a pas connu l’ascension qu’on lui prédisait. Sans doute en partie parce qu’il n’est pas en phase avec le football moderne.
L'OL doit-il garder Sage comme entraîneur ?
Video credit: Eurosport
Ce soir-là, tout le monde n’avait eu d’yeux que pour lui. Le 18 janvier 2020, La Beaujoire a été le théâtre d’un haletant seizième de finale de Coupe de France entre Nantes et Lyon. Si les Gones ont eu le dernier mot (3-4), ce fut en grande partie grâce à un gamin de 16 ans, qui disputait son deuxième match chez les professionnels. Auteur d’un doublé en moins de dix minutes, avant de distiller deux passes décisives pour Martin Terrier et Moussa Dembélé, Rayan Cherki avait rayonné de mille feux, posant avec brio la première pierre d’une carrière que l’on imaginait prendre une tournure exceptionnelle.
Le décollage tant attendu n'a pas eu lieu
Ce dimanche (20h45), l’OL sera en déplacement sur la pelouse des Canaris pour clôturer la 28e journée de championnat. Quatre ans après y avoir été étincelant, Cherki sera encore là. Le décollage tant attendu n’a pas vraiment eu lieu. Malgré une qualité technique et une vision du jeu très nettement au-dessus de la moyenne, le prodige lyonnais n’a jamais réussi à s’imposer sur la durée. Cette saison, il a pris l’habitude de s’installer sur le banc des remplaçants (seulement 16 titularisations en Ligue 1, pour un seul but marqué et quatre passes décisives) et il n’est donc pas certain que Pierre Sage l’aligne d’entrée face à la troupe d’Antoine Kombouaré.
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Rayan Cherki, sous le maillot de l'OL face au Havre
Crédit: Imago
Plusieurs raisons permettent d’expliquer les difficultés rencontrées par l’international Espoirs français. Certains rappelleront qu’il est encore très jeune (20 ans) et qu’il a sans doute été exposé trop tôt. D’autres, plus critiques, dénonceront un langage corporel problématique, un dilettantisme récurrent ou un manque de sens tactique rédhibitoire pour viser plus haut. Il y a sans doute un peu de tout cela à la fois. Mais une autre hypothèse mérite aussi d’être avancée : et si Rayan Cherki était, tout simplement, un footballeur d’un autre temps ?
Il faut dire que cette théorie a récemment pris de l’épaisseur, apparaissant en fil rouge de la riche interview que le natif de Lyon a accordée au magazine So Foot. L’intéressé y clame son amour pour le foot "à l’ancienne", celui des "hors-jeu non sifflés, des erreurs et des grains de folie", bien plus attrayant que son évolution moderne, caractérisée par l’apparition du VAR ou le spectre de la Super Ligue. "J’ai toujours envie de revenir au football que j’ai kiffé", avoue le milieu rhodanien, grand admirateur de Zinédine Zidane, Ronaldo "Fenomeno", Eden Hazard ou Neymar.
Des exemples qui en disent long sur la vision du foot de Cherki, dribbleur insatiable en décalage total avec le football professionnel actuel, qui ne jure que par les stats et où l’efficacité prime sur la beauté. "Je resterai toujours à l’ancienne, et j’ai toujours envie de revenir au football que j’ai kiffé", affirme-t-il. Avant de regretter : "Moi, j’associe ce jeu à prendre du plaisir et remplir le stade, mais aujourd’hui, il faut marquer, marquer, et surtout ne pas prendre de but."
Un poste de prédilection en voie de disparition
On comprend mieux, dès lors, pourquoi le jeune Rhodanien a eu du mal à s’adapter aux exigences du monde pro, guère en phase avec sa philosophie. Des difficultés accentuées par le fait que le Bleuet a le profil d’un pur numéro 10. C’est dans ce rôle, avec une grande liberté d’action, qu’il est le plus à même d’exprimer tout son potentiel créatif. Or, le poste de meneur de jeu semble en voie de disparition - en tout cas sous sa définition historique -, en raison des évolutions tactiques et de la dimension physique prise par le sport roi. Les techniciens qui se sont succédé sur le banc lyonnais ces dernières années n’ont d’ailleurs pas toujours intégré un numéro 10 dans leur dispositif.
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Rayan Cherki et Adrien Truffert (Lyon-Rennes)
Crédit: Getty Images
Alors, à défaut d’être au cœur du jeu, Cherki a souvent été aligné sur une aile. Où sa créativité a inévitablement été bridée. "Quand tu es au milieu du terrain, là tu dois faire parler ton dribble et ta folie, parce qu’autour de toi tu n’as pas un joueur, mais deux, ou trois, analyse-t-il. Il est là, le vrai dribble. Sur le côté, tu percutes, tu accélères, et contrairement à avant, les joueurs ne se prennent plus la tête à faire des passements de jambes, des feintes, à revenir vers l’intérieur. Non, c’est 'je pousse le ballon et on verra lequel de toi ou moi ira le plus vite et passera l’épaule avant l’autre.'"
Le plaisir, encore et toujours
Tout cela incite donc à penser que le gamin du quartier des Buers, à Villeurbanne, est un footballeur anachronique. Autrement dit, que ses qualités et son approche du jeu lui auraient permis de pleinement s’épanouir à une autre époque, autant qu’elles lui sont préjudiciables aujourd’hui. Lui promet qu’il a progressé, que son jeu "a changé et va encore changer, comme il l’a déclaré en conférence de presse, vendredi. Je suis capable de dribbler, de passer et de dévier le ballon. Pour ma part, ce que je préfère, c’est le dribble, mais avec l’expérience et le recul, une belle passe peut me faire autant plaisir qu’un dribble."
Reste cette notion de "plaisir", omniprésente, qui illustre parfaitement le rapport de Rayan Cherki au ballon. "J’espère que j’arriverai un jour à allier plaisir et efficacité, souffle-t-il, toujours dans So Foot. Pour l’instant, je suis régulièrement frustré." On suppose qu'en dépit de tous ses efforts pour s’adapter à l’univers professionnel, ce plaisir qui lui est si cher risque de ne jamais disparaître. Et c’est sans doute tant mieux ainsi.
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