PSG - Strasbourg I Patrick Vieira, l'ennui sans les résultats : l'énigme du Racing

Il a commencé la trêve internationale sous les sifflets. Ceux du public de la Meinau, venus sanctionner le résultat face à Nantes (1-2) autant que la bouillie de football à laquelle il avait assisté. Patrick Vieira espérait forcément autre chose, une semaine après avoir déjà essuyé une défaite à domicile face à Lens (0-1). Son équipe, pourtant loin d'être irrésistible jusque-là, a signé sa plus mauvaise prestation face aux Canaris. Et les questions sur la capacité de l'entraîneur strasbourgeois à mener à bien l'ambitieux projet de BlueCo, propriétaire du Racing depuis l'été dernier, commencent à se poser.

Elles peuvent légitimement paraître prématurées. Huit matches, c'est peu pour permettre à un entraîneur de prendre pleinement la mesure de son effectif. Celui du Racing a beaucoup changé à l'intersaison, avec le départ de joueurs importants (Alexander Djiku, Dimitri Liénard, Morgan Sanson, Jean-Ricner Bellegarde et Habib Diallo). Et si Strasbourg a été le 6e club de Ligue 1 le plus dépensier l'été passé (56 millions d'euros), il a investi sur des joueurs jeunes qui doivent encore s'aguerrir aux exigences du championnat de France. Cela demande du temps.

Mais ces questions ne sont pas illégitimes pour autant. Les difficultés rencontrées par Vieira sont dans la lignée de celles qu'il connaît depuis le début de sa carrière d'entraîneur. Il n'a pas dirigé de mastodonte, mais son bilan comptable n'en laisse pas moins à désirer : 1,58 point de moyenne avec New York City en 90 matches (janvier 2016 - juin 2018), 1,42 point de moyenne avec Nice en 89 matches (juillet 2018 – décembre 2020), 1,22 point de moyenne avec Crystal Palace en 74 matches (juillet 2021 - mars 2023), et 1,25 point de moyenne depuis son arrivée à Strasbourg.

La tendance se confirme à tous les niveaux. En particulier dans le domaine offensif. Strasbourg est l'une des attaques les moins performantes de Ligue 1 avec 8 buts en 8 matches, et elle pointe à la dernière position au classement du nombre de tirs par match (8) au sein de l'élite. Une indigence qui n'est pas sans rappeler celle de Nice, du temps où il était sur le banc azuréen. Sous sa direction, le Gym n'avait inscrit que 107 buts en 89 matches, soit une toute petite moyenne de 1,2 but par match. Et le public de l'Allianz-Riviera avait souvent ressenti le même ennui que celui de la Meinau.

Ce constat ne s'arrête pas à son expérience dans le championnat de France. Malgré une première saison plutôt encourageante avec Crystal Palace (12e place en Premier League, demi-finale de FA Cup), les supporters du club londonien sont eux aussi restés sur leur faim, au-delà des résultats qui ont conduit à son éviction en mars 2023. "Ce n'était pas seulement la défaite qui posait problème, mais le fait que l'équipe ne sortait même pas de sa moitié de terrain, ne marquant que 4 fois en 11 matches et passant trois matches d'affilée sans même cadrer un seul tir !", rappelle Ibrahim Mustapha, journaliste à la rédaction britannique d'Eurosport.

Comme à Nice ou à Strasbourg jusqu'ici, la philosophie de jeu de Vieira est restée un mystère à Crystal Palace. "Il a d'abord cherché à apporter une approche plus offensive qu'auparavant, reconnaît Ibrahim Mustapha. Mais il est revenu à un style défensif trop prudent. L'équipe a marqué mois de buts et s'est avérée très, très ennuyeuse. Ce qui est inacceptable lorsqu'il n'y a pas de résultats." Ce qui est aussi très éloigné du style voulu par Vieira. "J'aimerais avoir plus de possession, une meilleure maîtrise technique, une identité de jeu", disait-il cette semaine dans L'Equipe.

Des idées qui vont dans le sens de sa carrière. Le joueur était un milieu athlétique doté d'une vision du jeu remarquable. Il a été élevé sur des principes offensifs avec Arsène Wenger à Arsenal. Il a évolué sous la direction d'entraîneurs davantage tournés vers la culture de la victoire comme José Mourinho à l'Inter, ou Fabio Capello à la Juventus. Il a fait ses premières classes de manager à Manchester City, un club exigeant à la fois en termes de jeu et de résultat. Deux domaines qui l'ont accompagné toute sa vie. Mais pour le moment, il ne parvient à transposer aucun des deux dans son parcours de coach.

Son début d'aventure à Strasbourg suit ce paradoxe. Et ne fait que renforcer le côté énigmatique de la carrière d'entraîneur de Vieira jusqu'ici. Mais le club alsacien connaissait le risque et ne l'a pas choisi sans raison. "Beaucoup de joueurs actuels de Crystal Palace sont arrivés sous la direction de Vieira et, pour un club qui ne dépense pas beaucoup d'argent par rapport à d'autres, cela montre son impressionnante capacité à identifier les talents", souligne Ibrahim Mustapha. Les dirigeants strasbourgeois ont tenté ce pari en lui confiant un effectif rajeuni qu'il doit faire progresser. Quitte à accepter l'ennui sans les résultats. Reste à savoir pour combien de temps.