Relégation de Lyon en Ligue 2 | Des chiffres et des dettes : John Textor, la grande esbroufe à l'OL
Publié 25/06/2025 à 12:50 GMT+2
John Textor a joué. John Textor a perdu. Durant de longs mois, l'homme d'affaires américain s'est dit certain que les différentes opérations financières qu’il a menées au sein de la maison mère Eagle permettraient à l'OL d'échapper aux sanctions de la DNCG. Mais certaines de ses promesses n'ont pas été tenues à temps. Et ses éléments de langage se sont heurtés à la réalité des chiffres.
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Une rétrogradation de l'OL en Ligue 2 aurait fait l'effet d'un coup de théâtre dans n'importe quel autre contexte. Mais dans celui du mardi 24 juin, jour au bout duquel la DNCG a acté la descente du club rhodanien, le "coup" fut encore plus grand. Car durant les semaines et les mois qui ont précédé cette date d'ores et déjà marquante dans l'histoire du foot français, John Textor s'était évertué à répandre sérénité, calme et confiance.
Peut-être est-ce là une représentation très concrète de tout ce qui sépare l'éducation financière d'un homme d'affaires américain d'une instance de contrôle française. Peut-être, aussi, s'agit-il simplement de la confrontation d'un discours de façade, entretenu par un homme enfermé dans son propre mirage, aux vérifications beaucoup plus froides et réalistes de bilans chiffrés.
Mais il est vrai que toutes les annonces de Textor, parfois disséminées à la volée à des supporters, sont encore aujourd'hui difficilement vérifiables, y compris dans les communiqués d'Eagle Football Group (c'est-à-dire l'OL) dont le devoir de transparence est grand compte tenu de sa cotation en bourse.
En novembre dernier, lorsque la DNCG avait prononcé la rétrogradation de l'OL à titre conservatoire, nos confrères de L'Equipe avaient annoncé que le club rhodanien devait "combler un trou" de 175 millions d'euros. Depuis lors, chaque vente de joueur, chaque transaction financière annoncée par Eagle Football Group avait été utilisée pour démontrer que cette somme pouvait être trouvée. En grande partie grâce à quatre principaux leviers :
- La vente de joueurs ;
- L'injection de fonds ;
- La vente des parts de Crystal Palace appartenant à Textor ;
- L'introduction d'Eagle Football Holdings (qui détient donc Eagle Football Groupe - c'est-à-dire l'OL, Botafogo et le Daring Brussels - ex RWD Molenbeek -, entre autres) en bourse américaine.
Revenons d'ores et déjà sur ces deux derniers points. La vente, par John Textor des 43% de parts de Crystal Palace à l'homme d'affaires américain Robert Wood Johnson n'a été officialisée que lundi 23 juin, à la veille du rendez-vous avec la DNCG. Celle-ci a été actée pour un montant dépassant légèrement les 220 millions d'euros, selon le New York Times. Et seule une partie de cette somme, de l'ordre de 40 millions d'euros, devrait atterrir dans les comptes de l'OL puisque l'enveloppe globale doit être ventilée au sein de toutes les entités de la maison mère.
A ce jour, l'OL est encore en danger
Bien avant cela, cette vente devra être ratifiée par la Premier League, processus dont la durée atteint généralement deux mois. Impossible, donc, de faire figurer ces revenus dans le budget prévisionnel présenté mardi. Et pas sûr, non plus, qu'ils puissent être ajoutés avant la commission d'appel, dont la date n'est pas encore connue mais sera forcément fixée rapidement afin de laisser place à l'organisation des championnats.
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Concernant l'introduction en bourse, c'est encore plus "simple". Celle-ci n'a été lancée qu'à la mi-juin, c'est-à-dire beaucoup trop tard pour espérer que les éventuels fonds levés dans la foulée puissent être injectés dans le bilan financier du club rhodanien. Ce processus-là durera plusieurs mois.
Dans un communiqué diffusé en janvier dernier, Eagle Football Group tablait pourtant sur des apports tirés de ces deux leviers pour le premier semestre 2025. Et précisait : "Tout retard important ou toute non-réalisation de ces flux de trésorerie pourrait remettre en cause le principe de continuité d'exploitation de la société et de ses filiales." En d'autres termes, de gros retards peuvent compromettre la survie de l'entreprise.
Pas de quoi rassurer la DNCG, alors que d'autres signaux survenus entre-temps étaient déjà alarmants. Au 31 mars dernier, Eagle Football Group faisait état d'un endettement de 540 millions d'euros (contre 463 millions d'euros six mois plus tôt), et d'un résultat net déficitaire de 117 millions d'euros. Autrement dit, la situation financière du club rhodanien s'est fortement dégradée depuis son entrevue avec le gendarme financier du foot français.
Où est passé l'argent de la vente de Luiz Henrique ?
Ce, malgré les autres entrées d'argent qui doivent, elles aussi, être relativisées. En janvier, Eagle se vantait d'avoir récolté 62,3 millions d'euros grâce à des ventes de joueurs durant le mercato hivernal. Dans son rapport de mai 2025, qui comprenait également les ventes de Jake O'Brien, Mamadou Sarr et Mama Baldé réalisées l'été dernier, le montant ne s'élevait plus qu'à... 57,2 millions d'euros*. Pourquoi ? Car dans le bilan de janvier, Eagle avait fait figurer la vente de Luiz Henrique, joueur appartenant à Botafogo mais dont les droits économiques avaient supposément été transférés à Lyon, vers le Zenit, pour 33 millions d'euros. Cette ligne a disparu quatre moins plus tard.
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Par ailleurs, dans ce document titré "évolutions financières significatives", on découvre que John Textor, à travers la maison mère, a effectivement injecté 83 millions d'euros dans les comptes de l'OL "en vue de la réalisation de ses objectifs, tels que présentés à la DNCG". Mais on découvre qu'une partie de ce montant (21,3 millions d'euros précisément) a été versée par YMK. YMK, c'est la société de Michele Kang, propriétaire de l'OL féminin. Cette somme a permis à la femme d'affaires de mettre la main sur le bail du centre d'entraînement de Meyzieu. Textor, lui, avait plutôt laissé entendre que cette vingtaine de millions d'euros s'ajouterait à l'apport de fonds.
Visiblement, ces quelques tours de passe-passe n'ont pas franchement convaincu la DNCG. D'autant que cette saison, en plein flou autour des droits TV de la Ligue 1, le patron de l'instance Jean-Marc Mickeler avait appelé les clubs à beaucoup de prudence au moment d'établir leur budget prévisionnel. John Textor a préféré abattre d'autres cartes. Il a perdu. Et il n'est vraiment pas certain qu'il se trouve une meilleure main d'ici à l'audience d'appel.
*Rayan Cherki a été vendu à Manchester City pour 36,5 millions d'euros, hors bonus, après la publication de ce rapport.
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